mardi 8 novembre 2011

ceux qui mettent leur confiance dans le Seigneur, comprendront la vérité - textes du jour

Hier soir

Paris. Paris de toujours, Paris des rencontres, Paris réceptacle, démonstration que la mémoire (lieu ou culture) produit le meilleur présent : les rencontres. Ce soir, deux expériences. La seconde se dit vite, elle est délicieuse. Sortant du Sénat, rue de Vaugirard, et de la réunion dont je parle ensuite où étaient quelques femmes, la plupart tranquilles et apaisées dans leur âge « ce sexe qui n’en est pas un », à écrire qui n’en est plus un (de même que ces hommes à la voix muée par la vieillesse et au pantalon sans contenu : bientôt, moi ?), et l’une d’elles presque appétissante à l’apéritif puis se décomposant comme une jeunesse magique dont le sortilège l’a quittée avec l’heure venue, je croise d’abord un jappement de jeune chien, je me retourne, deux jeunes gens, la vingtaine pas plus, l’un plus grand et plus quelconque que l’autre, au visage frais, manifestement le don d’imitateur et même de la comédie, le front très pâle, une lumière joyeuse, là, plus encore que dans les yeux : suis-je tombé juste, prépare-t-il quelque concours, deux-trois mots d’encouragement et de semi-divination, nous avons chacun été heureux. Puis, la guérite du 15 bis, une des factionnaires réarrangeait des cheveux à la BB. Traversant la rue de Médcicis, doublé un jeune couple, elle expressive et métisse noire, lui banalement sympathique, aucun des deux beaux, mais couple, dans ces rues autour du Luxembourg, à la sortie surtout des filles de la faculté d’Assas, qu’est-ce que la jeunesse sinon un optimisme, une légèreté d’âme qui se voit à la démarche sans embarras même si elle est souvent sans véritable grâce ni portée par un corps remarquable : simplement des débuts qui ne peuvent douter de la fin puisqu’ils ne l’envisagent à aucun degré, un présent qui n’est que futur, un avenir qui n’a aucune limite. Mon bonheur et ma liberté sont que ces limites – tellement épprouvées – deviennent une structure, un encouragement, peut-être même cette sensation à tirer les cartons de bibliothèque chez IKEA et surtout à pousser le chariot aux roues quasiment bloquées que je suis devenu vieux, ces moments fréquents ces semaines-ci où mes deux bras, souvent ensemble, me font mal et parfois mon rein ou ma hanche droite… sensation que je suis vieux et que c’est surtout mon dernier trimballement. Alors regarder des silhouettes très jeunes – je ne dis pas le tête-à-tête, le regard… je n’en ai plus l’expérience depuis quinze ans, y résisterai-je ? sans doute car la vis-à-vis me regarderait autrement que je fus regardé quand le désir pouvait être réciproque – mais en restant aux silhouettes, je ne vois que le commencement de la vie et j’imagine aussitôt que celles et ceux que je regarde sans m’arrêter deviendront comme moi. Ma liberté est de me sentir affranchi du désir et de l’échec à séduire. J’ai mieux à réussir, j’ai surtout à conserver, admirer, ne pas perdre, devenir toujours plus digne et valeureux pour ma chère femme et notre fille. Donc, ce couple banal rue de Médicis : bravo pour l’amour, et le meilleur c’est avant… ils ont été étonnés, j’ai à peine développé, et dit mes vœux, puis une réminiscence de ma rencontre de Sylvie, de ces enchantements des débuts, de tout début quand débuter c’est expérimenter la réciprocité d’attirance, d’attente, d’ouverture joyeuse et anxieuse, légère surtout parce que nullement dubitative. Ces instants où nous ne sommes pas dubitatifs. Puis loin, au café du Luxembourg, deux jeunes filles, l’une très heureuse, souriante, blonde, animée, l’autre brune, réceptive, presque triste mais la paire était vraie.
La première expérience de ce soir est ce dîner de l’association : Chaban aujourd’hui. Réunion autour d’un homme frais, qui le resta dans toutes les situations d’une vie longue et d’une carrière très vécue, sans en être jamais ni abîmé ni amer. C’était déjà très rare à l’époque où je le rencontrai (1973-1974), alors aujourd’hui…

Ce matin

Ces deux alpinistes bloqués dans les Grandes Jaurasses depui six jours, les hélitreuillés au nord de Sao Miguel des Açores, Océane étouffée, violée et poignardée, huit ans… notre fille bientôt sept ans. Jamais seule sous aucun prétexte ou quelque distance que ce soit, si petite et habituelle soit-elle. Nos chiens abattus au fusil, sans doute à bout portant.

Prier… Le Seigneur entend ceux qui l’appellent : de toutes leurs angoisses, il les délivre. Témoignage d’un miraculé de l’alpinisme, huit jours bloqué… avoir le soleil au cœur, se mettre en harmonie avec la montagne. Lequel d’entre vous, quand son serviteur vient de labourer ou de garder les bêtes, lui dira à son retour des champs : « Viens vite à table » ? Ne lui dira-t-il pas plutôt : « Prépare-moi à dîner, mets-toi en tenue pour me servir, le temps que je mange et que je boive. Ensuite tu pourras manger et boire à ton tour ». [1] Texte étonnant, apologie de l’esclavagisme ou tout comme, de l’abus d’autorité, d’inhumanité… parabole adressée aux Apôtres, à ses disciples par Jésus, milieu très modeste et pour la plupart des gens du lac, par conséquent ni agriculteurs, ni pasteurs, et certainement pas servis… Le Christ développe cependant : ce maître sera-t-il reconnaissant envers ce serviteur d’aavoir exécuté ses ordres ? Réponse implicite : même pas… De même vous aussi, quand vous aurez fait tout ce que Dieu vous a commandé, dites-vous : « Nous sommes des serviteurs quelconques : nous n’avons fait que notre devoir ». Jean LAPLACE, avec sourire et expérience, constatait que dans la Bible, les évangiles, il y a tout et son contraire. Il disait aussi qu’il n’y a qu’une chose dans l’ensemble de ces textes composés en une dizaine de siècles, Jésus-Christ. Texte aujourd’hui abrupt, mais tous ceux sur la miséricorde et cette recherche passionnée d’un Dieu créateur, et d’un Fils incarné, à la poursuite créé à son image, et donc libre, si libre qu’il sent les entraves de son humanité tant qu’il n’a pas intégé la vie éternelle… Dieu a créé l’homme pour une existence impérissable, il a fait de lui une image de ce qu’il est en lui-même. – Expérience une fois de plus dans l’entre deux de la lecture, souvent en milieu de texte (le psaume ou l’évangile) pour ensuite revenir au psaume, et à la première lecture (écrits apostoliques ou Ancien testament) en arrivant aux premiers versets après avoir cheminé vers le milieu ou la fin du passage. Ainsi, maintenant, m’était venu le fait de notre création à l’image de Dieu avant que j’en lise l’énième affirmation au début du livre de la Sagesse. Logique qui me dépasse, qui nous dépasse, de l’inspiration que produit en nous la lecture lente et demanderesse du texte. La mort est entrée dans le monde par la jalousie du démon, et ceux qui se rangent dans son parti en font l’expérience.


[1] - Sagesse II 23 à III 9 ; psaume XXXIV ; évangile selon saint Luc XVII 7 à 10

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