jeudi 7 octobre 2010

il disperse les superbes - textes du jour

Jeudi 7 Octobre 2010


Cette nuit

Minuit cinquante + Couriellé à l'Elysée [1]: la misère matérielle et morale, l’indignation d’un côté et le cynisme soi-disant serein de l’autre. S’en rend-« on » compte ? parier sur la résignation et l’impuissance !

01 heure 30 + Sarkozy reçu par Benoît XVI après-demain, vainement écrit à deux reprises au Nonce, je courielle aux quelques évêques que je puis toucher [2].

Ce matin

07 heures 45 + Prier, faire ce que l’on peut pour le monde, pour qui l’on aime, espérer la conversion ou le retour au réalisme de ceux dont, à tort ou à raison, on croit qu’ils gouvernent mal, espérer dans le ressort entier de la création et d’autres accouchements. Notre-Dame du Rosaire, la trame d’une vie, des vies, de nos vies, autant de mystères : dévotion qui a sa profondeur et sa psychologie, un moine aimé et accueillant en fit son testament en coincidence avec l’un des derniers mouvements du pape précédent. D’un seul cœur, ils participaient fidèlement à la prière. [3] La médiatrice par excellence, c’est là qu’ils se tenaient tous… avec quelques femmes dont Marie, mère de Jésus et avec ses frères. Message : il renverse les puissants de leur trône, il élève les humbles. Il comble de bien les affamés, renvoie les riches les mains vides. Nous tous en fait puisque nous nous croyons quelque chose, alors que nous ne sommes que serviteurs et n’accomplissons que notre devoir (évangile d’il y a quelques jours… dimanche dernier) et puisque les puissants et les riches sont indigents et pauvres de leur puissance et de leur richesse. Tous à recevoir. Non du bien, mais une personne car rien n’est impossible à Dieu. … Sois sans crainte, Marie, car tu as trouvé grâce auprès de Dieu. Le créateur, sa créature, la création, la réedmption, respiration universelle, espérance prière. Marie ensuite en hâte partira, une jeune fille, une vierge accordée en mariage à un homme de la maison de David, à qui l’on assure : voici que tu vas concevoir et enfanter un fils… il sera grand… le Seigneur Dieu lui donnera le trône de David. Ainsi advint-il … ainsi sera-t-il pour notre espérance, notre attente, notre prière. Marie part, non pour vérifier que sa cousine est effectivement enceinte, signe donné par l’ange, mais pour aider celle-ci, tellement elle a cru Gabriel sur parole. En tout.

[1] - ----- Original Message -----
From:
Bertrand Fessard de Foucault
To:
Christian Frémont, directeur du cabinet du président de la République
Sent: Thursday, October 07, 2010 1:18 AM
Subject: ce devient grave

Cher Préfet, cher ami,

tout simplement un instant ce soir, même si c'est pêle-mêle, mais sans doute pas plus que ce dont vous êtes entouré en papier ou sur écran. Je suppose que vous croûlez sous les notes de renseignements, les biographies et points faibles de chacun des responsables syndicaux, sous les sondages avec alternatives, combien de temps la grève des transports nationaux et urbains gardera-t-elle la sympathie du public ou les fera basculer contre grévistes et manifestants. La popularité du Président, pas besoin de mémoire, il est sans précédent qu'on soit à la tête de la France avec moins de 40% d'opinions favorables dès le huitième mois du quinquennat et qu'on tombe parfois en-dessous de 30% (Edith Cresson n'était que Premier ministre). Tout cela, très documenté, peut nourrir un scenario : impavidité du pouvoir - néologisme et concept : l'exécutif - contre capacité des syndicats à mobiliser, puisque dans le système institutionnel qui s'est consolidé d'année en année, l'opposition n'a pas le moindre pouvoir dans le jeu des institutions et tous les "perfectionnements" de 2008 ont montré ces deux années-ci qu'ils n'ont aucune pratique (grandes nominations, commissions d'enquête, organisation des débats parlementaires...).

Compter sur l'apauvrissement et l'endettement du très grand nombre pour qu'une grève soit impossible à tenir par ceux qui la font ? compter sur l'exaspération des non-grévistes ne pouvant aller à leur travail faute de moyens de transports ? gagner par la résignation du grand nombre, la détresse et l'impuissance ? de même que seule la tolérance des politiques et des médias depuis trois ans et demi a permis cette confusion des pouvoirs et cette autocratie (dont au moins la communication présidentielle donne la sensation, peut-être y a-t-il délibération et respect des gens dans le cercle du pouvoir, peut-être mais ce n'est pas manifeste). Gouverner, gagner par la résignation.

Gouverner, présider ce n'est pas réformer, ce n'est même pas gérer. J'entendais un footballeur à France-Infos. vers midi : jouer, c'est faire mieux jouer les autres. Et Dieu sait si aujourd'hui les foot-balleurs, nos foot-balleurs... Gouverner notre pays, c'est susciter les Français, créer l'ambiance, l'union nationale.

Maintenant, c'est devenu grave. J'écoute et regarde tout en vous couriellant et en travaillant : Les vivants et les morts. Peut-être le regardez-vous, vous aussi ce serait bien. Beaucoup de Français regarde ce bout-à-bout d'une série, tirée d'un roman qui a déjà six ans, une sorte de Germinal. La professeur de dessin de notre fille (six ans bientôt) avait les larmes aux yeux ce matin : qu'il s'en aille (elle ne dit pas : le Président, évidemment). Il y a des gens qui souffrent pas seulement par manque d'argent, par endettement, par diminution régulière des ressources. Il y a des gens qui ont honte de la façon dont nous sommes gouvernés et représentés. Il y a une fixation - pour certains personnelle. Pour d'autres, une fixation plus récente née de la contestation par le pouvoir du nombre des manifestants et de l'impact des manifestations, fixation née du mépris. Ce devient une affaire personnelle pour beaucoup et cela attend, souhaite une forme collective, le symbole ne suffira pas, le temps des manifestations est passé, celui du voeu explicite de départ du Président a commencé.

Le discours de Grenoble a été ravageur parce qu'il a été la revendication de ce que nous faisons de plus moche, la signatrure... et s'il y a eu, selon le Figaro, plébiscite, c'est du même ordre que gagner par la résignation et la désespérance, l'impuissance des gens. Jouer sur les bas sentiments des gens, leur racisme aussi inné que la générosité, cela se balance dans l'âme des gens. Ceux qui crient à la mort des Roms, à la suppression des juridictions européennes, au rétablissement de la peine de mort, mais ceux qui accueillent les Roms dont les roulottes ont été confisquées, ceux qui ont de l'idéal tout le temps et en toute circonstance : cela crée des échanges et des complicités immédiates. Dans les manifs. on se parle pas dans le métro, ni dans les embouteillages. La politique, grande, c'est de nous faire basculer vers le généreux et le beau, pas le recroquevillé des "petits Blancs".

Si vous écoutez les chefs syndicaux, vous voyez les évolutions sémantiques : manifestation, jour de grève, grève reconductible. Cette fin d 'après-midi, quelques-uns parlent d'explosion sociale.

Explosion de Mai 68, mais le Général était resté populaire à plus de 50%.

Il y a de la détestation pour le Président - permettez-moi de vous l'écrire et donc de vous le faire lire, parce que c'est su, mais est-ce dit et compris. Détestation qui tient soit aux effets des politiques menées - la France défaite brique par brique, ai-je lu dans des commentaires de dépêches AFP - soit à la honte de ce qui est fait ou dit, soit à des comportements : la voix d'Eric Woerth au Sénat hier, je ne le voyais pas mais j'entendais par la radio, on sentait un rire étouffé et la voix est adolescente alors que le sujet est grave, que le pays est divisé et que le ministre est sujet à caution.

Ces coincidences si symboliques : Jacques Chirac relaxé car l'UMP paye, mais Le Floch-Prigent retournant en prison alors que Total qui a eu la peau boursière de Elf mais son magnifique empire aurait pu faire de même : le second a fait bien plus pour la France que le premier... et il a d'ailleurs dû subventionner le premier ! J'ai écouté Pierre Botton, interdit bancaire, prenant ses quinze cent euros à la poste, ayant payé la moitié de ce qu'il doit en dix-sept ans, encore dix-sept ans. Tous ces gens interdits d'avenir, exclus. Combien je m'en sens proche, placardisé à pas cinquante deux ans et interdit d'avenir. Maintenant Jérôme Kerviel. La justice consolidant l'icône bancaire ou l'icône de la fonction présidentielle, alors que l'on n'y croit plus, que l'on sait la responsabilité du système bancaire et du système des ressources bancaires dans la crise économique, que l'on vit combien nous manque un arbitrage présidentiel serein, indépendant des intérêts et mature.

C'est très grave parce qu'il y a une somme - qui n'est pas mathématique - de souffrance, d'impuissance, il y a tous les paramètres individuels et tous les paramètres collectifs. Le conflit qui commence vraiment aurait pu naître d'autre chose. Dans l'immédiat, le projet sur les réformes ou la réforme territoriale dispensent le parti socialiste de dresser son programme : tout simplement arriver au pouvoir pour défaire ce qui est fait depuis trois ans et surtout ces derniers mois. Beau résultat dialectique.

Je ne peux conclure en vous indiquant des pistes. A mesure, depuis trois ans : relance européenne, patrimoine, Afghanistan, institutions, OTAN, Mauritanie, et souvent pour seulement des sensations, je vous ai couriellé. Chaque fois, je crois, d'une manière innovante et pourtant réaliste.

La réforme sera votée (puisque les votes ne sont ni de conscience, ni de liberté), les manifestations et les grèves échoueront... parce qu'on n'a plus les moyens de durer... peut-être ? mais le pays ne va pas continuer dans un tel état d'expropriation intime de lui-même, et risquer de se mépriser lui-même. Alors ?

A vous, au Président, de trouver. Ceux qui gagnent leur vie en votant au Parlement ou en commentant à la radio, à la télévision s'interrogent - çà fait technique - les salaires sont-ils assez bas pour rendre la grève financièrement impossible à ceux qui la tenteraient ? et le dénouement du conflit à propos des retraites pèse-t-il et comment sur le remaniement ministériel dont il est parlé depuis Juin ? impossible de laisser une situation pourrie ou un projet bloqué au nouveau Premier ministre ? Jeu de société, au sens littéral... L'imagination n'est évidemment pas dans cette population.

Il va en falloir soit que le mouvement social s'effondre, soit que le projet des retraites soit remis complètement à plat. Qui sera crédible ? l'opposition de gauche, tranchant réellement ? le Président changeant complètement, devenant collégial, rare, ne s'imposant plus ?

J'ai une certitude, la France change. Et en bien. Et indépendamment du pouvoir et de l'économie.

L'immigration l'améliore parce qu'elle lui apprend la profondeur de ses propres racines et la diversité. L'évaluation des réformes dont on ne veut pas et l'attente des réformes qui ne sont ni évoqués ni a fortiori faites, affine le pays. La crise de 1929 avait produit des réponses qui furent souvent affreuses, mais elle amena aussi ce qui fit synthèse à la Libération et après la guerre. Jusqu'à présent, la crise fait proliférer les camouflages pour que rien ne change et que la dogmatique économique de ces trente-quarante ans continue de s'imposer, soi-disant réaliste. Chacun le sait, et le sent, les plus simples ont l'instinct de ce qu'il faut faire. Alors quand il s'agit de justice ou d'injustice, les Français de toujours ou nouvellement partie de nous, savent encore mieux. C'est le meilleur du pays, de nous qu'il faut écouter et qui crie. Ne comptez pas sur le pire pour gagner.

On dit que Gourdaud-Montagne - en Novembre-Décembre 1995 - s'occupait à étudier en archives la manière dont le gouvernement Laniel, l'été de 1953, avait résisté aux blocages et à la grève générale. Il n'y a à l'époque contemporaine que Pétain et de Gaulle qui, en plein air, ont pu rassembler des dizaines de milliers de personnes. Et il n'y a que de Gaulle qui ait suscité des manifestations de soutien dans la rue. Toutes les manifestations - en dehors du 30 Mai 1968, et bien entendu celles des deux armistices et de la Libération - ont été des manifestations "contre". L'unité nationale soit silencieuse par temps de paix, soit en protestation sociale, mais jamais positivement exprimée ? l'évidente phobie du referendum depuis 2005...

Pardonnez-moi de retenir ainsi longuement votre attention, et avec un désordre apparent, mais peut-être ainsi je vous change de ce que vous lisez habituellement, et faites lire éventuellement au Président.

Merci.

[2] - ----- Original Message -----
From:
Bertrand Fessard de Foucault
To:
Undisclosed-Recipient:;
Sent: Thursday, October 07, 2010 1:10 AM
Subject: aux responsables de l'Eglise de France - audience qu'accorde le Pape au président de la République française, cf. discours de Grenoble
Je lis dans l'agenda du Président de la République une audience du Pape vendredi.
Combien elle est regrettable ! cela va passer comme une compréhension partielle de tant de turpitudes - tant personnelles que dans l'exercice des fonctions présidentielles - et plus particulièrement comme une écoute relative des motifs du discours de Grenoble.

[3] - Actes des Apôtres I 12 à 14 ; Magnificat Luc I 46 à 55 ; évangile selon saint Luc I 26 à 38

Aucun commentaire: