mercredi 22 août 2012

j'irai moi-même chercher mes brebis - textes du jour + expérience personnelle de vie, en termes crûs pouvant choquer, pardonnez-le moi, mais pouvant aussi accompagner les non-dits...

Mercredi 22 Août 2012

Plus difficile, mais tout est affaire de circonstances, et ce sont ces circonstances dont il faut veiller à ce qu’elles ne durent pas si elles se sont présentées, de se passer de sexe, le « soulagement » d’une masturbation mais dont la conclusion est le dégoût de soi et du peu de plaisir une fois consommé, que d’alcool ou de vin : je l’ai expérimenté hier pendant notre déjeuner à Lantillac, vis-à-vis de Denis qui ne s’en est pas, lui, privé. Tandis qu’au lit, en se réveillant ou en s’endormant, les minutes intermédiaires et de passivité relative, il faut très peu pour que tout devienne irrépressible. L’attirance, le goût anticipé du plaisir, le début du plaisir sont alors irrésistibles, manipulé par une part de soi-même devenue mécanique. Le geste du buveur est celui d’un enchaîné, si je peux soutenir cette image, d’un entraîné, plutôt. Abstinence ? parce que je l’ai promise à notre fille d’ici ma coloscopie, parce que je me réserve pour ma chère femme, non seulement pour garder toutes forces mais parce que j’ai résolu de ne chercher le plaisir que par elle et pour elle.

Un prêtre selon sa vie, tout hier, avec Denis M. de ses affaires privées, relation avec une locataire, récupération d’alcool distillé il y a cinquante ans par sa grand-mère et sa mère, succédant à son père, l’interdiction de transporter de l’alcool, héritage des peurs ancestrales du gabelou à des itinéraires dans des campagnes dont il connaît chaqué pré, chaque étang nouveau ou disparu, chaque source de ruisseau ou de pissouillis allant à la Vilaine, au Blavet, la canalisation de l’Oust, les cours parallèle avec la rivière, le nom des écluses, les ponts en bois, l’abbaye de Timadeuc. La messe à quelques-uns avant notre périple, la chapelle affectionnée par notre fille, lumières irisées sur le mur brut amenant à la statuette d’une maternité médiévale. Le sacrement de pénitence administré par un grand moine septuagénaire, l’ancien responsable de la ferme monastique et donc peu porté sur l’habit cistercien. Dialogues sur la pastorale : les sacrements ou l’évangélisation ? entre confrères en doyenné, ce sujet constant, la statistique de la pratique, la cécité apparente des hiérarchies ecclésiales alors que la déchristianisation du pays devient totale, les dévotions et la foi, les fausses pistes, les vraies, quelles sont elles, nous ne poussons pas. Et comme depuis une quinzaine d’années, les retours sur sa vie, sa généalogie, les années de formation, le petit et le grand séminaire, vicaire-instituteur, la vénération qu’il garde encore pour les livres de son enseignement, les manuels du primaire en histoire et en géographie, les premires éditions d’après-guerre pour les manuels d’histoire… 1946, HITLER encore, les colonies de vacances sans les histoires et les drames d’aujourd’hui, les surabondances de prêtres localement sans partage avec la région parisienne qui en manquait déjà tellement alors que la Bretagne y envoyait par dizaines de miliers des paroissiens potentiels. Le grand-père commissionnaire, le père cordonnier, la grand-mère épicière de village, la partie de vie privée et la partie du commerce dans la même salle, les lits clos… j’apprends que la mayette des gars de Locminé, ce sont des clous courts à grosse tête dont étaient garnis les desous de sabot… et cela se chante très vivement… Célibat, soutane, questions et coq à l’âne, associations d’idées et convictions fortes venant et revenant tandis que d’intelligence et de foi nous sommes tellement ensemble. Sieste le long d’un bois de feuillus, étendues en contre-bas de prairies fauchées, les gros disques liés automatiquement faisant leur garde, au fin fond, une belle bâtisse, un désert de silence vert et immense, sommeiler le dos dans un talus pour avoir la tête confortable. Il en est ressorti une peine à se quitter, la chaleur d’une intimité d’âme.

Des vies quand on n’en aperçoit qu’un instant, une image. – Cette veuve de deux ans à peine plus de deuil, vendue par son fils à une résidence médicalisée où elle avait eu l’imprudence de s’installer pour partager les derniers mois de vie de son époux très fusionnel. La maison vendue à son insu, elle n’a pu même y aller reprendre quelques habits de rechange, elle vit dans une semi-ignorance et une probable divination de son exclusion de chez elles, de ses affaires et de ses souvenirs. Le fils a pu prendre une retraite très anticipée, roule en Porsche qu’il va démontrer à ses anciens collègues de bureau, et passe quelques minutes dans la chambre-prison de sa mère de temps à autre, lui laissant avant-hier de cette petite machine faisant défiler des photos numériques, ce sont celles de ses vacances à lui. Le parquet saisi par nous avance lentement. L’évidence du lien d’intérêt financier entre la résidence médicalisée et le fils abominable, aux yeux si plissés que nous ne les distinguons pas sous les paupières. – La locataire de Denis M., le front semi-éclaté jaune et bleu, l’évidence de l’alcoolisme au regard. Divorcée d’un premier mari dont elle a eu quatre enfants qui ne la visitent plus depuis des années, sauf une fille réapparue au téléphone. L’ex-mari, mort, un second mariage, mort aussi du second, un troisième périodique, et pourtant les traces d’une beauté et d’un charme réels sur le visage affaissé, trois chats, une petite chienne reconnaissant les miens à mon pantalon pourtant sorti du lavage récemment, la maison en ordre mais un habillement d’adolescente, des bijoux soinate-huitards, et au mur des présentoirs à photos. très denses : les siens qui ne la visitent pas. Politesse de cette femme, deux demi-journée de travail seulement par semaine. Une vie au-delà de tout courage. – Et nos chiens que nous devons tenir enfermés tant que les voisins ont le leur, lui-même à la chaîne. Et que nous devrons encore veiller, toute la période de chasse, six mois… comme le lait antan qu’on faisait toujours bouillir avant de le boire. Nos hectares ne les intéressent pas, le tropisme vers leurs congénères est le plus fort. Et ainsi de suite. Les vies, la vie et moi. Eloge alors du couple, de la paternité, de la filiation, la solution est l’amour en structure et en pratique, mais les deux nous sont données bien plus que nous ne savons les acquérir ou les conserver. – Regarder, agir, aimer ? prier est tout cela, mais priant toute solitude de l’instant est abolie puisque… La prière devenue rythme quand l’existence a choisi, par grâce, de n’être plus la course à l’ambition de carrière ou à la drague des conquêtes. Faut-il avoir connu cette époque ou cette forme d’exaltation en fait désespérée de chercher ce que l’on n’a pas ? jusqu’à recevoir l’autre vie où l’on préfère à chaque instant ce que l’on a. L’être gagne alors ce qu’il n’acquérait qu’en creux auparavant.

Prier donc, pas parce que je ne sais ni le jour ni l’heure, la grâce d’une mort qui soit pour les miens et pour moi … Papa, je ne veux pas que tu meurs… belle et paisible, le grand passage et la vraie attente, maintenant et ensuite… prier parce que j’en ai besoin, intensément, et que peut-être d’autres, à commencer sûrement par mes aimées, celles et ceux que je connais de toujours ou de rencontre.  Le Seigneur est mon berger : je ne manque de rien. Sur des prés d’herbe fraîche, il me fait reposer. Il me mène vers les eaux tranquilles et me fait revivre ; il me conduit par le juste chemin pour l’honneur de son nom. Si je traverse les ravins de la mort, je ne cains aucun mal, car tu es avec moi : ton bâton me guide et me rassure. Tu prépares la table pour moi devant mes ennemis ; tu répands le parum sur ma tête, ma coupe est débordante. [1] Aussi vrai que je suis vivant, déclare le Seigneur Dieu, puisque mon troupeau est mis au pillage et devient la proie des bêtes sauvages, faute de berger, parce que mes bergers ne s’occupent pas de mon troupeau, parce qu’ils sont bergers pour eux-mêmes au lieu de l’être pour mon troupeau, eh bien, bergers, écoutez la parole du Seigneur. J’interviens contre les bergers. Je leur reprendrai mon troupeau, je les empêcherai de le conduire, et ainsi ils ne seront plus mes bergers ; j’arracherai mes brebis de leur bouche et elles ne seront plus leur proie. Maintenant, j’irai moi-même à la recherche de mes brebis, et je veillerai sur elles. [2] La parabole des ouvriers de la onzième heures complète celle du troupeau, le bon pasteur n’est pas seulement attentif et aimant pour ses brebis que sont nos âmes, il est souverain et sa justice n’est pas la nôtre. Mon ami, je ne te fais aucjn tort. N’as-tu pas été d’accord avec moi pour une pièce d’ragent ? Prends ce qui te revient, et va-t’en. Je veux donner à ce dernier autant qu’à toi : n’ai-je pas le droit de faire ce que je veux de mon bien ? Vas-tu regarder avec un œil mauvais parce que moi, je suis bon ? La différence avec notre justice d’aujourd’hui n’est pas seulement de contenu dans les sentences : ainsi les derniers seront les premiers, et les premiers seront les derniers, elle est également sociologique. Le juge divin est en même le maître, le créateur et possesseur originel de toutes choses. Il dispose par droit d’origine et pas selon la requête des justiciables, la manière divine ne délègue pas – sauf pour le pardon des péchés, quand le prêtre ordonné de Dieu, l’accorde selon la prescription faite initialement à Pierre – et il n’y a pas de partage et de séparation des pouvoirs exécutif et judiciaire ou législatif. Notre Ancien Régime pratiquait ainsi, le roi était lui-même le justicier, et l’appétit, toujours contemporain de justice, aspire autant à la consolation et à la faveur royales du justicier qu’à sa puissance souveraine et arbitrale. On n’en est loin et l’on ne sait plus imaginer quelque chose qui dépasse l’équité ou l’application de lois souvent contingentes, quelque chose qui sérait l’établissement d’un ordre où personne ne perd et où personne ne domine indûment… accessoirement, leçon sur le chômage et ses allocations qui ne sont pas, pour la généralité statistique et psychologique, l’entretien des « feignants » comme la maxime s’en est trop répandue. Pourquoi êtes-vous restés là, toute la journée, à ne rien faire ? – Parce que personne ne nous a embauchés. – Allez, vous aussi, à ma vigne. Ainsi soit-il !



[1] - La paix parfaite, la sérénité totale, ne sont pas de ce monde. Le Juif cependant peut en avoir un avant-goût dès l’entrée du chabbat, car ce jour-là, Dieu est son « berger » ; il le conduit dans les « eaux tranquilles » dans de « merveilleux pâturages », « des cercles de justice » ; même « dans la vallée de la mort », il « oindra sa tête d’huile » et « sabrteuvera à la coupe » de vin. Envahi de ce bonheur et de cette confiance profonde, le Juif devient la brebis chérie de Dieu, tellement en sécurité dans cette proximité, qu’elle finit par désirer y rester « pour l’éternité des jours ». Bien entendu cette brebis désigne aussi bien l’individu que le peuple d’Israël. - Tehilim . Les Psaumes . traduction et présentation rabbin Claude Brahami (éd.ition spéciale de l’aumônerie israëlite des armées – Septembre 2009 – 355 pages)

[2] - Ezéchiel XXXIV 1 à 11 ; psaume XXIII ; évangile selon saint Matthieu XX 1 à 16

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