mardi 24 janvier 2012

roi de gloire - textes du jour

Mardi 24 Janvier 2012


Visages… celui de mon ami d’enfance, drôle et machinal, gentil et joueur il y a soixante ans, très durci, tête glabre et lunettes, couleur d’argent et d’or patiné, l’âme ne se distinguait plus, ne s’offrait pas quand je le vis m’attendant, presque la dureté dont sa mère pouvait être capable, et puis à mesure de la présence mutuelle la surrection de l’esprit, une intelligence d’observation et de déduction et avec une pudeur dont je ne me souvenais pas et qui dit – je l’oublie et je l’admire souvent – la véritable qualité, la noblesse et la délicatesse d’un homme (ne jamais s’imposer, imposer même sa présence ou sa parole quand elles ne sont pas reconnues, sollicitées, attendues), il m’a progressivement donné quelque chose que je ne sais encore nommer aujourd’hui et que je ne savais pas jusqu’à hier. Nous avons dialogué, inventé. Sans plan préétabli, ni objet défini de notre moment ensemble, par plaisir non avoué de penser ensemble, il m’a donné à comprendre du fondamental dans la relation humaine, dans la relation à Dieu (mais seulement par implicite, par continuité de toute sa vie, malgré les fractures que j’avais pu croire). Quand l’autre invite au chemin, en indique seulement l’existence, donne deux ou trois prémisses. De lui, je recevais une explication de presque tout l’humain et cela suffit pour que Dieu éblouisse de vérité et de raison première, sans aveugler, seulement en éclairant ce qui l’est si peu ou jamais. C’est un homme à qui on ne peut dire, je crois, qu’on l’aime ou qu’on lui est reconnaissant. Parcours, une vocation selon le sens classique et surabsolutisé d’alors (destructeur souvent, donc), le sacerdoce, une expérience linéaire, structurante, vérifiante et une vue intérieure autant sociologique que théologique de l’Eglise contemporaine, la nôtre, ses tares et sa tâche, la mûe nécessaire et les périls d’époque, continuité ensuite du couple béni de cinq enfants, chacun libre et différent, et d’un travail au sein d’ATD Quart monde, dans l’intimité du Père Joseph, et sur tous les chantiers de la précarité extrême, du cotoiement, de l’habitat au sein des différents et des rejetés. Pour vous, qui suis-je ? question qu’avec quelques co-équipiers, il est parvenu à faire expliciter par des plus que précaires dans la langue du besoin d’être respecté et selon l’échange qui doit être réciprocité malgré l’apparence que se croit celui qui donne, objectivement d’un certain point de vue, et reçoit bien davantage que ce qu’il apportait et ne lui appartenait que selon les lois de notre culture actuelle… quelques heures à regarder le visage d’un homme, à ne pas entrer dans une âme qui a ses secrets et surtout la liberté d’énoncer que l’on quitte toujours ce qui n’intéresse pas.


… Autre visage appelant ma conversion et me donnant plus que ce que produisent ma présence et ma main dans une main de grabataire âgée de quatre-vingt-quinze ans… le visage momifié, les lèvres avalées, les sourcils épilés par la vieillesse, la voix rare, devenue plus qu’imperceptible, rauque, et la conscience épisodique revenait progressivement et au-delà des expressions disparues de la vie, sourdait un sourire que je savais d’âme et non de regard. Une bonne heure ainsi, à parler devant une vieille dame avec sa gouvernante de tout autre chose qu’elle, mais sans doute la rumeur de nos voix, les rayonnements dont je sais peu mais que j’imagine de la commune présence physique. Là encore (tout autrement), la sympathie des âmes, la reconnaissance réciproque et un autre secret pour une vie sèche d’enseignante des enfants, de mariages chaque fois dissouts par la mort du mari, des militances abolitionnistes et d’extrême-gauche, le dénuement d’un logement sans les remplissages et décors de nos conventions, le disparate, et m’apparaissait le luxe presqe royal d’une mort en représentation, deux amis tenant chacun une main d’une prochaine mourante en partage à trois d’une étrange joie, celle d’être ensemble.


J’étais complètement ailleurs qu’en moi à retrouver le produit lointain de mon enfance et l’aboutissement d’une relation avec seulement une collaboratrice de deux ans ayant laissé à une mère peu aimée les coordonnées d’un ambassadeur précaire. Les institutions et toute notre vie, en ce qu’elle a de social, y compris celle de notre couple, nous invitent à rester cachés derrière les apparences qu’elles constituent – c’est leur fonction – et nous prêtent pour la mutuelle tolérance et cet anonymat qui protège. Le face à face ne se dit presque jamais, mais quand il est vécu, il se ressent, l’implicite nous remplit, heureusement, nous savons ne pas le dire. – Prier… [1] qui est ma mère ? qui sont mes frères ? Jésus a le courage affectif, physique, intellectuel de dire l’implicite, c’est-à-dire le réel. Lui seul a pu le dire à ce point. L’amour trinitaire, le relationnel et donc la rédemption. Voici ma mère et mes frères. Celui qui fait la volonté de Dieu, celui-là est mon frère, ma sœur, ma mère. … Beaucoup de gens étaient assis autour de lui. L’évangile nous fait passer des symboles, de l’humanité en attente et en prière donnée par l’Ancien Testament (David qui bénit le peuple au non du Seigneur des armées, puis il fit une distribution à tout le peuple, à la foule entière des Israëlites, hommes et femmes : pour chacun une couronne de pain, un morceau de rôti et un gâteau de raisins secs) à l’immédiateté de Dieu. Trait commun : la foule, l’humanité est demanderesse. L’Eglise est trop souvent perçcue par les tiers et vécue par elle-même comme une proposition humaine, sans doute référencée, mais plus vraiment transparente. Puis tout le monde s’en retourna chez soi. L’ite missa est des Hébreux sous David, le dialogue qui s’achève entre Yahvé et Abraham, la multiplication des pains par le Christ, pour que précisément on puisse rentrer chez soi… en soi… une fois identifié ce roi de gloire ? c’est le Seigneur, Dieu de l’univers : c’est lui, le roi de gloire. [2]


[1] - 2ème Samuel VI 12 à 19 passim ; psaumeXXIV ; évangile selon saint Marc III 31 à 35

[2] - A chaque jour de la semaine correspond un psaume exprimant la nature du jour en question, de même qu’à chaque événement du calendrier hébraïque (fête, deuil, naissance, jeûne) correspond un psaume particulier reflétant l’essence de l’événement. Le psaume du dimanche est le psaume 24, lu également dans d’autres circonsta,ces, en particulier à l’occasion de Roch hachana et Kippoure. Le talmud nous en donne la raison : Dieu a commencé de créer le monde ; le monde lui appartient, comme il rest dit au premier verset de ce psaume : « la terre et tout ce qu’elle contient appartient à Dieu ». A partir de là, on peut déuire que la subsistance des créatures dépend du bon vouloir de Dieu qui est fonctoion ders besoins et des mérites de l’homme. Ainsi, ce psaume a été choisi pour être récité à Roch hachana et Kippour car c’est au cours de ces solennirés que se décide la parnassa de chaque créature. Le dimanche étant le premier jour où l’homme entame sa semaine de travail, pour gagner sa nourriture, il est normal que celui-ci récite ce pasuame. La providence divine est concrétisée par l’entrée de l’Arche Sainte dans le sanctuaire comme pour simuler l’entrée de Dieu dans le monde. Il faut que les portes du monde s’ouvrent pour laisser passer le Dieu des Armées, le Héros de guerre. Seuls peuvent alors l’accueillir les hommes « aux mains innocentes et au cœur pur » ! . – Rabbin Claude BRAHAMI, op. cit. Ce commentaire éveille le chrétien, la véritable entrée de Dieu dabs le monde, pas une simulation, c’est bien l’Incarnation du Christ, mais la leçon juive, c’est ce sens particulier pour rendre concret chaque étape du calendrier humain alors que l’Eglsie fait opérer un mouvement inverse : au chrétien de s’adapter au temps liturgique. Nous avons fondamentalement à apprendre et à recevoir les uns des autres.

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