lundi 16 avril 2012

né du souffle de l'Esprit - textes du jour


Lundi 16 Avril 2012

Hier


La messe dans la salle circulaire dite la coupole, qui est visible d’Arc 2000 en haut des remontées mécaniques. Salle polyvalente. L’autel sur table pliante, la chaise du prêtre couverte elle aussi d’un drap, ce sera en fait l’aube. Sourire du célébrant, cheveux blancs, qui me fait penser à celui du Cardinal Marty. Salle pleine, sièges rabattables. Le Prions en Eglise pour les lectures. Joie de Marguerite de me signaler que c’est le même fascicule que le nôtre. Dimanche de la Miséricorde. Interrogation en homélie : que se passe-t-il entre les deux apparitions, dans cette première semaine, que se passe-t-il pour Thomas ? dans notre vie, ces intervalles entre la piété de l’enfance puis un retour à la rencontre de Dieu lors d’un mariage, d’un baptême, d’une sépulture. La rencontre du Seigneur qui peut marquer. L’insistance du Christ : la paix soit avec vous. Les difficultés à croire, à vivre… Jésus a donné sa vie pour moi, Jésus a donné sa parole pour moi. Le Credo est donné par dialogue entre notre célébrant relisant, segment par segment, le texte de saint Jean lu en épître, et effectivement si trinitaire, avec ses mouvements bien distincts, et nous qui confirmons. L’offertoire cumulé pour les deux espèces. Les lectures ont été bien faites, deux garçons se succédant au micro et continunant pour le psaume et l’alleluia. Dehors, nous voyons passer un beau labrador. La messe est dite sur fond de neige et de ces immeubles en bois des années 1970 prenant la pente à sa perpendiculaire. Annonce des prochaines liturgies. Dans ce lieu, la dernière de la saison, nous venons de la vivre. L’évêque, Philippe, le prochain samedi au soir à Bourg-Saint-Maurice, puis indication de chapelles ou hameaux sur l’autre versant de la vallée. Le relief, le climat font la communauté et produisent des visages, un parler (sans accent) bien plus fermement et chaleureusement que l’économie ou aujourd’hui les urbanistes. J’ai félicité notre prêtre : le curé du lieu. Et pris l’adresse internet d’un des lecteurs, bellifontain, étudiant en philosophie à la Sorbonne. A la descente par la navette vers ce niveau de la station, un moniteur, d’origine maghrébinne, savoyard par naissance, son père ayant travaillé dans les années 50 au barrage de Tignes et semble-t-il baptisé… l’Algérie dont il pense qu’elle ne peu qu’évoluer vers la symbiose avec nous… une monitrice sans âge, de la politique, il ment et c’est du vent… de Gaulle, ce n’est pas la même cour de jeux.


A la remontée, expérience fascinante. Une fillette aux cheveux très clairs, plutôt retenus au haut de la nuque, pas très abondants, presque bouclés-crépus, une mèche, comme un fil à tordre, presque pas d’épaisseur ni de consistance que de pendre le long d’une tempe et être ramassé d’un doigt la tortillant. Clarté et lumière. Les yeux bleus ciel, le visage, les yeux et de légères poches dessous… je lui ai souri malgré moi, elle me rappelait indiciblement quelqu’un, visage angélique, sans doute très jeune, mais dont la force d’attraction ne tenait pas à la jeunesse ni à une référence que je ne pouvais trouver, elle a fait une sorte de moue qui était un sourire de réponse, elle semblait me dire : oui, je suis… mais qu’y puis-je… je suis comme vous me voyez et j’accepte que vous me voyez… plus tard, elle a cédé sa place, puis s’est assise sur un genou de sa mère, je ne la voyais plus qu’à peine. Scène plus intense que ce que j’avais brièvement vécu la veille, croisant pour la troisième ou la quatrième fois dans un groupe de trois ou quatre presque adolescents, les douze-treize ans maximum d’une fillette au visage plein, aux yeux clairs, cheveux châtains, blouson coloré à carreaux comme cela se fait ici et cette année, skis ôrtés comme des baguettes de pain. C’est elle qui m’avait souri, me reconnaissant et signifiant qu’elle avait remarqué que je la regardais, quoique sans aucune insistance, à chaque fois que je la revoyais. En beaucoup plus jeune, la jeune fille qui deviendrait… la si jeune femme de mon passé d’avant notre mariage… Ces rencontres qui maintenant ne me blessent plus, si jolies et vraies, tranquilles qu’elles soient, rencontres des yeux ce qui vaut des années et des centaines de lettres de confidence… Celle de ce soir, soudainement identifiée, alors que je ne lui trouvais qu’une sorte, qu’une seule définition : visage d’éternité. C’est celui d’une amie de classe notre fille. Je le dis, je suis repris aussi bien par Marguerite que par ma chère femme : non ! c’est sa grande sœur (dix ans, les parents viennent de divorcer, mère et fille gardent le sourire, la première énigmatique et se tenant toujours très droit, ses enfants dont on ne sait si elles saluent ainsi ou avouent des pleurs qui ne coulent ni ne bruissent). Cela ne fait que déplacer l’énigme. Pourquoi – sans du tout que j’en souffre – suis-je attiré par ces deux petites filles, leurs visages ? Il y a donc matière : visible ! à éternité dès notre ici-bas, et en rencontre personnelle ! hors du temps, car physiquement ce n’est qu’une seconde ou deux, un regard qui se lève, répond ou comprend. Ce qui développe la question de notre rapport à Dieu quand Celui-ci s’incarne par son Fils. Non l’amour, non la prédation, mais une attraction à l’initiative de laquelle nous ne sommes pas. L’autre dimension.


Toute la matinée, Marguerite me dictant son roman, le début, sans esquisse de plan et sans objet. Partie d’un titre que lui avait inspiré mes séances à ce clavier pour rédiger des circulaires et de la politique… Elle fait avec moi l’expérience, non du tout l’apprentissage, mais de l’écriture, de l’inspiration, d’une apparente imagination qui produit en fait un auto-portrait. Je lui dis ma résolution d’etre seulement son secrétaire, au plus quelque accompagnement quand elle cherche un nom pour tel rôle ou un animal. « Dans nos cas, je suis dictateur-dictatrice »… et l’après-midi, elle dessine et colorie les intervenants dans son récit, passant de la joie au doute, mais vivant le commencement : choisir les acteurs puis les laisser aller, transcrire-décrire seulement. Elle m’a fait relire ses douze pages dactylo. avant de s’endormir. « Tout bas, mais articule bien »


Ce matin

Paysage limité à la première ligne des arbres faisant décor de théâtre, noir et blanc, ciel blanc comme neige, silence, tout est figé, pas un oiseau. Ma femme rendormie, notre fille à son étage, dans l’obscurité, ne bouge pas. Rumeur que de l’ordinateur, parfois de la ventilation de l’immeuble, et maintenant ma mastication, le pain du petit déjeuner. Cet exercice du silence qui nous avait été donné en retraite fermée précédant notre profession de foi (Mai 1954… Dien Bien Phu) : au compte-rendu, chacun de nous avait surtout entendu le battement de son cœur, puis la rumeur d’un avion.


Prier…[1] la confiance de ma femme, de notre fille, endormies. Sens de leur sommeil et de leur silence. Le souffle de ma femme quand je la rejoignais hier soir, sans rien allumer. La prière n’a pas de préavis. Elle est parfois ouyverture à ka violence et au sens de celle-ci. Pleinement, elle n’est féconde que de Dieu. Les Apôtres célébrant la libération de Pierre et de Jean : ceux-ci rejoignirent les frères et rapportèrent tout ce qu’on leur avait dit. Menace de la hiérarchie religieuse. Concertation et « discernement » (comme on en raffole aujourd’hui…). La prière commune a le ton d’Esther à l’instant d’un épouvantable désastre dont elle sent qu’elle seule peut l’éviter à son peuple : c’est toi qui as fait le ciel, la terre et la mer, et tout ce qu’elles contiennent… Et maintenant, Seigneur, sois attentif à leurs menaces : donne à ceux qui te servent d’annoncer ta parole avec une parfaite assurance. Etends donc ta main pour guérir lsmalades, accomplis des signes et des prodiges, par le nom de Jésus, ton Saint, ton Serviteur.. Récitation surtout d’un psaume de David : pourquoi ces nations en tumulte ? relecture de l’histoire immédiate : Hérode et Ponce Pilate, avec les païens et le peuple d’Israël, ont accompli tout ce que tu avais décidé d’avance dans ta puissance et ta sagesse. Constamment, notre champ d’évangélisation, aussi bien les « incroyants » quel que soit leur cheminement ou leurs « raisons » que nous tous, chacun, dans l’Eglise de notre temps, fermés parce que rituellement contents de nous-mêmes, de nos routines et de nos habitudes d’amour si pauvres et autistes. Et la vérité de toute approche de Dieu quand elle est interrogative, même si elle n’en a pas la forme. Le constat et ses points de suspension laisse Dieu, permette à Dieu de continuer… Nicodème, c’était un notable parmi les Juifs. Il vint trouver Jésus pendant la nuit. Il lui dit : « Maître, nous le savons bien, c’est de la part de Dieu que tu es venu nous instruire, car aucun homme ne peut accomplir les signes que tu accomplis si Dieu n’est pas avec lui ». Jésus prend de court son visiteur. Enseignement à deux sens : la naissance-conversion, l’Esprit saint. Comme leur prière se terminait, le lieu où ils étaient réunis se mit à trembler, ils furent tous remplis de l’Esprit Saint et ils annonçaient la parole de Dieu avec assurance. … Ne sois pas étonné si je t’ai dit qu’il vous faut renaître. Le vent souffle où il veut : tu entends le bruit qu’il fait, mais tu ne sais pas d’où il vient ni où il va. Il en est ainsi de tout homme qui est né du souffle de l’Esprit. Comme dans la parobole des noces et de la robe d’usage, faute de laquelle on est rejeté quoiqu’invité, le royaume de Dieu n’est accessible que selon une préparation-conversion dès ici-bas, préalable… personne à moins de naître de l’eau et de l’Esprit, ne peut entrer dans le royaume de Dieu. Jean ne donne ni décor ni suite. Sinon, à son habitude, l’indication de la nuit. Quand il ne « fait » pas nuit, c’est que tout est jour, lumière. Avait-il pris rendez-vous, Nicodème ? Prend-il Jésus par surprise ? le réveille-t-il ? est-il en mission ? comment s’est-il résolu. Il y a va, mais ce qu’il reçoit est déconcertant. Ce n’est pas l’appel à Le suivre que lui fait entendre le Christ.


[1] - Actes des Apôtres IV 23 à 31 ; psaume II ; évangile selon saint Jean III 1 à 8

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