samedi 26 mai 2012

c'est aux païens que le salut de Dieu a été envoyé - textes

Samedi 26 Mai 2012


05 heures 05 + Sommeil à retrouver, mais il m’importe peu. Ne plus attendre : une délivrance. Nos chiens un par un appelés à être attendus, et nous à ne plus attendre ? La mort à s on objet, mais l’espérance ? Prier… justesse du commentaire d’Aelred de Rielvaux, à afficher pendant ces deux-trois jours où périodiquement un gouvernement s’improvise pour X années de position des uns, de vociférations des autres tandis que « le commun »… Prier… il fera très chaud aujourd’hui. . . Prier tandis que, recouverte, notre fille continue de dormir et que ma chère femme, son thé servi, se rendort. L’aube est déjà là, le vent aussi et la vie. Ce jeune moine, prêtre, qui quitte le monastère mais reste dans l’Eglise, va en paroisse, de diocèse en diocèse. Il était passé d’une objection : plus d’avancement, l’existence entière à cheminer sur un plateau désert, stabilité effectivement, à une autre : priant pour que guérisse sa mère, il n’en expérimenta que sa mort et donc l’inefficacité de… Paul prisonnier à Rome, assigné à résidence dirait-on aujourd’hui dans l’attente d’un procès qui n’est pas raconté par Luc…  trois jours après, il fit appeler les notables de la communauté juive. Quand ils arrivèrent, il leur dit … « c’est à cause de l’espérance d’israël que je porte ces chaînes ». Du matin jusqu’au soir, Paul s’efforçait de les convaincre au sujet de Jésus, en partant de la loi de Moïse et des livres des Prophèyes. Les uns se laissaient convaincre par ce qu’il dsiait, les autres refusaient de croire. Paul leur dit alors : « sachez-le bien : c’est aux païens que le salut de Dieu a été envoyé. Eux, ils écouteront ». Ces vies qui ont une cause, un objet, qui sont mûes. Moi, le suis-je ainsi et par Dieu ? évidemment non. Je me bats avec moi-même et sur moi-même. Sans être en cela original, tous les empêtrés de la petitesse et du cramponnement. L’Eglise catholique tout autant qui ne va nullement aux « païens » mais s’acharne à n’exhorter que le troupeau résiduel, lui-même si souvent crispé. Le monde respire-t-il ? Est-ce ton affaire ? mais toi, suis-moi. Jésus, notre crible. [1] Il aime toute justice : les hommes droits le verront face à face. [2]. Mais je voudrais tant que tous y soient conviés et aboutissent, et à nos côtés – pour ce qui est de nous, petit élément à trois, enfant, femme et mari, dans la communion universeelle soudainement – nos chers animaux. En attendant, en espérant, voici que se sont fermés les deux grands livres du nouveau Testament. Et demain, la Pentecôte, aux effets imprévisibles : après cela, je répandrai mon esprit sur toute chair . Vérifiant la conclusion des Actes des Apôtres et de l’évangile de Jean, je suis ainsi « tombé » sur Joël [3], puis sur  l’image de « memento » d’Amédée HALLIER, moine de Bricquebec, l’homme du oui… du consentement, thèse sur Aelred de Rielvaux, justement. On ne peut vivre que dépouillé. C’est le sens de la mort pour que la résurrection fasse vraiment tout de nous, le suprême. – Pour celles et ceux qui recevront demain pour la dernière fois cet envoi quotidien, faute de le souhaiter, que puis-je écrire de plus vrai, de plus vécu, au moins dans ma propre version ? Aimer, se dépouiller. Aller, retour.
Le jour, la force, le nombre, la puissance des oiseaux tandis que s’est calmé le vent mais que les nuages arrivent. + 06 heures bientôt.

06 heures 30 +  Pour vivre, être déjà mort.


[1] - Actes des Apôtres XXVIII 16 à 31 passim ; psaume XI ; évangile selon saint Jean XXI 20 à 25

[2] - Ici, l’oiseau du verset 2 symbolise peut-être le peuple d’Israël ou le juste, l’innocent, faible et fragile, constamment chassé et piégé par les mécréants qui « ajustent leur flèche et tirent dans l’ombre ». Certains pensent que l’oiseau-Israël est poussé par ses ennemis à quitter son refuge, la montagne de Sion, sur laquelle se trouve le Temple, en l’assurant que Dieu ne peut le protéger (verset 10 et 11). Mais ces impies se trompent ; ils seront châtiés sévèrement, tandis que l’oiseau finira par être sauvé, car Dieu veille sur lui, depuis son Sanctuaire, depuis son trône dans les cieux. Il éprouve le juste et déteste l’impie.- Rabbin  Claude BRAHAMI, op. cit.

[3] - Joël III 3


Hier

. . . aux arcives diplomatiques de Nantes, 14 heures 15 + Fifi découverte par Franck, dans le petit bois, morte : empoisonnée.

. . . chez nous, ici, 22 heures 41 + … en réalité dans le buissonnement à dégager pour faire passer la clôture du chenil, donc à dix mètres de notre cuisine. Le corps gonflé est méconnaissable, mais il n’est pas vraiment plus lourd. La tête se dissimule dansla couverture que j’ai prise, une oreille retournée, le sang goûte. Les gendarmes requis par deux gardes-à-vue, X cambriolages, ne peuvent venir constater  le lieu où nous l’avons trouvé. Cycle de procédures, expérience énième de la justice, de la protection, de l’écoute. Cela fait vingt ans que je le vis. Faire autopsier, mais au laboratoire départemental il m’est dit qu’en cas le corps ne me sera rendu ; Pas d’incinération particulière non plus, elle le sera avec une vache qu’on a complètement dépecée. Il est proable qu’aucun diagnostic ne pourra être posé. J’ai imbibé un papier du sang qui goutte, un des signes d’empoisonnement, à ce que je comprends, est la perte des anticoagulants, j’ai pris le collier, si je m’étais arrêté, j’aurais vécu l’effondrement total des larmes. Avant-hier, notre fille me disant : pourquoi les hommes ne pleurent pas, tu n’as jamais pleuré Papa. En milieu de journée, nous avions négocié une annonce de presse pour avis de recherche. Les yeux n’existaient plus, qu’un demi-globe bleuâtre, là où il y avait selon les moments du vert clair ou de l’or. De notre Sinus égaré par un vétérinaire n’ayant pas su mettre le collier adéquat, nous avons imaginé l’errance, la recherche, l’instinct du souvenir, pendant plusieurs mois, le manquant parfois à un quiart d’heure, la rencontre était plausible mais ne se faisait pas. La fin, nous avons oublié de l’imaginer. Nos deux fusillés de Décembre 2010, je ressase encore leur étonnement de la dernière seconde qu’un humain leur tire dessus à bout portant, alors que l’humain c’était nous, donc de race commune, celle de l’amour et de la solidarité. Celui qui a été manqué de peu il y a juste deux mois, il suffit de manipuler quoi que ce soit qui, métallique, ait la taille d’un fusil pour qu’il s’effare et s’enfuit. Je n’imagine pas la mort de notre chienne ni sa détresse. J’imagine davantage que le coup a été fait presque dès le moment où nous avons constaté qu’elle n’était pas rentrée en même temps que les autres. Les empoisonnés du samedi précédent avaient pu revenir et donc être sauvés. Le corps n’avait pas la tête orientée vers la maison, elle en était trop près mais pas sur son chemin, donc une posture artificielle. Nous l’aurions entendue. Un ou des salauds sévissent autour de nous. Elle a été portée là, et depuis peu. Je n’imagine pas non plus comment cela se terminera. Coups de feu nous atteignant à notre tour, poison ayant raison de nos chiens un par un, je n’ai pas le vertige. Mon vertige parce que cet attentat n’est que typique, c’est que le cœur enfante de si mauvais desseins, cf ; la Genèse et notre expérience intime quotidienne, mais que les freins, l’auto-censure, les repères, le sens de la responsabilité, une sorte de consistance en soi ne fonctionnent plus et n’empêchent plus la réalisation de ces pulsions. Je suis plus dépassé par le fonctionnement humain et de la société que par la mort de qui j’aime. Comment être mésestimé à ce point, exciter la malveillance ou ce que tel me dit être la jalousie ? Simplement, l’espace de la propriété, son interdiction aux chasseurs, et l’engrenage des vengeances ? Je ne sais. Contexte aussi du moment politique qui m’atterre. Mensonge évident sur l’Aghanistan en même temps qu’imprévoyance de vingt ans : toujours pas de logistique européenne en sorte que nous sommes enlisés là-bas soi-disant pour garder nos matériels que nous n’avons pas les moyens de rapatrier rapidement… Un retrait, c’est tout ou rien et tout de suite. Et en être à ratifier le traité qui a constitué notre politique pendant cinq ans et a été écrit pour la continuer est incompréhensible, ou alors c’est bien qu’on continue comme avant, mais en camouflant un peu, ce qui ne trompera pas l’opinion nationale quand tomberont les 84ème, 85ème, 100ème soldat de nos unités résiduelles « non combattantes ». Ce soir, mon mépris commence et mes grands modèles grandissent s’il était encore besoin, celui d’avant 1969, celui – brève et magnifique, inattendue résurgence – que j’évoquerai demain matin. Et puis, en haut lieu comme ici… en politique comme en hiérarchie paroissiale et diocésaine, l’inexplicable de ne pas recevoir de réponse aux offres de service les plus simples, le refus essuyé qui m’est devenu une habitude à chaque proposition de quelque familiarité du projet commun ou du partage de ce que je crois certitudes communes. Les réponses ne me viennent que d’autres générations, celles qui n’ont pas encore le pouvoir ou celles qui sont plus âgées que la mienne. La leçon se répète tant, elle devient si forte qu’elle m’émancipe par à coups de plus proches de tout intérêt pour ces autistes. Mais je reçois d’autres trésors, imprévus, indicibles – de la recension des souhaits de continuer à recevoir mon envoi matinal quotidien à des fraternités, ici ou au sud du Sahara que je n’aurais jamais conjecturées quand j’avais les apparences de la gloire. Quoique déjà et souvent des rencontres étaient fortes. Mais je perçois aussi que le temps vécu avec ma femme et donné à notre fille est la vraie susbtance de ma vie et que je ne suis qu’au seuil de ce gisement, de ce bonheur. C’est cela maintenant qui doit être mon tout, le reste si occupant ou préoccupant parce que je me trompe, va rentrer dans l’accessoire.
Car voici que tout est douceur quand je me love seulement dans le souvenir de notre chienne qui n’est absolument plus que ma foi en l’amour et en la résurrection. L’incinération peut-être déjà faite – en même temps qu’une vache, car les « procédures » interdisent les traitements individuels, et qu’aucun vétérinaire du département ne veut se charger en propre des analyses et de l’incinération. Expérience fabuleuse, extraordinaire de ressentir comme je l’ai ressenti en portant le cadavre de notre chienne, que le corps, notre corps n’est pas nous. Certainement pas quand il est mort, mais tout autant quand nous sommes vivants. Nous ne sommes que peu, très peu notre corps, très peu notre passé, pas toujours nos actes, encore moins nos paroles, les vrais échanges sont prières, communion de pensée, souvenirs, la présence mutuelle est rarement physique même dans notre forme quotidienne d’existence. Nous sommes bien plus, tellement plus que nous sommes autres, nous ne sommes nous-mêmes que sous le regard de Dieu. Je sais que ce peut – à lire – être ridicule ou bête. Ce n’est pas sans doute pas dans le catéchisme et je m’en réjouis, mais c’est une évidence – au moins pour moi – que nous sommes bien plus que ce que nous sommes. Et ma petite chienne, si douce, si discrète – remarquable ainsi par son silence : l’avons-nous jamais entendu aboyer ? – redevient présente à mesure que je me quitte et pense à elle. La portée de quatre dans un panier, huit kours d’âge peut-être… sa mère trouvée par des employés municipaux de la commune voisine. L’adoption du tout en Mars 2010 pour rendre service et aussi par émotion de ma chère femme voyant, chez notre précédent vétérinaire où se trouvait par hasard à régler une note, s’organiser l’euthanasie. La mère fusillée la première huit mois après, un petit chien chéri que nous avait confié le fils survivant de François MAURIAC, ensuite après une première tentative. Naissance la nuit du sofitel de DSK, il y eut un an juste quand elle disparut, naissance des œuvres de son frère, couple amoureux fou à l’égyptienne, à la pharaonne. Sans doute du nombre, sans doute des gamelles, sans doute des astreintes et des ennuis mais à la vérité aucun dégât extérieur, aucune véritable nuisance, sinon l’hors norme. L’hors norme aussi de nos hectares, pourtant sans valeur vénale.
Nous nous sommes très peu promenés avec ces deux jeunes générations, qui faisaient chaque matin leur tour en meute, puis l’après-midi et le soir étaient du salon à leur manière. J’avais – chacun de nous trois a une relation particulière avec chacun de nos chiens – j’avais avec cette chienne l’échange du regard, le soin du visage, de la tête, les doigts derrière les oreilles, le massage de la mâchoire inférieure. Le fouet battait avec discrétion quand j’approchais, jamais une réclamation. L’esthétique parfaite, le silence religieux, l’autonomie et pourtant une sociabilité entière avec le frère co-géniteur. – Adorable petit animal qui avait ses lieux, son regard et une disponibilité pas du tout domestique, la disponibilité à l’amour que nous lui portions et c’était son amour que de nous attendre et de nous donner tant d’envie, de bonheur, de facilité, de naturel pour l’aimer. Le corps est loin, disparu, comme le sera le mien, comme le sont ceux de mes chers parents, mais l’existence est intacte, elle tient bien plus qu’à ma mémoire, qu’à des reconstitutions qui s’affaibliront. Le mystère est là, ce n’est pas une consolation et mon chagrin n’est pas l’étreinte qui n’a plus sa matière. Je pense, je prie, j’aime. Je n’en veux à personne, pas à moi non plus. J’en veux à notre humanité qui n’a pas su demeurer ce qu’elle pouvait être et qui ne sait pas ce qu’elle pouvait être. Respirations de nos animaux, bientôt de ma femme chérie le long de laquelle je m’étendrai. Les derniers dialogues d’hôpital et de mort inscrite en calendrier avec ma chère mère, avec mon moine de Solesmes, avec ce frère « convers » si fabuleux de foi et de sincérité. Je crois bien que je suis l’autre quand je l’aime, et il m’a été donné de m’attacher et de me passionner, de vivre des ouvertures d’autrui qui ne sont pas affinités, qui sont la béance bienheureuse de l’éterniét. Petite chienne aimée, premier soir de ton existence parfaite. Tu es mienne, tu es nôtre comme nous fûmes ici-bas à toi. Réconciliation de l’envoi en mission selon saint Marc, toute la création au centre de laquelle tu es ce soir, autel de nos larmes, suavité de ton odeur, de ton poil, totalité de ton regard aussi intérieur qu’extraverti, tu avais beaucoup à donner, tu continues de nous donner beaucoup tant tu es présente et je t’aime. 
Je plonge dans la prière et le sommeil en même temps, te prenant dans mes bras comme je le dis tout à l’heure de ton corps déjà plus toi, et nous coulons dans l’amour qui n’est jamais désespérance et ne se confond avec rien d’autre.
La nuit est totale, la lune très jeune, les aboiements de ceux de nos chiens que nous n’avons pas mis en pension n’indiquent plus rien puisque Fifi n’est plus à attendre, qu’elle est devenue intime. Je dois cesser et dormir. « Tout le monde » meurt, soit ! mais maintenant ? et si proche ? si aimée… l’humain qui meurt, le plus souvent, a le beau rôle, mais l’animal, innocent, attentif, dépendant, ne diminuant pas de lucidité ou de regard au contraire des humains ? je voudrais la bonté. – ce matin, je raconte mes réunions politiques de la veille, à notre fille : notre ami socialiste dissident, elle évalue la suppléante, puis le Front de gauche, j’explique les communistes par l’Eglise originelle, la mise en commun selon les besoins. Marguerite continue : je voudrais que le président de la République donne de l’argent à tous les pauvres en France (et Dieu sait que nous en connaissons dans notre entourage, qui n’est pas notre voisinage) avec l’argent des riches. Je lui réponds que c’est ce qu’il veut faire, mais que les riches sont forts.  Elle rétorque, mais François Hollande est plus fort qu’eux… c’était ce matin. Elle voulait l’appeler au téléphone quand nous eûmes d’autres ennuis de voisinage, et ma fratrie pour qu’on soit nombreux. Elle ne sait pas encore la mort de sa chienne, l’annonce de presse a été à son nom. Longtemps, ce soir, après qu’elle m’ait accueilli – sans savoir que je revenais du laboratoire départemental et d’avoir regardé, caressé, passé la main sur la tête abîmée, tenté de fermer les yeux devenus globuleux et bleu pétrole – et m’ait dit : je t’aime, Papa, elle m’a retenu à cet ordinateur pour explorer le site d’un parc d’attractions zoologiques. J’ai commencé ma nouvelle existence, la priorité à ma femme, à notre fille, à la vie… Je comprends Thérèse de Lisieux, il est possible – de l’autre bord et de l’attente d’éternité – de regarder les nôtres et de leur donner la certitude d’être regardés. Ainsi soit-il !
 

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