dimanche 29 janvier 2012

aujourd'hui, écouterez-vous sa parole ? - textes d'hier médités aujourd'hui

Lundi 30 Janvier 2012



Prier… je prends les textes de la messe d’hier [1], puisqu’hier j’ai médité ceux d’aujourd’hui. Manière du Christ : il y a les paraboles, il y a les questions posées à l’auditoire ou au seul interlocuteur, il y a les miracles (des guérisons, une résurrection) généralement accomplis en fonction de la foi constatée mais souvent aussi – comme ici – pour seulement souligner son magistère en légitimité et pas seulement en contenu. On était frappé par son enseignement, car il enseignait en homme qui a autorité, et non pas comme les scribes. … Voilà un enseignement nouveau, proclamé avec autorité ! Jésus a tout pour déplaire à l’ « établissement » de son époque, mais pas forcément cependant pour séduire ses contemporains. Qu’enseignait-il précisément quand il est interrompu par un homme, tourmenté par un esprit mauvais, qui se mit à crier ? L’évangéliste ne le note pas. Comble, alors que l’identité du Christ est proclamée à l’improviste : le meilleur connaisseur de Dieu c’est Satan et contrairement à ce que nous vivons et ressentons si douloureusement, le mal est la meilleure et plus forte attestation de la existence et de la toute-puissance divines… Jésus fait taire ce témoin improvisé. Ce dût être spectaculaire et paradoxal. Les évangélistes insistent : les signes importent autant que l’enseignement lui-même. Conditions d’écoute et même d’ouverture au don de la foi : frères, j’aimerais vous voir libres de tout souci. Texte célèbre et controversé de Paul, on croit y lire une mise en cause du mariage et une infériorité d’un état de vie par rapport à un autre. Foucauld le commente justement, lui qui, pourtant, fut tellement en quête d’une orientation et d’un discernement sur son état de vie. Je regarde autrement et vis combien sont compatibles et même s’éclairent et se fortifient l’un l’autre, le souci de Dieu et l’état conjugal. Plaire au Seigneur… lui consacrer son corps et son esprit… c‘est le chemin pour être libres de tout souci, donc pas une recette ou un état de vie par lui-même, mais une orientation vers Dieu. Reste la double grandeur d’une vocation religieuse, sacerdotale au célibat (et à la pauvreté et à l’obéissance) : répondre à l’élection divine, faire humainement le choix et le pari pour un bien suprême, Dieu, et subordonner toute son existence humaine courante à la recherche de Dieu et à Son service. Supériorité, infériorité d’un état de vie ? non. Plan de Dieu sur chacun, appel. Une consécration, un pari tels ne peuvent être notre seul fait. Et à l’inverse, la vie « dans le monde » n’est pas tenable sans la grâce, c’est elle qui agence l’accaparement et la responsabilité de la vie de couple et de famille, les exercices professionnels, notre créativité pour qu’ils nous mènent – cependant – à Dieu « quand même ». Possible seulement par ce Christ, Dieu fait homme, donc à notre mesure humaine, à notre portée, en nos mains à son époque puisqu’il fut mis à mort, en nos mains aujourd’hui par les sacrements (celui de l’Eucharistie plus visiblement), mais qui a autorité : je mettrai dans sa bouche mes paroles, et il leur dira tout ce que je lui prescrirai. La parabole vaut pour la politique, d’autorité qu’une parole dépassant celui qui la profère et de fond que puissé à des références universelles, intimes au cœur de l’homme, du citoyen du téléspectateur… Aujourd’hui, écouterez-vous sa parole ? [1]


Copiant le commentaire assez long du rabbin Brahimi pour ce psaume XCV que chantent mes amis moines à chaque matine, j’ai conscience et bonheur de prier avec nos frères juifs. Je vais revenir aussi à ma lecture fréquente du Coran. Copier, c’est prier. Des vies monastiques avant Gutenberg n’eurent que cette prière : copier. Eugène Detape, mon si communicatif professeur de philosophie, à l’école Saint-Louis-de-Gonzague à Paris, disait : le génie est copieur. Le paradoxe n’est qu’apparent. Le génie, c’est d’abord l’invention du chemin, pas forcément le contenu-même de l’invention. Il se trouve que le commentaire de Claude Brahimi est exceptionnellement intéressant pour un chrétien puisque, faisant comprendre ce qu’est le sabbat, il dit avec une force ce que le chrétien enregistre machinalement : pourquoi il était si scandaleux pour les contemporains du Christ que Jésus intervienne, presque systématiquement pendant le sabbat, y compris pour le moment de sa mise au tombeau.


[2] - Le chabbat est essentiellement la prise de conscience que c’est Dieu qui a créé le monde. L‘homme juif s’efforcera alors, pour cette aison, de ne pas intervenir dans la nature de quelque manière que ce soit. Aussi pour « l’accuueil du chabbat » nos sages ont choisi ces six psaumes qui tous célèbrent Dieu, comme Roi créateur de l’univers. Psaume 95.3 : « … Dieu est un grand roi ». Psaume 96.10 : « … proclamez parmi les nations que Dieu règne ». Psaule 97.1 : « … que la terre se réjouisse : Dieu règne ». Psaume 98.6 : « … annoncez au son du chofar le roi Dieue ». Psaulme 99.1 : « … que tremblent les nations : Dieu règtne ». Psaume 29.10 : « … Dieu siège en roi sur le monde ». Comme si à l’approche du chabbat nous affirrmions avec plus de force que ces six jours de la semaine, temps du travail humain, sont soumis à l’autorité divine et annonçaient le chabbat dominé à l’évidence par Dieu, préfiguration de ce chabbat des temps messianiques où, avec Israël, l’humanité reconnaîtra la tutelle divine sur le monde selon la prophétie d’Isaïe 66.23 : « … de chabbat en chabbat toute créature viendra se prosterner devant Moi ». Vocation exaltante que celle du peuple d’Israël, tout entier tendu vers la louange de Dieu. Les premiers versets de ce psaume le disent avec un lyrisme incomparable : « Allons chanter Dieu, rocher de notre salut… car nous sommes le peuple de son pâturage, le troupeau de sa main ». Mais vocation difficile quand elle doit affronter les forces du mal, quand le « cœur s’endurcit », quand il met à « l’épreuve » Dieu comme dans le désert où Israël s’est comporté comme un « peuple au cœur égaré », « ignorant ses voies », transgressant sa vocation. Ainsi que nous l’avons dit dans notre introduction, le chabbat est le signe du rtègne de Dieu sur terre ; c’est à Israël de le dire le premier. Il ne faut pas qu’il trahisse sa vocation, garante de son salut ; selon le midrach chih’èr tov : Rabbi Lévy dit : « si Irsaël observait un seul chabbat selon les règles, il serait immédiatement sauvé ».. – Rabbin Claude BRAHAMI, op. cit.. Ce commentaire est décisif pour un chrétien parce qu’il lui fait comprendre que la prétention du Christ, appuyée par des miracles spectaculaires, d’être « le maître du sabbat » atteignait au cœur de leur foi et de leur pratique ses contemporains, et leurs autorités religieuses. Je ne l’avais pas perçu avec autant de force que celle produite par ces remarques, citations et réflexions. Ce qui – au passage – conforte mon intuition de plus en plus nette que prier avec des esprits et des âmes et des esprits religieux, quelle que soient leurs dogmes et obédiences, nous fait approfondir les nôtres, d’une certaine manière nous les rendnet plus aigus et présents. Ainsi nos différences font notre communion.


[1] - Deutéronome XVIII 15 à 20 ; psaume XCV ; 1ère lettre aux Corinthiens VII 32 à 35 ; évangile selon saint Marc I 21 à 28


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