jeudi 10 novembre 2011

déchiffrer ta parole illumine, et le simples comprennent

Jeudi 10 Novembre 2011


13 heures 43, à l’oratoire du Val de Grâce +J e viens y prier avec les textes du jour, mais depuis ce matin de mon réensommeillement dès le re-départ du TGV jusqu’à ce moment dans les jardins du Palais-Royal, où pigeons et moineaux se sont rassemblés, densément , je crois que je prie de tranquillité, d’action de grâces pour la vie, pour l’amour de ma femme et de notre fille. Que sont nos échecs ? au regard de la vie. Notre espérance, ma joie, le bonheur ne se fondent nullement sur les succès grands ou petits, sur les victoires : que de fois (quand un sommet se laisser agripper par ma main au dernier mouvement pour l’établissement, je l’ai éprouvé, la tristesse de beaucoup d’arrivées, l’espérance au creux des larmes, dans le cri, dans le corps habité par de la douleur que je cherche à cerner et à contenir). Les nouvelles gare Montparnasse par la presse gratuite : les deux alpinistes retrouvés morts de froid, l’assassin d’Océane s’est rendu et avoue. Deux adultes d’expérience sont allés à la mort, par suirprise ? par forfanterie ? par défi ? je ne sais, mais je souffre. Sans doute, se sont-ils endormis pas trop douloureusement, mais le désespoir et le martyre moral des sauveteurs, l’emprise du mauvais temps en montagne, cette vallée que je connais depuis mon adolescence mais sans en avoir pratiqué les randonnées, courses ni a fortiori un quelconque défi. Je fais des c… mais pas de ce genre. Quant à ce dérèglement total, cette soumission à des pulsions affreuses, comment la comprendre ? prendre de force un être aussi jeune, en abuser, la tuer alors qu’en sus de l’acte barbare, il y a la certitude d’être à soi-même sa seconde victime, la prison à perpétuité ou presque… jusqu’à sa propre mort. Je ne peux envisager cet instant de l’assasinat et que les cris, les mouvements, la supplication, les dénégations n’aient pas raison de la folie. Ou alors, la cruauté pure si je peux oser cet adjectif… Je suis apeuré, effondré, triste. Bien entendu, notre fille de bientôt sept ans. – Arrivant dans ce lieu familier, je croise une jeune femme en uniforme : l’aumônier musulman ? non, israëlite. Je m’étonne, des rabins femmes ? elle s’explique avec gentillesse, j’évoque le ministère de tout aumônier, le comment de la rencontre surtout s’il n’y a plus à l’entrée dans les services un questionnaire (facultatif) intégrant la demande ou pas de ce genre de visite. Un musulman demandant n’importe quel aumônier, le besoin de parler. Elle me décrit son état : divorcée, mère d’une jeune fille de vingt-huit ans, elle-même pas d’âge, elle décrit les rites qu’elle reconnaît nombreux auxquels elle se plie quotidiennement, m’apprend que la lecture quotidienne de ce qui est pour l’Ancien Testament fait faire aux Juifs (elle dit : israëlite) le « tour » complet chaque année. Je dis mon ignorance de tout cela, mais en revanche une certaine connaissance de leurs grands commentaires de nos livres communs. Ainsi ai-je commencé par le Cantique des cantiques naguère. Nous avons continué dans le bureau commun aux quatre cultes. Elle tient beaucoup au lien nation-armée, et ses autorités aussi (mention de divers grands rabins, celui qui anime le jour du Seigneur (HEISENBERG ? à vérifier) et que j’évoque est son ex-mari, je suis désolé, puis, sur sa dénégation, je lui en fais compliment. Elle est la première femme dans cette fonction militaire, grade : lieutenant. J’approuve, c’est le meilleur argument en riposte à celui des anti-sémites, surtout depuis qu’Israël et sa politique vis-à-vis des Palestiniens font clivage, consistant à reprocher aux Juifs de n’être pas assez, etc… elle est scandalisée par la banalisation de nos morts en Afghanistan, dont la mention et le traitement anonyme viennent le plus souvent en énième rubrique aux actualités. Je lui dis combien je tiens à un dialogue et à une prière ensemble : mususlmans, chrétiens, juifs, pour que nous devenions à nous tous une autorité morale tant le monde actuel manque de repères et de référence. Elle me signale l’émission télévisée : direct 8, « les enfants d’Abraham », passant régulièrement en revue l’actualité. Nous terminons par son évocation, retour aux textes quotidiens, d’une traduction commentée des psaumes [1], j’en suis preneur alors qu’elle m’a déjà offert deux numéros de son bulletin de liaison aux armées [2] et un livre au beau titre Soldats de la parole [3] qu’elle me marque : « Ce sont mes frères que je recherche… (Joseph)… et que je trouve, lorsque mon cœur et mon âme le permettent ». Je lui dis en retour ma propre lecture quotidienne et que je ferai état de notre rencontre, la vivant comme providentielle, puisque c’est mon premier contact proprement religieux et personnel avec le judaïsme : jusqu’ici ce n’était que de lecture ou selon la participation à un office en mémoire d’un de nos voisins. J’avais alors trouvé une grande parenté de piété. Dieu dans notre vie, fait-elle. J’approuve : il sufit de la lire, notre vie. Et l’espérance, ajoute-t-elle alors, nous nous quittons, elle vers le bureau commun à réarranger après un déménagement provisoire de toute l’aumônerie pendant des travaux, et moi vers l’oratoire dont la table d‘autel et le tabernacle sont à redisposer. Une femme, plutôt âgée, assise, médite, les yeux ouverts, très grands.

Prier maintenant ces textes que j’ai lus [4] d’abord sur le banc entouré des oiseaux, des échafaudages et barrières pour des travaux de réfection au palais lui-même qui ne sont pas expliqués… l’histoire grande et petite dans ces lieux centraux de notre histoire nationale… les galeries et les jardins devenus difficiles d’accès, du vent aussi, je n’avais guère tenu … elle est la respiration de la puissance de Dieu, le rayonnement limpide de la gloire du Maître souverain ; aussi rien de souillé ne peut l’atteindre. Elle est le reflet de la lumière égternelle, le miroir sans tache de l’activité de Dieu, l’image de sa bonté. Comme elle est unique, elle peut tout ; et sans sortir d’elle-même, elle renouvelle l’univers. De génération en génération en génération, elle se transmet à des âmes saintes, pour en faire des prophètes et des amis de Dieu. Beauté et densité de ce texte, de ce livre entier, qui s’ouvre à la manière du Cantique des cantiques et se continue ici avec une telle intensité qu’il mériterait une étude philosophique. Vertu initiatique, audace d’une conception de Dieu au féminin, au spirituel le plus impalpable. La langue enfin : elle déploie sa vigueur d’un bout du monde à l‘autre, elle gouverne l’univers avec douceur. Elle donc de ma part une contemplation toute nouvelle, aussi bien cosmogonique qu’intime, travail de Dieu en nous. Un esprit intelligent et saint, unique et multiple, subtil et rapide ; pénétrant, net, clair et intact ; ami du bien, vif irréistible, bienfaisant, ami des hommes ; ferme, sûr et paisible, tout-puissant et observant tout, traversant tous les esprits, même les plus intelligents, les plus purs, les plus subtils. Dieu Esprit saint. Personnes de la Trinité donc, distinctes mais de même et unique nature, puisque le Fils de l’homme, quand son jour sera là… sera comme l’éclair qui jaillit illumine l’horizon d’un bout à l’autre. Dieu ne se situe pas, ne se saisit, et pourtant voilà que le règne de Dieu est au milieu de vous. Le psalmiste, notre modèle de priant, assure d’expérience : déchiffrer ta parole illumine, et les simples comprennent. Effet de Dieu, effet de la Sagesse.

. . . dans le TGV retour vers Vannes, 17 heures 11… + Quoique ayant calculé large, je suis si chargé que j’ai pris place quelque minutes seulement avant le départ. Je suis épuisé de fatigue, mes deux bras sont douloureux comme chroniquement, chacun avec une douleur différente, mais rien d’insupportable. Une forte gêne, je ne peux rien saisir de la main gauche qui demande un bras de levier. Je vis surtout mon fort vieillissement cette année, en force physique, en apparence de visage, sans compter ces kilogs superflus, la dizaine, que je ne perds pas. J’ai cru que de Karthala à l’Harmattan, puis de là au métro et du métro jusqu’aux quais avec ensuite le train à remonter sur dix-huit voitures, locomotives et autres, non comptées, je n’y arriverai pas. Placardée fréquemment, une silhouette blanche et moletonnée : une faiblesse soudain d’un côté, signe de l’accident cardio-vasculaire, appelez d’urgence le 15… La Beauce, lisse, verte, quelques labours qui commencent, un groupe de cervidés pas loin de la voie, très tranquille.
17 heures 44 + Je tombe de sommeil après le coup de fatigue de ces marches de baudet en début de cet aprsè-midi… Etrange illusion d’optique, des rasades noires, très noires en nappe comme vue de tranche sur un ciel orangé, le coucher du soleil sur la plaine. On peut se croire en surplomb d’un lac de feu, l’immensité et l’étrangeté sont telles que rien ne signifie plus le silence de tout, finalement. Pour toujours, ta parole, Seigneur, se dresse dans les cieux. Ainsi soit-il.
17 heures 10 + Dormi comme j’ai pu, le train était complet, il change de clientèle en gare de Rennes, montée d’une tribu de filles aux « look » très divers. Le règne des écouteurs et des tablettes à examiner ou sur lesquelles tapoter… et celui de la crise en titre des quotidiens et des hebdomadaires. Crise qui n’est pas celle des autres, qui est la nôtre et qu’on nous cache. Couverture d’un numéro de Courrier international pour la semaine du 10 au 16, SARKOZY-paon et ses plumes commenté par les grands organes étrangers. – Ce matin, que des hommes dans le train vers Paris : quarante ans pour la plupart, volubilité de cour de récréation quand la disposition des sièges permet les groupes, les voitures (Porsche de collection…), les vacances, les records, l’expertise de vie quotdfienne, et ce soir, début d’un « pont », bien davantage de filles et de jeunes, on lit ou l’on dort. La vie, mais je suis en deuil d’Océane, des deux alpinistes, de tous ceux qui tombent, les accidents cardiaques, la mort sur la route, nos soldats. Nos corps faits pour la vie éternelle. Cette vie éternelle est simplement la vie, elle n’est pas caractérisée seulement par le temps ou le non-temps, elle est notre perfection à chacun et à tous ensemble. Elle est la création enfin achevée. Plus encore que je l’espère, je le crois.

[1] - grand rabbin Claude BRAHAMI, avec une préface du Cardinal ETCHEGARAY

[2] - aumônerie israëlite des armées, n° Avril et Septembre 2011, d’emblée passionnants par leur éclectisme

[3] - Soldats de la parole, sous la direction du grand rabbin Haïm KORSIA (éd. Polyglottes . Juin 2010 . 254 pages)

[4] - Sagesse VII 22 à VIII 1 ; psaume CXIX ; évangile selon saint Luc XVII 20 à 25

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