vendredi 18 juillet 2008

nous, tous, l'Eglise, l'humanité - parcours simple


dialogue : b.fdef@wanadoo.fr



Nous tous : l’Eglise, l’humanité


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+ soir du samedi 19 juillet 2008

La première étape avait été la prière du soir en famille, mon aîné, nous n’étions que deux enfants, mon aîné de dix ans, mes parents, j’éais à genoux devant mon lit, le lit le long du mur, fenêtre sur cour, gros berceau en bois, près du lit pour des peluches, un ours confectionné sous l’Occupation par ma tante et marraine, les yeux avec des boutons de culotte. L’ours, bourré à la sciure de bois, fut un jour éventré, je tentai de tuer mon père en représaille. Prière récitée :
Petit Jésus, je vous donne mon cœur,
faites que je sois bien sage,
protégez tous ceux que j’aime,
au-revoir, Jésus !
Baiser sonore de la main, signes de croix appris et faits, au mur, image naîve de mon saint, l’évêque-guerrier de Comminges. Devant la tombe de ma mère comme sur son lit d’agonie, il y a seize ans bientôt. Assis sur le lit de notre petite fille. Cette prière continue dans les mêmes mots.

Les messes à la paroisse, les gros billets à la quête, le latin, toutouoh ! çécoulorom ! le « suisse », la canne à pommeau, pour les frais du culte s’il vous plaît, seconde quête moins importante et de loin que la première. Nous occupons tout un rang, mes parents ne communient pas souvent. Nous sommes bien habillés, pas de domestique pour la table ni la cuisine, Maman la fait (croûtons au fromage, frites, somptueux rôti de bœuf, gâteaux - deux par enfant – choisi chez Coquelin (succession de magasin de fringues depuis une vingtaine d’années, place de Passy, dont il était l’ornement ; vérifier dans le premier tome des mémoires de Julien Green si la maison n’existait pas déjà en 1919).

Le célébrant, l’hostie au-dessus de la tête, l’autel très lointain, l’ensemble intense et peu discernable, la chapelle de Saint-Jean-de-Passy, rue Raynouard à Paris. J’en suis retiré, première confession sans que j’y ai été préparé ni ne m’en sois rendu compte. C’est ainsi que j’entre en neuvième à « Franklin », chez les Jésuites (un père spirituel par division, un préfet par collège, soit trois ou quatre divisions, un jeune scolastique comme « père surveillant » à partir de la sixième. Je suis en neuvième, communion privée, je me confesse à Gilbert Lamande, petite taille cambrée à la Foch, un don de conteur, de dessinateur, de metteur en scène, un séducteur, un imitateur d’un trafic ferroviaire en grande gare ; il tient une classe sous le charme, il organise des « camps de formation » en forêt de Compiègne, à Vieux-Moulin. Il est exceptionnel prêchant aux enfants, la beauté, la proximité de Dieu immédiat dans notre cœur d’enfant confiant et confident, il schématise les deux testaments de la Bible pour montrer que l’un est accompli par l’autre et que l’autre fait tout saisir du premier. Aucun émoi religieux, mais la sensibilité exacerbée par les récits d’actualité que nous restitue le religieux : le guide Payot, le capitaine du Flying enterprise, le Champollion drossé devant Beyrouth : l’héroisme n’est pas à la racine, le courage mais le sacrifice de soi. Récits aussi de guerre, de résistance – Gilbert Lamande, cheminot avant d’entrer dans la Compagnie, en a fait partie. Culte de la mère, donc la mienne, c’est aisé, et de la Vierge Marie, c’est évident et chaleureux. Enorme crucifixion, presque grandeur nature dans la chapelle. Le bâtiment principal – aujourd’hui disparu – est un hôtel particulier, l’atrium en rotonde, colonnades à chaque façade, les escaliers intérieurs peu commodes, un perron dont je suis tombé, poussé par un camarade, resté anonyme jusqu’à ce jour.

Au Moyen Collège, la magnifique chapelle 1930 – la fresque de saint Louis de Gonzague – les actions de grâce, le célébrant la fait longuement, en soutane, à genoux, la tête dans les mains, nous sommes quelques-uns à l’imiter, rivalisant de persévérance. Débuts de la piété, « ma » piété, la messe « privée » de Jésuites d’autres divisions servie héroïquement et avec émotion (piété) en arrivant trois quarts d’heures plus tôt que la rentrée de tous. Présence réelle. Dix ans ainsi. Le scoutisme continue et confirme.
Quantité de visages, de rencontres, de personnalités, de dialogues, l'apparence de grands écarts d’âge avec nos éducateurs, mais ils n’avaient pas quarante ans, beaucoup sont morts à soixante, foi de ces Jésuites-instituteurs… éclat et attractivité de mes « camarades de classe » et déjà des groupes, des exclusions ou des affinités, qui – à cette époque : de nos vies, ou de la société contemporaine française ? – étaient déjà du racisme ou de l’amour. Dieu était un bain, une ambiance, où d’autres éléments comptaient pour ainsi écrire : autant, mais n’était pas encore une personne. J’appris deux choses : que la foi n’est pas acquise par nous, mais reçue de Dieu ; que Jésus est sauveur, et que Le ressentir, L’appeler ainsi, est signe d’une maturité spirituelle. La conscience de notre condition pécheresse…

Second personnage, il est multiple. La foi a pour « preuve » que d’un lieu à l’autre, d’une génération à l’autre, d’un temps à un autre, les réflexes et les expériences sont les mêmes, l’homme devant Dieu, ou l’homme pour dire, le prêtre, le prédicateur, le pape, notre conscience, tout fait redondance. Je doute moins que jamais, je resterai ma vie entière, à l’intérieur de la foi et de l’Eglise. La troupe scoute que j’anime deux ans multiplie ces rencontres d’autrui dans la foi. Dieu est le bien le plus commun des hommes. Du patronage à Bezons, quelques dialogues avec les curés de paroisses où nous campons. Mon ancêtre éponyme, des dialogues par lettres avec mon aîné accomplissant son service militaire – malgré l’Algérie, mais il a maintenant huit sœurs et frères – je me pose « la question de la vocation » (religieuse ou sacerdotale). Pas de souci de perfection, pas d’évaluation d’un état de vie, mais un appel, une destinée. Trois amis de cette enfance, vraiment intimes, deux entrent dans la Compagnie à quelques années de distance, le troisième chez les Franciscains. Tous trois ont quitté leur congrégation, deux sont morts. Je ne réponds à la question que maintenant – "mon" bonheur conjugal et la grâce qui le pérennise, me le permettent. La soixantaine nous rend contemporain de nos idéaux et ambitions d’adolescence, mais elle les exauce, les réalise tout autrement que nos tentatives de vie et nos apparences de carrière. Ainsi ce blog. depuis Pâques environ, et la diffusion électronique de l’écriture de « ma » prière à mesure que chaque matin, je lis les textes de la liturgie du jour. Apostolat et témoignage, sans mandat certes, sans formation certes, mais en partage d’Eglise.

Ambassadeur de France au Kazakhstan – j’ouvre la relation diplomatique en 1992 – je convainc le ministre de la Justice, un des juristes soviétiques les plus éminents, disciple des fondateurs dans les années 30, que la représentation du Vatican en Asie centrale règlera la question du financement des paroisses locales, généralement tenues par des prêtres allemands ou tchèques à peine sortis de prison, l’évêque est lithuanien, 400.000 catholiques pour plus de 50 millions d’habitants, plus de mille kilomètres entre chaque église… et qu’elle placera un témoin irrécusable dans la capitale s’il devait y avoir un retour des anciens temps. L’établissement de cette relation me vaut d’être reçu par Jean Paul II, encore en grande forme, seul à seul, puis d’assister le lendemain, seul laïc, à sa messe privée. Puis nouveau moment seul à seul. France fille aînée de l’Eglise, je l’ai représentée.

Humanae vitae, propagandée et dialoguée avec ceux de mon âge, garçons et filles, comportement amoureux et sexualité de plus en plus consciente, chemin solitaire plus éclairé par les débuts multiples que par l’enseignement de l’Eglise. Je vis « sur accus. ». La Bible lue dans le désordre à mes quinze ans, le Cantique des cantiques comme initiation à la beauté féminine et à ce qui sera peut-être l’étreinte, mais dans ce genre Les fleurs du mal, aussi, et les Chansons de Bilittis. Des décennies alors de recherche d’une stabilité et d’une femme me la procurant, mélangée de relents d’ambition peu méthodique : entrer au conseil du prince. J’en rencontre beaucoup et ne retiens que ceux qui mourront avant moi. J’ai peine à reconstituer « ma » prière de ces si longues attentes, mais Dieu était quasiment à domicile, quand même et toujours.

Aucune des femmes qui se succèdent dans ma vie ou la partage ne sont – durant ces années – pieuses ni pratiquantes. Mon témoignage ne vaut pas, amants sans consécration, un avortement. Figures fugitives et non décisives de prêtres.


Et je m’aperçois d’un oubli essentiel – pourquoi cet oubli ? A mes vingt ans, en formation de chef scout, la marbrerie sur la Sarthe de l’abbaye bénédictine de Solesmes. Rencontre décisive, qui se continue aujourd’hui, avec des décennies en points de suspension et des retrouvailles fortes. Dom Jacques Meugniot, témoin et accompagnateur de mes vingt ans, de l’appel que j’entends à la sainteté, de deux fiançailles ratées et d’un mariage que je ne voulais pas mais ne sus refuser qu’en me réfugiant dans l’hôtellerie dont il avait la charge. La vie monastique est dès lors une structure de proximité, mais sans que je l’embrasse jamais. De cette rencontre, date cependant la lecture fréquente de l’office et à l’église, chant grégorien, corps plié en conclusion de chaque psaume, expérience irréversible et nourrissante en toute époque de la vie, en toute situation de ce que les psaumes sont le corpus de toute prière en même temps que l’abrégé délectable ou secourable de la psychologie humaine (et de celle de Dieu). Les psaumes ne me quitteront plus, la communion fréquente, la confession pas rarissime sont mes structures minimales. Structures « reçues », grâce déterminante qu’elles m’aient été données. Celui que j’ai longtemps appelé « mon moine » sera ermite en Mauritanie, aux époques où moi-même en serai absent – c’est là que j’ai accompli à mes vingt-deux ans le service « militaire », il m’avait conseillé le désert pour trancher mes interrogations en état de vie mais j’y vêcus mon premier amour, malheureux comme beaucoup de ceux qui suivirent, j’y rencontrai un Jésuite qui défroquait peu avant l’époque du sacerdoce dans une vie religieuse et l’Islam, qui ne me quitte plus car ce pays m’a aimé comme je l’aime. Dom Meugniot est aujourd’hui aumônier des moniales bénédictines d’Argentan. Nous nous aimons en nous décevant souvent car l’esthétique en commun ne produit pas forcément un vocabulaire commun, simplement une exigence qui use beaucoup. L’homme est le plus complexe, le plus apte à souffrir d’une indélicatesse, d’un égotisme, d’une imperfection le blessant autant quand ce sont celles des autres que les siennes, alors visibles. C’est un classique au sens vrai du siècle qu’on a baptisé ainsi, c’est-à-dire un homme qui aime les structures, en trouve et en donne, et qui pourtant est fantaisiste, spontané, romantique, contemplatif vif. Il apprend l’exigence et fait surtout éprouver que nous ne sommes pas exigeants. La vie, Dieu, et souvent autrui, le sont, d’où la conscience de nos limites.
En lien plus profond avec « le spirituel » que je ne le vêcus d’abord, l’accompagnement mental passionné et de plus en plus documenté de deux personnages politiques, de premier plan, et d’évidente valeur morale (hommes de convictions religieuses, aussi, quoique sans ostentation, naturelles) : Moktar Ould Daddah, président-fondateur de la République Islamique de Mauritanie, celle aussi de Pschari, Saint-Exupéry, Diego Brosset à l’environnement proche à tous points de vue de celui de l’ermite de Tamanrasset, qui importe tant à ma famille de sang et à ma généalogie d’élection. Et le général de Gaulle. Beauté, structures, explication du monde et la possible transformation des choses et des gens, le charisme de susciter l’événement et le consensus, puis la puissance des départs et d’une mort terrestre sans quitter plus jamais l’Histoire. Ainsi entra la politique dans ma vie, d’une manière proche de la mystique et de l’amour, excluant donc toute carrière dans ce qui est devenu un milieu quand les circonstances font défaut – c’est une évidence seulement rétrospective mais qui a fait la méfiance des professionnels. Le désintéressement matériel et le don, un consentement à la destinée qui produit grandeur et assurance. J’ai écrit sur le saint dont notre époque a besoin, il s’apparente à un politique qui serait vrai. Jean-Yves Calvez qui vêcut la tentation de al dialectique historique, récusa ma proposition pour Etudes. Nos échanges me plaisaient, d’estime mutuelle.

Rencontre contemporaine, datant maintenant de plus de vingt ans mais entretenue jusqu’il y a peu : Jean Laplace, Jésuite, passé à Dieu, il y a bientôt deux ans. Les Exercices spirituels d’Ignace de Loyola, l’exploitation de la Bible, la dialectique du « milieu divin », un enseignement lapidaire, aussi pratique que prenant, et une belle figure d’homme – que je continue de pratiquer par ses écrits et aussi par la correspondance ou le dialogue avec d’autres de ses disciples. Un prêtre ayant pratiqué, explicitement ce dont attestent ses papiers, son enseignement avant de le « donner ». Retraites de discernement qui ne m’orienteront pas mais qui m’imprégneront pour une nouvelle étape de vie spirituelle. Jean Laplace est, à l’âge adulte que j’ai atteint très tardivement, à peine aujourd’hui, ce que fut Gilbert Lamande pour mon enfance. Ils ont construit l’exigence de Dieu en moi et l’expérience de la grâce et surtout de l’action de grâce. Je voudrais prolonger son ministère en donnant ce dont il était fait, et comment il avait toujours cru, sa manière presque sereine de souffrir discrètement et de débattre sans insister, professionnellement aigu mais compatissant, spirituellement si simple et pratique, l’humilité a bien plus de formes diverses que la vanité et l’orgueil, je l’ai expérimentée contagieuse car elle nous fait sortir de nous-mêmes alors que la vanité nous y enferme. Jean Laplace nous mettait à l’aise, beaucoup – femmes « consacrées » ou pas, sur lesquelles il a beaucoup écrit et dont il a sauvé quelques-unes, enfermées dans l’absurdité, et des religieux – attestent qu’il les a libérés.

Deux fois de suite la lecture suivie, en cent semaines, de toute la Bible. Je note mais ne retiens que peu. Structure de vie cependant que chaque semaine, hors les vacances supposées scolaires, lire d’affilée une dizaine ou une vingtaine de chapitres de nos Ecritures. Un animateur, chanoine, esprit simple, très organisé mentalement, pédagogue quoique nivelant un peu son auditoire, m’apprenant aussi le mental de mon terroir d’adoption.

Période dépressive, expérience de l’accompagnement médical, puis psychologique et rencontre d’un cistercien, la Trappe de Bricquebec. Une lumière comme tout ce qui arrive de saint Bernard et de l’affectivité quand elle a choisi de contempler. Dom Amédée Hallier, des heures de dialogue, son émerveillement pour la confidence et son enseignement au consentement. Il meurt lui aussi, figure décisive de pureté et d’une certaaine humilité alors qu’on fait pèlerinage pour se reposer auprès de lui ou le consulter. Etonnant pédagogue, culture encyclopédique, piété des bergers à Bethléem, luminosité de son église, exemplarité brute de quelques figures antécédentes, dont celle de Victor Lehodey, abbé dans le premier tiers du XXème siècle : spiriualité de l’abandon. Obscurantisme du clerc de notaire à qui fut délégué le tri de ses cartons de documentation – cinquante ans de classement de l’actualité quand elle apporte à l’esprit et à l’âme, événements, auteurs, saints : tout fut jeté, quelques références aux journaux notées, alors que l’instrument si original et exhaustif avait été là, au palier d’un escalier de l’autre siècle dans des bâtiments où réserver désormais aux pieux et aux chercheurs l’antre du vieux prieur, ne privait personne, et certainement pas sa communauté. Mais j’eus la grâce de recueillir à temps quelques gemmes du trésor.

Au passage, le Val-de-Grâce, un hâvre où meurent nos excellences et nos gens d’Etat, mais où j’ai reçu de survivredes médecins, l’incomparable général Jean-Pierre Daly, une psychologue d’une justesse, d’un respect d’accoucheuse, le commandant Victoria Horne. Ce dont est fait un corps, comment peut se réorganiser une psyché, une âme fatiguée ou trop inquiète, se tranquilliser, s’éprouver solidement pour la meilleure reprise de nous-mêmes, et le retour à la vraie confiance dans le possible et parfois le souhaitable.

Bibliothèque religieuse commencée par la spiritualité conjugale (abonnement à L’anneau d’or à mes premières fiançailles – mon beau-père putatif, mécène du « père au lard » et de l’Aide à l’Eglise en détresse, que je retrouve – l’association, pas le beau-père – quarante ans après), continuée par un héros de mon adolescence, introducteur à la contemplation, sinon à la mystique : Thomas Merton, et toujours tendue par l’œcuménisme, le témoignage. Les textes des papes, procurés et étudiés dès leur parution depuis les encycliques de Pie XII. Et il y a quelques années, la documentation et l’écriture d’articles sur la contemplation. Quand Le Monde me publiait, il y a trente ans, des articles bien plus courts et spontanés sur l’Eglise, son image, ses tentations. C’est La Croix qui me publie, au chaud des oppositions aux solutions d’Alain Savary pour trancher le conflit école publique/école privée : je demande si les écoles confessionnelles « font » de meilleurs chrétiens que les lycées de l’Etat ?

Aujourd’hui, pas d’engagement physique ni en Eglise ni dans la vie politique (je n’ai jamais pu obtenir un mandat électif significatif ni la position de conseil intime auprès d’un acteur d’importance pour notre vie nationale), mais ces écrits, et les rencontres.

Divers accompagnements.

Le couple déjà âgé et souffrant (cancer de l’épouse, rebond de célébrité médiatique du journaliste retraité) : un des fils de l’un de nos plus grands écrivains au XXème.

Un moine-frère bénédictin probablement appelé à une fondation spéciale. Celui-ci est devenu pour ma femme m’accompagnant, à ma grande joie, dans cette amitié, un frère spirituel : son humilité et sa sincérité me font entendre des manières de croire, de durer, d’attendre et de choisir étonnantes, insolites. Au jour le jour, le climat d’enfance comme école spirituelle. L’échange tient à ce que je l’écoûte et crois à ce qu’il me dit, alors que d’intelligence et de culture, je devrais au moins être dubitatif.

Un autre couple en instance de divorce parce qu’il était déséquilibré dès son origine et pâtissait de surcroît d’enfances respectives malheureuses.

A écouter autrui, d’ailleurs, que d’existences humaines sont marquées par le couple parental. Je vis donc quotidiennement cette responsabilité, partagée avec ma femme, de donner à notre fille la matrice la dotant le mieux pour son âge adulte. Le mieux alors que nous-mêmes sommes si contingents. La grâce est le liant et l’ingrédient nous suppléant. Car la responsabilité insigne et définitive qui m’est échue, tard dans la vie où j’ai souvent failli à l’attente d’autres, est évidemment ce que je reçois et ce que je dois protéger des miens : vie d’échange et de partage avec ma femme – quatre ans et un mois de mariage, la sensation si vive de la grâce sanctifiante à l’échange de nos consentements dans l‘église du Val-de-Grâce – et avec notre fille, moins de quatre ans. La prière du soir, celle que je récitais dans mon enfance. Le monde vu et vêcu grâce à elles deux, et par elles. Chaque jour, une découverte, un approfondissement, l’expérience de la précarité des plus solides sentiments et engagements autant que du renouvellement de ces consentements et choix mutuels. Pleinement, maintenant, l’enseignement du Christ et de son apôtre Paul sur la parbole du mariage, Dieu et l’humanité, l’homme et la femme. Il y a trente ans, j’avais commencé d’écrire sur L’âme du sexe. Car le mariage apprend le sacrement de la chair, combien la grâce transforme le fortuit en renouvellement.

Je dis ainsi mon témoignage de vie d’Eglise, paroissien et chrétien de base, banal.

Pour situer les figures que je vais successivement présenter, soit dans leur mouvement actuel : ce que je vois de la vie spirituelle d’un autre, ce que nous pouvons chacun en tirer, sans indiscrétion, soit in memoriam, portraits et leçons. Monsieur Pouget dans nos vies, parfois. Denis Maugan, le recteur de mon village breton, entrée mutuelle dans nos vies, me maintient dans la résonnance, la joie et la discussion de toute évangélisation contemporaine. Ses homélies, son expérience, ses agacements – mais il n’est jamais las que physiquement : solidité psychique et spirituelle de ces prêtres « ruraux » que leurs évêques ont sacrifié, sans études vraiment supérieures, sans réelle direction spirituelle, s’inventant donc eux-mêmes en ne s’appuyant qu’en aveugle aux colonnes reconnues pour être celles de l’Eglise. Bien plus que les « têtes mitrées » que Jean Laplace recevait au même rang que les banaux sans jamais y voir l’Eglise à eux seuls, ces prêtres-là sont le visage et l’artisan de la communion des saints et d’un certain chemin vers l’alternative au monde actuel, celui de notre condition humaine.
Et la chance d’un monastère, pas trop loin géographiquement, et de beaucoup des moines de cette communauté avec lesquels la communion est rigoureuse, respectueuse, parfois âpre, mais chaleureuse et au fond fraternelle. « Mon » Eglise est là, dans sa concrétude ; la bonté, les ancrages, les avancées et intuitions peu remarqués parce que tant de reculs sont apparents, tout cela qui est Benoît XVI m’est également proche. Je crois aux papes, tous ceux contemporains de ma vie au monde m’ont apporté, personnellement. Pas un que je n’ai étudié en compagnon qui accepte le dialogue, qui m’instruit mais à qui je peux et dois répliquer, avant que nous tous ayons les mains jointes pour le physique du cercueil.
Je crois à la communion des saints, déjà entre nous, et ma femme et notre fille y sont avec moi, et d’elles j’ai tout à apprendre de cette communion et de la vie.
Ces premières lignes, donc...

Pour situer aussi la méditation-prière-partage des textes de chaque jour.

Pour introduire des réflexions particulières : intelligence, sexualité, économie, politique selon ce qu’apporte la foi au raisonnement et au comportement.

L’apologétique apporte bien moins que l’auto-biographie. D’Augustin aux deux Thérèse, quel lecteur – empoigné par ces parcours d’âme – ne le sait ? Et vous : qui dites-vous, que je suis ? Nous répondons par notre vie, et quand nous partons… par l’histoire de notre vie.

L’expérience de ma vie a été – de mes premières prises de conscience, et surtout de mes premières souffrances sentimentales, à aujourd’hui, le bonheur accompli –, que tout est grâce : c’était l’enseignement de Gilbert Lamande, dans mon très jeune âge, et quand il a administré ma mère à quelques semaines de la mort de celle-ci.

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