dimanche 30 mai 2010

la détresse elle-même fait notre orgueil - textes du jour

Dimanche de la Trinité (& fête des mères) - 30 Mai 2010


Prier… coincidence de la fête des mères et de la solennité chrétienne de la Trinité. La messe hier, au bord de la mer, Augustin marchant le long d’une plage rencontre un garçonnet occupé de remplir d’un trou dans le sable avec un coquillage qu’il remplit d’eau – raconte notre recteur – et lui demande ce qu’il fait : je mets la mer dans le trou – tu es fou, tu n’y arriveras jamais – si, certainement, avant que tu n’aies compris le mystère de la très sainte Trinité ! J’étais à ses côtés comme un maître d’œuvre. J’y trouvais mes délices jour après jour, jouant devant à tout instant, jouant sur toute la terre, et trouvant mes délices avec les fils des hommes (d’autres traductions menant à de tout autres interprétations : avec les enfants des hommes). Qui ? la Sagesse ? le Saint-Esprit présenté au féminin ? la seconde personne de la Trinité, elle aussi présentée au féminin ? toutes les intuitions si peu développées, et plutôt réprimées, selon lesquelles Dieu « contient » non seulement paternité et filiation, mais aussi toute la dialectique et la richesse du masculin et du féminin, que Thérèse de Lisieux poussait assez loin en revendiquant le sacerdoce et tous les « métiers » que l’Eglise réserve aux hommes, au sens rétréci du terme par le sexe (sens rétrécissant tout autant le terme : femme). Que disaient les Pères de l’Eglise, au désert, sur de tels textes ? Le Coran décrit le monde pour montrer la puissance de Dieu, et plusd tard Voltaire en fera autant, pour sa « nécessité ». La Bible préfère montrer Dieu en train de créer ce monde, Dieu en action, et le texte choisi aujourd’hui y ajoute décisivement cet étrange compagnonnage que Dieu ne cesse de se donner et de se vouloir. Nature trinitaire ou plus encore la Trinité elle-même et en tant que telle, ne se veut totale et comblée qu’avec nous, qu’avec cette Sagesse, qui nous représente tous ou qui nous inspire tous ? le Seigneur m’a faite pour lui… je fus enfantée… Et cependant un rôle immense, important, fonctionnel : j’étais à ses côtés comme un maître d’œuvre… et l’aspect ludique, pas forcément nuptial (là encore ce serait rétrécir), mais annonçant peut-être une des formes de l’éternité, de la chair ressuscitée, de la louange de la création élevée vers son créateur : les délices qu’évoque aussi le Coran mais avec le secours d’images crûes et pratiques. Trinité (cf. sa « nécessité » démontrée en mathématiques par des musulmans…) et notre expérience courante : le couple et l’enfant, mais aussi les « besoins » de maternité, de paternité d’une part, de création, de travail, d’inspiration pour créer, mettre au monde d’autre part. Tout cela « repris » par la réalité de la Trinité, ou plutôt tout cela reflet de la Trinité, pressentiment et images qui nous sont donnés, avec la parole décisive : Dieu fit l’homme à son image, à sa ressemblance, il les créa homme et femme… et ainsi de suite, toute la révélation confirmée par la Croix (son signe est celui de la Trinité, ce que rappelait aussi hier soir notre recteur) et la Résurrection. Résultat dans nos vies les plus médiocres, les plus douloureusement ressenties : notre orgueil à nous, c’est d’espérer avoir part à la gloire de Dieu, car, pratiquement pour nous, la Trinité, le fait que Dieu soit Trinité, introduisent notre participation à la vie divine, c’est parce que Dieu est trois personnes en un seul Dieu que la « porte » de la divinité, des dialogues divins, des échanges divins nous est ouverte et que nous en faisons substantiellement partie. Une telle disproportion entre ce à quoi nous appellent notre nature humaine et la rédemption de celle-ci, son rachat, et ce que nous vivons selon tant de limites ! fait notre espérance et aussi notre chemin quotidien : la détresse elle-même fait notre orgueil, puisque la détresse, nous le savons, produit la persévérance, la persévérance produit la valeur éprouvée, la valeur éprouvée produit l’espérance, et l’espérance ne trompe pas puisque l’amour de Dieu a été répandu dans nos cœurs par l’Esprit saint qui nous a été donné. Nous en restons là, c’est tel que notre vie et nos forces ont déjà de quoi faire : j’aurais encore beaucoup de choses à vous dire, mais pour l’instant vous n’avez pas la force de les porter.[1]

[1] - Proverbes VIII 22 à 31 ; psaume VIII ; Paul aux Romains V 1 à 5 ; évangile selon saint Jean XVI 12 à 15


. . . l’unité (nous ne faisons pas de distinction ici entre l’Unité métaphysique et l’unité arithmétique qui la symbolise) ne peut être perçue qu’à travers trois. C’est pourquoi Ibn Arabî enseigne constamment que le « premier singulier (fard) est trois. Ceci résulte logiquement de ce que, dès lors qu’il y a perception, il y a sujet et objet, ce qui fait trois avec la perception elle-même. Même lors que l’Unité est envisagée pour elle-même, elle demeure impliquée dans trois celui qui la contemple, Elle-même, et la contemplation qui est la relation contemplant et Contemplé. Ce n’est que lorsque la dualité est dépassée, par la réalisation métaphysique, que l’Unité subsiste seule, sans second (c’est le tawhîd dont nous parlions au début de cette introduction), mais alors, on ne parle plus de perception ou de quelque autre relation, car connaissance, connaissant et connu sont unis dans l’Etre-Un qui se connaît Lui-même en Lui-même et par Lui-même.

De ce fait, on peut dire que, du point de vue de la conscience individuelle, dès lors qu’il y a un, il y a trois ; deux n’étant qu’un état de passage entre un et trois, une « limite » instable entre eux, sans existence autonome réelle. De quelque manière qu’on l’envisage, deux n’existe que par rapport à un premier avec lequel il fait trois, ou un troisième qui est son produit : par exemple, tous les contraires (actif-passif, haut-bas, noir-blanc, grand-petit, etc… n’ont d’existence que par le terme de référence auquel ils s’ordonnent et par lesquels ils s’équilibrent ; quant aux semblables il en est de même : seul un terme qui leur est extérieur permet de mesurer (ou qualifier) leur similarité ; ou si l’on veut, pour que les semblables ne soient pas purement et simplement identiques (c’est-à-dire un seul), il faut nécessairement quelque chose qui les distingue, ce qui fait encore un troisième.

Par ailleurs, et ce qui précède étant bien entendu, il est donné à tout un chacun de concevoir que l’unité arithmétique est le seul nombre qui ait une réelle consistance et une influence effective : toute numération commence nécessairement par un, et quel que soit le nombre qu’on envisage, aussi grand soit-il, on peut toujours lui ajouter un, et ceci indéfiniment. Ce phénomène traduit, dans l’ordre rationnel (au sens propre de « ratio », rapport, logique), la souveraineté et l’omniprésence de l’Unité métaphysique qui est l’Etre, seule réalité de toute l’existence, tout comme un est la seule réalité mathématique, les autres nombres n’étant que l’expression de rapports.

Abd-el-Karîm el-Jîlî – Un commentaire ésotérique de la formule inaugurale du Coran
traduit et annoté par Jâbir Clément-François .
éd. Albouraq . Beyrouth Liban . Avril 2002 . 280 pages pp. 122-123
www.albourad.com
albouraq@albouraq.com
distribution – La librairie de l’Orient . 18 rue des Fossés Saint Bernard . Paris Vème
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orient-lib@orient-lib.com

Le même auteur, pp. 69 et suivante développe le Verbe-Logos, dont l’identité avec le Principe suprême est clairement établie et rappelle l’identification formelle de Jésus au Verbe… mais il applique au Prophète pp. 106-107 sa démonstration du syllogisme (qui tire une preuve sans apport d’éléments extérieurs) et même le hadith selon lequel Dieu dit : J’étais un Trésor caché ; Je n’étais point connu. Or J’aimai à être connu ; alors Je produisis une création aux êtres de laquelle Je Me rendis connu, en sorte que, par Moi, ils M’ont connu.
L’ensemble de ce commentaire introduit, par sa mise en résonnance aussi bien des grands textes religieux de l’humanité (ainsi le Tao pour la Trinité) que de la valeur numérique des lettres, à ce qui est décisif en Islam, vie quotidienne et comportements socio-politiques : « la science des lettres ». L’Islam n’est pas la religion de la fatalité, mais de la connaissance, et le dialogue précis entre chrétiens et musulmans gagnerait à se fonder sur la prière et sur les textes, non plus seulement sur la bonne volonté ou les considérations humanistes de chacun à propos de la paix ou de la dignité humaine. Aller ensemble au cœur de la révélation (BFF . 30 V 10).

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