samedi 25 décembre 2010

car le Seigneur a consolé son peuple - textes de la nuit puis du jour de Noël

Samedi 25 Décembre 2010 - c'est Noël


La grâce de Noël, parce qu’elle est essentielle, répond aux règles de l’essentiel dans notre viie : elle est attendue mais elle n’est pas donnée selon nos demandes ou nos espérances ou nos imaginations, c’est-à-dire selon notre pauvreté, elle est donnée de façon surprenante, tout à fait supérieure et totalisante, elle nous répond. Hier soir, la messe en trinité, Marguerite pas très concentrée, sur les genoux de ma chère femme, a cependant – son dessin – la vue théologique la plus forte de Noël. Edith et moi sommes dans notre chagrin, elle est là, je chante, c’est la même attitude. Nos chers chiens, enlevés, disparus… Isaïe, le bœuf et l’âne, la leçon de nos animaux est son prologue [1]: Le bœuf reconnaît son bouvier et l’âne la crèche de son maître, Israël ne connaît rien, mon peuple ne comprend rien. Le thermomètre à – 10° en Ile-de-France, ce qui fait ouvrir cent vingt lits supplémentaires pour les sans-abris… le président de la République parti à Marrakech pour y demeurer jusqu’au 30 et rentrer enregistrer son allocuation de vœux : ce qui induit la probabilité que cette nuit il ne s’est pas agenouillé devant une crèche. Naguère, de Gaulle interdisait tout voyage d’un membre du gouvernement qui ne soit pas de travail et sur invitation officielle d’un de nos partenaires, tant à lui les vacances étaient à Colombey et la nuit de Noël, il était parmi d’autres dans l’église de son village. Respectueux de la laïcité, l’homme du 18 Juin ne communiait pas en public quand il fut le président de la République.

Cette nuit [2] nous avons prié ensemble. Le peuple qui marchait dans les ténèbres a vu se lever une grande lumière ; sur ceux qui habitaient le pays de l’ombre, une lumière a resplendi. Dieu nous a donné la parole, parce qu’Il nous a donné la vie et toute matière à Le louer et à Le supplier. Voil ce que fait l’amour invincuible du Seigneur de l’univers. Trésor de l’humanité, responsabilité des chrétiens que de témoigner d’un Dieu à qui l’on peut s’adresser, parler. Tout le ressort religieux de l’humain postule la prescience et l’écoute du divin. L’apport judéo-chrétien est d’attester la possibilité du dialogue, et l’intérêt-même – si je puis écrire ce mot, inadéquat – qu’y prend Dieu, l’entendant comme notre liberté de L’aimer ou de L’ignorer, de Le refuser. L’apport musulman est cette exigence flamboyante de la fidélité et de ne pas renier ce qui est, en nous, natif. Tu as prodigué l’allégresse, tu as fait grandir la joie… pour attendre le bonheur que nous espérons avoir quand se manifestera la gloire de Jésus-Christ, notre grand Dieu et notre Sauveur. Quand ? où ? comment ? Ne craignez pas, car voici que je viens vous annoncer une bonne nouvelle, une grande joie pour tout le peuple : aujourd’hui vous est né un Sauveur, dans la ville de David. Il est le Messie, le Seigneur. Et voilà le signe qui vous est donné : vous trouverez un nouveau-né emmaillotté et couché dans une mangeoire.

Cette nuit, dans notre église d’adoption, le plus beau moment fut pour moi les tentatives manifestement pénibles et difficiles de ce prêtre si âgé aux souliers orthopédiques mal dissimulés par l’aube et l’étole pour se lever et aller concélébrer à l’autel avec notre ami cher. J’allais l’aider quand Denis, ornements blancs de la dernière Cène, quitta l’autel pour l’accueillir, je pris l’autre bras, groupait la haute canne, et disposai un siège pour le cas d’une défaillance, mais le prêtre – signe de la présence sacramentelle du Christ – m’avait devancé. La chasuble un instant les enveloppa du même nimbe. Naguère, dans la chapelle bleue du centre Manrèse des récollections jésuites, cette sommité de divination des vocations et de discernement de l’improviste de Dieu, quittait la célébration au bras de mon père spirituel,tous deux experts des Exercices spirituels d’Ignace de Loyola, le plus âgé, devenu aveugle, et écrivait de mémoire ses dédicaces de livres : Jean GOUVERNAIRE [3] et Jean LAPLACE [4] annonciateur de Noël dans les vies concrètes.
Et… ce matin, ce jour – où sans doute beaucoup qui pleurèrent cette nuit, selon leur itinétaire, leur mémoire ou la détresse la plus pratique que scandalise l’ordonnance des fêtes de commande – j’entends tranquillement, tandis que se défont les paquets de Noël, que le verre de lait presqu’entièrement bu et les écorces de mandarine, attestent le passage du Père Noël, sur injonction de l’Enfant-Jésus, et que les rennes ont laissé peu des carottes que notre fille leur avait préparées… souvent dans le passé, Dieu a parlé à nos pères par les prophètes sous des formes fragmentaires et variées ; mais, dans les derniers temps, dans ces jours où nous sommes, il nous a parlé par ce Fils qu’il a établi héritier de toutes choses et par qui il a créé les mondes … Le Verbe était la vraie Lumière qui éclaire tous les hommes en venant dans le monde. Il était dans le monde, lui par qui le monde s’était fait, mais le monde ne l’a pas reconnu. Il est venu chez les siens, et les siens ne l’ont pas reçu. Retour du priant que nous sommes, entre le bœuf et l’âne, pour tous ces jours à venir, de profondeur plus encore que de fête. Car le Seigneur a consolé son peuple. [5]


[1] - Isaïe I 3

[2] - Isaïe IX 1 à 6 ; psaume XCVI ; Paul à Tite II 11 à 14 ; évangile selon saint Luc II 1 à 14

[3] - Quand Dieu entre à l’improviste Desclée de Brouwer . juin 1980 . 166 pages

[4] - La prière, désir et rencontre Le Centurion . novembre 1978 . 138 pages

[5] - Isaïe LII 7 à 10 ; psaume XCVIII ; début de la lettre aux Hébreux I 1 à 6 ; commencement de l’évangile de saint Jean I 1 à 18

Aucun commentaire: