jeudi 23 février 2012

choisis donc la vie pour que viviez toi et ta descendance - textes du jour

Jeudi 23 Février 2012


Hier soir

Parti en retard pour Noyal-Muzillac, pour la messe de six heures : mercredi des Cendres… j’arrive plus vite que prévu, on en est encore à la première lecture, une voix de femme, je pousse la porte de la chapelle, des dos me repoussent, c’est comble, alors que d’ordinaire nous ne sommes que deux part et d’autres de l’autel. Peut-être cent cinquante personnes, une vingtaine d’enfants, le métro, se faufiler pour recevoir sur le front dans la main les cendres nous figurant. Pour Paul Nothomb, c’est encore le rappel de notre éternité, ce qui est insécable. A l’homélie, lecture de saint Césaire d’Arles (VIème siècle), saisissant de proximité et d’immédiateté. Chapelle aux murs boisés, tableau au tour complexe, les mystères du rosaire, et une assomption comme sujet, en restauration. Chapelle d’autres siècles par sa tranquillité sacrée. En ce moment de ce soir, c’est presque un campement, les enfants assis par terre devant l’autel et regardant les familles et adultes que nous sommes, laids, et eux souvent beaux mais pas tous, des visages de jeunes mères à s’effondrer tant il y a douceur et sérénité. D’autres diraient que c’est intégriste ? – Dîner au presbytère, la vie des prêtres dans leur cuisine et leur solitude, des images pieuses genre calendrier des postes. L’autel est intérieur. Nous nous connaissons depuis près de vngt ans, j’avais été frappé par le sérieux, le travail des homélies, la solidité de ce qui était prêché. Depuis, je contemple la vie de fidélité mais d’expression rugueuse et tempétueuse au sujet de la vie concrète d’une Eglise qui ne sait plus administrer sa ressoyrce hulaine ni faire son « métier » d’évangélisation, le désert se fait dans ses bâtiments et autour de ses propositions, se fait en elle où trop de professionnalisme a tounré sans doute à la hiérarchie. Ce qui manque, c’est le cri de cœur. A-t-il été systématiquement réfréné par un type de recrutement : repérage dès l’enfance par le curé desservant, le petit séminaire, deux dans le Morbihan, à Auray et à Ploërmel, sur soixante en sixième, vingt-cinq prêtres, et guère que deux ou trois qui ont lâché. Il me raconte pour la énième fois, mais toujours à mes questions fascinées de ce tout autre type de vocation qui n’était pas celui de mes classes parisiennes et de bourgeoise aisée, où l’on tournait des années pour le discernement d’une vocation, cela foirait, trois de mes camarades d’enfance ou n’aboutissait pas (mon propre itinéraire jusqu’aux ultimes interrogations sur la tombe de ma tante, il n’y a pas encore dix ans, le prêtre l’inhumant dans son pays catalan me disait qu’il n’y avait pas trente prêtres en activité dans le diocèse, alors… en soixante ans, encore bon pour pousser à la roue ?). On passait du petit au grand séminaire avec un examen genre baccalauréat, mais le discernement ? la vocation ? tout allait de soi. Les directeurs spirituels étaient médiocres. Les études aussi, peu intellectuelles, beaucoup d’exerices « spirituels ». Les filles, on n’en voyait jamais, sa sœur mourut à treize ans de tuberculose, lui n’en avait que huit. Au grand séminaire de Vannes, jour de sortie le jeudi car celui des filles dans les collèges était le mercredi… l’affectivité… j’ai acheté lundi les mémoires de Raffarin, au physique qui le dessert mais aux yeux fort beaux. Il titre son livre, « je marcherai toujours à l’affectif ». C’est comme cela que VGE se présenta en me recevant, énumérant ses trois amis, les seuls, déjà morts, mais sut-il se faire connaître au temps de son pouvoir déjà « hyper-communiquant » ? JPR et VGE disent des choses justes et à leur manière ont toujours été libres et probablement vis-à-vis d’eux-mêmes, même si le premier aurait voulu la présidence du Sénat et doit être plus ou moins « gratifié » par la Chine. Mais comme le reconnaissait Bayrou (la corporation a parfois des lueurs quand elle est mise, par hasard, hors de ses sujets), il faut bien que quelques-uns ait une connaissance de la Chine… ou y est des connaissances. Ce fut Edgar Faure au temps de DG et de MCM. Mon ami ne lit aucun roman, pas une ligne de Mauriac, samedi Le désert de l’amour qu’il ne regarda pas. Un autre de mes amis, vie de cœur ardente mais sans partage que celui d’une nostalgie. Le tramway jaune de Bordeaux était pour lui un autocar de Villeparisis au centre de la capitale. Le compagnonnage à peine dit mais très ressenti d’une rencontre réattendue et réalisée chaque jour, jamais le lit, peut-être pas même l’effleurement des lèvres, si gonflées qu’elles sont alors toute la vie, toute la personne, toute l’âme. J’aurais voulu donner aux séminaristes de Vannes, mais il n’y en a plus que quelques-uns aboutissant à un ou deux au sacerdoce, quelques leçons simples : les romanciers contemporains face à Dieu, comment répondre à une lettre et comment se tenir à table… société. Denis ne dit pas tous ses regrets, ils sont de l’ordre de l’humain, il ne raisonne ni ne vit en termes de vocation. Prêtre un jour, prêtre toujours, même défroqué… lui ai-je dit, il avait évoqué un de seds promotionnaires revu chez un tiers, pour un repas, avec sa femme, une religieuse… il bougonne tranquillement que chacun des sacrements est définitif. Deux septuagénaires qu’il va marier, ensemble depuis trente-cinq ans, elle divrocée, son premier mari, mort. Ils apprennent de Denis que le mariage religieux leur est naturellement possible.


L’autre soir, sa profession de foi : quand on rencontre quelqu’un d’exceptionnel, et qui le fut davantage que le Christ ? – A table ce soir, seule restriction pour ce début de carême : pas de viande, mais apéritif (la Suze habituelle) du vin et un éclair au café chacun… j’avais apporté des nems, il ne connaissait aps ces beignets chinois à la crevette. Après avoir lu un historien expliquant la norme célibataire dans l’Eglise depuis seulement le XIIIème sicèle, sauf vœux de religion, afin d’éviter la transmission des biens de chaque cure… et cent autres plis et rides qui n’auraient pas dû nous féigurer ou nous enfermer sous le masque de la mort… il lit un jésuite nonagénaire qui dit tout… l’Eglise n’a pas su, humainement, rester vivante, alors que maintenant il n’y a plus de chrétienté. Le lâchage pour lui, c’est Humanae vitae. Nous ne développons pas, coincidence de date avec les « événements de Mai »… Mille cinquante prêtres dans le diocèse à son ordination en 1956, aujourd’hui pas cent vingt en activité, sans parler de l’âge… L’évêque, père de ses prêtres ? il ne voit le sien qu’en 1972… seize ans après. Pour organiser sa retraite, il est reçu par celui de maintenant, un moment qui est chaleureux. De fait, Raymond Centène, catalan comme le fut Vincent Ferrier qui réimplanta ici la foi vers le XVIème… comment était-il compris, car il prêchait en plein air, et dans quelle langue ? on était peu bretonnant à Vannes, et lui venait de Valence en Espagne. L’Eglise ayant le don des langues, c’est-à-dire de se faire entendre et comprendre. Le Christ et ses disciples, selon les Evangiles et les Actes savaient eux-mêmes répondre : miracles, visites, surtout accueil des non-juifs et des étrangers. J’aime mon vieil ami prêtre, ne sachant pas dire ni son écoute ni son affection, aucune question en écho à mes propres dires. Un instant, quand devant l’évier et le fourneau, il leva les yeux au ciel, il ressemblait à s’y méprendre à sa mère qu’il aima. Né au pays de Robic, une grand-mère épicière et cafetière dormant dans la même salle que les empilements de boîtes de conserve. L’église au retable de musée, le père parti avant 14 chercher fortune à Paris, y apprenant un métier de hasard puis mobilisé, son copain d’enfance, facteur, champion de tir à la carabine pendant ses tournées, freinant du pied sur la roue sa bicyclette, et son fils prenant une partie de sa tournée, des aventures féminines évidemment puisque arrivant partout, mais fidèle au total puisque restant avec la même. J’ai vu les photos de mariage, la mariée en noir et en coiffe rase, de génération en génération la même photo. Mon ami prêtre et cet ami, ouvrier qualifié, marié par consentement seulement. L’un sans jamais avoir eu semble-t-il besoin d’une femme sinon sa mère ? l’autre au besoin non assouvi puisqu’entre amants putatifs il ne sut ni céder ni provoquer, chacun marié par ailleurs avec enfants. Tous deux et l’amitié. Denis l’eput voulu, quelques prêtres de sa « classe » en ont vécu, en vivent… lui et celui que nous appelons Jean « le bon » n’ont eu d’année en année ce que vécurent La Boétie et Montaigne. Il me semble que cela ajoute quelque chose à leur vie, une nudité affective non avouée, une forme de virginité pas définissable, que je ressens profondément quand je suis avec chacun, quand je les mets ensemble, tout s’éteint alors que .. il y aussi des amitiés, sans modèle ni coincidence avec l’idée que nous nous faisons de la chose, des amitiés d’étape dans la vie, des étapes de dix ou vingt ans, de trente. J’en commence une, tout à fait étrange, et qui a déjà quelques racines, avec MC : le sourire d’une malice dans son demi-profil. La classe d’un discret. Il est mon seul compagnon dans l’étape que je me suis donné à courir, ces jours-ci. On croit qu’il y a beaucoup d’étapes dans une vie, quand on se retourne, on voit tranquillement que… aujourd’hui, tout ce que je vis d’amitiés : toutes , fortuites, me semble miracle. Je suis en ce moment devant ces deux vies-là qui me sont dites presque chaque semaine et un autre carême commence… L’avenir pour notre Eglise est entre ces vies et les Pères de l’Eglise, entre il y a la fraicheur et l’inventivité des enfants… pas seulement au catéchisme ou à Eurodisney : assduité de notre fille et donc de ma femme. Je reconnais que les lieux sont directement magiques, tandis que dans une église, une chapelle, il faut… être soi et être plus encore disponible… à l’inconnu.

Maintenant

07 heures 08 + Eveillé depuis plus d’une heure et levé depuis trois quart d’heures. Messagerie, arrivée : la Mauritanie, envoi : ma chère femme. Prier…[1] de loin, éveil, lever, pensées, messagerie arrivée et départ, je viens vers vous, Seigneur, vers votre autel qu’est ce moment de lecture priée, votre parole divine en langue et écriture humaines selon des traductions, copies, commentaires à travers les siècles et nos sensibilités. J’arrive, sachant que dans quelques jours ou quelques années, je ne serai physiquement plus rien, qu’un peu de sécheresse ou de pourriture au choix des lieux et des intempéries… alors, la suite, je crois en Vous, mais à rien d’autre, je demande l’amour de quelques-uns de mes semblables, de ma femme, celle que tu m’as donnée finalement (la recherche d’Adam, qui fut vaine tant qu’il chercha seul et peut-être longuement) et de notre fille. Je ne crains pas de m’être trompé, la suite, l’éternité, ce que c’est ou ce que ce sera, simplement pour l’heure et depuis longtemps le pressentiment : des communions à ton corps et à ton sang, ta visitation en moi, l’échange humain de regards, de désirs, de gesyes d’amour, une autre communion, celle de l’extase en deux corps, parfois cette empathie instanténe avec un esprit lointain par un livre entr’ouvert pour ensuite y séjourner, ou cette rencontre de hasard dont la perfection de coincidence enivre et fait croire à l’universalité de notre âme unique… cette éternité, je ne la sais pas, mais Vous, Toi Seigneur, je te sais puisque Tu me donnes de Te savoir, Te chercher et être avec Toi, selon Toi, sans effort que d’être à Toi, ainsi ce matin, nuit encore totale mais bienveillante. Celui qui veut sauver sa vie la perdra (je ne l’ai jamais tenté car je ne l’ai jamais ressentie en danger, j’ai toujours qu’elle m’était donnée mais que je suis plus qu’elle, que mon existence), mais celui qui perdra sa vie pour moi la sauvera (oui, attaché à Vous, Seigneur, j’ai tout, la dernière mise du parieur ? bien plus, j’ai tout, même si humainement je ne palpe rien ou si peu quoique l’amour soit tant… Oui, alors je palpe, touche et ressens tout). Quel avantage un homme aura-t-il à gagner le monde entier, si c’est en se perdant lui-même et en le payant de sa propre existence ? La tristesse du regard de certains qu’on voit au faîte. En aimant le Seigneur ton Dieu, en écoutant sa voix, en vous attachant à lui, c’est là que se trouve la vie, une longue vie sur la terre que le Seigneur a juré de donner à tes pères, Abraham, Isaac et Jacob. … Il est comme un arbre planté près d’un ruisseau, qui donne du fruit en son temps, et jamais son feuillage ne meurt ; tout ce qu’il entreprend réussira, tel n’est pas le sort des méchants. [2] La nuit toujours noire, mais quelque chose qui n’est plus noir, qui n’est ni lumière ni bleu, qui est absence de lumière mais ressemble à de la lumière et doit en provenir, est en train d’apparaître comme venant de profondeurs, mais lesquelles ?

08 heures + Le brouillard en fond tout proche, derrière mes deux arbres, le féminin et le masculin, l’horloge, parfois un des chiens qui s’étire. Le jour n’est que timide. Pourtant ferme. Un oiseau dit d’un instant brévissime que lui aussi, que je ne vois pas, est là.


[1] - Deutéronome XXX 15 à 20 ; psaume I ; évangile selon saint Luc IX 22 à 25

[2] - Une seule idée maîtresse, dans ce permier psaume : la définition du juste et celle de l’impie. Non pas au plan du comportement, mais du destin de chacun d’eux et de la fin qui les attend. Le juste, c’est-à-dire celui qui fréquente les cercles de Tora et évite la compagnie des « moqueurs », se maintiendra dans la fraîcheur de la vie, fructueux et auroélo d’un succès permanent. Tandis que l’impie, chassé comme un fétu de paille, ne résistera pas au jugement divin. Car c‘est Dieu qui commande le destin des hommes contrairement à ce que prétendent ses ennemis. Avec cette idée, ce psaume donne le ton à tout le psautier, d’où il ressort que le juste est toujours récompensé et l’impie châtié. Et si l’homme veut être entendu de Dieu dans ses prières, il lui faut au préalable s’éloigner du mal et des méchants puis s’adonner entièrement à la méditation de la Tora. Signalons que selon le Talmud Bérakhot (9b), ce psaume et le suivant n’en font qu’un et qu’avec les trois suivants il est lu le soir de Kippour après l’office de ‘arbit. - Rabbin Claude BRAHAMI, op. cit.

Aucun commentaire: