dimanche 16 août 2009

le dernier ennemi qu'il détruira, c'est la mort - textes du jour

Dimanche 16 Août 2009



Horrifié par la bêtise et la méchanceté des relations familiales chez E.... C’est incurable et cela commence par une sorte d’incapacité à communiquer, à exprimer. On ne sait pas se parler, on n’écrit évidemment pas, il n’y a donc pas de geste de reconnaissance, de gratitude, pas de tendresse. Chacun dans son autisme ne peut plus être qu’égocentrique, matérialiste au degré suprême, le chef d’œuvre était hier ma belle-mère donnant la part de gâteau que laisse un instant sur la table ma chère femme, ne prenant pas le temps de vider son assiette afin de faire, pour tout le monde, chauffer le café. Ma belle-mère la propose à son fils, qui n’en veut pas, la bouche encore pleine de la sienne, du coup elle-même se l’approprie. E... revient avec la cafetière, son dessert a disparu. Il est vrai qu’il y a un enjeu immobilier lui-même symbolique d’une détestation de ma belle-mère pour sa propre belle-mère où le mari restait encore trop souvent en visite quotidienne, sans avoir le temps pour femme et enfants. Dérèglements ou méchanceté… Mais qu’on ne prenne plus, les larmes aux yeux ou en discours politique, l’exemple de la famille et de la fratrie comme modèle des relations humaines ou internationales souhaitable (ces chefs d’Etat africains qui se donnent du cher frère… et ami, ce qui annule bien la chose), c’est le contraire qu’il faut souvent espérer : respect mutuel, au minimum. Les rencontres de métro, de plage ou sur un forum électronique partant au moins d’un souci commun sont plus solides… en tout cas, font éprouver la chaleur et la merveille du partage et de l’expression, de la communication. De mon côté, l’indifférence des miens motivée, bouche serrée, cœur en cours d’ablation. Il y a trois jours, cet octogénaire m’expose que des deux côtés, celui de sa femme et le sien, c’est la brouille, au moins y a-t-il un fait générateur dans chaque cas et l’on habite à quelques kilomètres ou à une demi-heure de voiture l’un de l’autre. Tout de délicatesse et de fidélité pour une épouse semi-aveugle et s'handicapant d'autant, il s'est laissé épouser bien plus tôt et sans doute parce celle qu'il n'aurait pas voulu et il peut me dire, sans hurler ni pleurer, qu'il n'a jamais su ce que sa femme pense, et que du fait d'un des yeux de celle-ci, mort de naissance, il n'a jamais non plus pu vraiment fixer son regard... Et cette sexagénaire, mon âge exactement, pas reconnue par son père, amoureuse de prêtres successivement, devenant militante pour que le problème des prêtres mariés se règle (ce sont les femmes qui font les frais de ces immaturités ou ces non-éducations au célibat soi-disant choisi) me raconte la même chose dans le couple de sa nièce, évidemment non mariée et sous emprise. L’exploitation commence chez soi ou autour de soi. C’est l’anti-enseignement de la solidarité humaine, de l’amour universel, de la condition humaine, invivable et à hurler d’impasse s’il n’y a pas le fardeau et les joies en commun. A la racine de ces incommunications engendrant en cascade la haine et ses motifs rétrospectifs, il y a peut-être le vide intérieur (notre époque, l’absence d’autorité morale, la rareté du grand écrit, l’exploitation-alibi d’héroismes exotiques ou du passé pour ensevelir sous le réalisme contemporain la perte du sens du scandale, la montée en icône de demi ou totales impostures, j’ai un nom pour chez nous et nous avons vu cette otage des FARC au portrait géant à notre hôtel-de-ville de Paris faisant les boutiques de New-York alors que ses compagnons continuent de pourrir là où elle était retenue) ; le curé d’Ars : laissez une paroisse sans prêtre cinquante ans, et on y adorera les bêtes. Le veau d’or de l’Exode, rien que le temps d’absence de Moïse à recevoir les tables de la loi – Le corps mystique à comprendre et vivre dans cette ambiance. Textes d’aujourd’hui, le pain de vie, c’est ma chair, donnée pour que le monde ait la vie. … Celui qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle, et moi je le ressusciterai au dernier jour. Le commentant hier soir, notre recteur insiste, le texte ne dit pas : corps, mais chair (de même le Credo qui a d’ailleurs deux articles distincts : la résurrection de la chair, la communion des saints… merveille que le contenu de notre foi…). Le corps mystique, nous formant l’Eglise et le Christ en totalité et le corps et le sang sous les espèces du pain et du vin, le corps eucharistique, avec une inversion de ces deux sens jusqu’à la fin du XVIIIème siècle sqns doute. Complexe apparemment, il est grand le mystère de la foi, mais simple puisque l’un permet l’autre, la communion liturgique au corps et au sang du Christ nous permet de former ce corps du Christ et de vivre la communion des saints. Je « me » retrouve soudain, la fratrie impossible si elle ne nous est donné divinement, dès qu’il y eut deux frères, l’un assassina l’autre, Abel et Caïn. Or, Jésus va à la racine du remède qui est la résurrection, la vie éternelle. L’état d’amour mutuel, le cœur tout brûlant tandis qu’il nous parlait en chemin, plus que la sympathie, l’empathie, nous vient de Dieu et manger, boire c’est bien – croyance du cannibale – s’assimiler au possible l’autre, chair et âme. Notre participation à la divinité, la restauration de la création, c’est-à-dire du rapport créateur-créé que suggère la Genèse, est ainsi donnée, par cette manducation, cette assimilation biologique. La biologie de l’âme ? pas seulement. Présence réelle, croyons-nous. La même pointe des deux impossibilités de croire pour d’autres, si proches de Dieu et de la prière pourtant et que j’aime… croire au Christ présent et absorbé sous les espèces du pain et du vin, croire que cette absorption de même qu’une configuration par toute notre vie et nos comportements au Christ est gage de résurrection et de vie éternelle. Chair ressuscitée. La question n’est pas notre identité, nous la tenons de notre création, elle est celle de la vie, donc de la chair et du sang en nos veines, le sang vivifiant notre chair. A rédiger et illustrer, montrer : une belle thèse de médecine et de philosophie ensemble, vérité de ce dogme en biologie puisqu’a contrario chair et sang meurent, se figent, pourrissent. Il en sortit ausitôt du sang et de l’eau…. Comme l’eau se mêle au vin… La révélation du Christ, dans laquelle il est toujours fin et moyen [1], tandis que nous prenons le chemin inverse : ne vous enivrez pas, car le vin porte à la débauche. L’apôtre naguère comme aujourd’hui : tirez parti du temps présent, car nous traversons des jours mauvais. Ne soyez donc pas irréfléchis, mais comprenez bien quelle est la volonté du Seigneur. Le discernement sur soi, début de la vie intérieure, n’est possible – j’ai mis quarante à le comprendre et c’est le bonheur reçu qui y fait entrer – que s’il se fonde sur un autre que nous, Dieu est ce seul autre, et au lieu de vivre à Son image, nous nous renvoyons chacun, de plus en plus déformée, l’image de ce que nous devenons les uns et les autres. A l’homme sans intelligence, la Sagesse dit : ‘Venez manger mon pain et boire le vin que j’ai apprêté ! Quittez votre folie et vous vivrez, suivez le chemin de l’intelligence’. Au commencement de nos vies respectives (Anaïs Nin, à treize ans… [2]), pourtant l’empathie, la télépathie, la confiance innée et surtout la divination des ambiances et de l’amour, notre fille n’est insupportable que quand, autour d’elle, infusant quasiment en elle, à son corps défendant, elle sent nos tensions ou soucis, ou dans ma belle-famille quand elle ressent que sa mère n’y est pas aimée. Alors, elle se révolte contre un tel contre-sens. Eux, ils sont morts ; celui qui mange ce pain vivra éternellement. … Celui qui me mangera vivra par moi.

[1] - Proverbes IX 1 à 6 ; psaume XXXIV ; Paul aux Ephésiens V 15 à 20 ; Jean VI 51 à 58

[2] - Aujourd’hui, j’ai fait une nouvelle découverte : je suis pleine de confiance dans l’avenir. J’ai appris qu’il ne faut pas désespérer et j’ai confiance en la fortune, le bonheur, l’avenir et la vie. Jusqu’ici, j’ai eu peur et je n’ai pas osé regarder l’avenir en face. Maintenant oui, car je me suis abandonnée entièrement à la Provudence. La vie st comme un grand monde, où l’on souffre, où l’on jouit et pleure. On vit, on travaille et on découvre. Il y a bien des choses à redécouvrir car chaque homme est un mystère, chaque grain de sable, chaque fleur, chaque passion un mystère. On doit découvrir toujours et toujours apprendre. Moi j’ai découvert : la confiance, la solitude, la prière, le rêve, le malheur, la tristesse, la douleur, la détresse, le mensonge, la haine, l’amitié, la pauvreté, l’orgueil, la colère, l’impatience, la charité, la liberté, l’amour de la patrie et le respect. Chaque découverte est un escalier qui lentement mène à l’éternité, le ciel pour ceux qui en profitent, l’enfer pour ceux qui font des crimes. A moi, il me manque beaucoup d’escaliers, et devant moi s’étend un long désert sans horizon, plein d’embûches, et dont je dois découvrir le nom ou plutôt les feuilles de cet aride désert que l’on nomme la Vie. 26 Mai 1916 – elle a donc treize ans… Journal d’enfance 1914-1919 * (Stock . Mars 1979 . 422 pages) p. 224

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