mercredi 23 janvier 2013

navré de l'endurcissement de leur coeur - textes du jour

Hier

Soirée dont l’initiative est revenue à ma chère femme. J’avais remarqué le thème : Il était une foi, et la non-banalité des deux moyens-métrages annoncés par notre cinéma d’habitude, à Questembert, mais c’est Edith qui y a tenu. Moment passionnant. Le spectacle, le matériau donné, la réalisatrice du second, ma chère femme intervenant, les dialogues en sus avec les deux collégiennes en stage. Et il y a tout le fonctionnement associatif et surtout très enthousiaste et éclairé, avec un public peu nombreux mais motivé, changeant d’ailleurs suivant les thèmes d’un mois à l’autre. Vita Di Giacomo de Diego GOVERNATORI & Luca GOVERNATORI. L’Italie du côté d’Ancône, scènes de la vie quotidienne d’un séminariste à la veille de son ordination sacerdotale. L’art de filmer les visages, celui du futur prêtre, celui de son directeur, le premier d’une vraie et communicative sensibilité, le second bouleversant de beauté, d’authenticité, d’intériorité. Rien que la première séquence témoigne de la simplicité brute d’une possible vie sacerdotale et surtout de foi. Trouvailles : les sept ou huit visages de profil, pendant le pique-nique des jeunes gens, tous en soutane à boutons mais sans ceinture. La soutane mise en valeur par les courses sur la plage, par la baignade, le Christ en croix quand le héros fait la planche, soutane boursouflant puis collant. Le tressautement d’une plate-forme de camion sur laquelle saute le séminariste, accueilli par des adolescents revenant du match aller Italie-Allemagne : plan très long pour donner par instant le visage presque extasié de vie et de joie du héros silencieux, sauf à commenter la puissance de l’équipe germanique. Texte magnifique et vécu : la dernière lettre aux parents avant l’ordination, le moment de celle-ci évoquée seulement et sans décor selon l’ordinant. Le grand angle et le visage, sans transition, font le rythme du film dont la musique ne se retient pas. D’une certaine manière, pas de thème ni de sujet. Un homme est montré, jeune, soutané, sans verbiage mais très vivant, réfléchi aussi, solitaire quoiqu’allant aux groupes, au sacerdoce. Les pasyages et les autres sont multiples, le héros se déduit plus qu’il n’est décrit. Monsieur l'Abbé de Blandine LENOIR est sidérant, puis passionnant d’ingéniosité, de véritable exceptionnalité. Il appelle, prend, fixe l’attention. Produit la réflexion apparemment par la distance, en fait par l’interrogation sur soi que provoque tout document brut. De la manière la plus directe, mais sans que la réalisatrice prenne parti sur le fond – aussi fraîche, allègre, authentique, jeune que technique et précise comme le montre ensuite sa disponibilité aux questions de nous tous dans la petite salle – est donnée pour aujourd’hui avec l’expérience d’hier ou avant-hier, toute la dialectique désastreuse de l’Eglise quand elle affiche un magistère en morale et plus encore en manières et comportements sexuels, dialectique par l’emploi que ses fidèles attitrés (ou à l’époque enfermés ?) font de ses prescriptions. La forme est simplissime. Des lettres authentiques adressées au directeur d’une revue de vie conjugale chrétienne dans les années 1925 à 1939, sont dites par des acteurs dont le choix est la seule imagination ou transcription de Blandine L. Elles sont bouleversantes de précision, de sobriété, épouvantables d’une certaine manière, très communicatives puisque c’est un héritage (ultime sous-titre) – pas seulement catholique ou « intégriste » avant la lettre, mais de notre civilisation et de rapports « traditionnels » et longtemps acquis entre hommes et femmes, et plus encore entre soi et soi. Les textes sont passionnants d’un point de vue documentaire, et la mise au scène, précise, sobre plus que prenante. Les respirations pour le spectateur-participant sont données par un grand angle toutes les trois ou quatre lettres, paysage de campagne à l’infini et très horizontal, ou par le gros plan d’un corps féminin nu en lent mouvement, allant au détail d’une chair et d’une peau qui frémissent, la conclusion étant donnée par une image digne du tableau fameux de COURBET  sans que ce soit gênant. Film qui n’est pas non plus féministe, quoique le corps masculin n’est que très fugitivement, partiellement et une seule fois évoqué dans ces plans. Les situations sont telles, et probablement parce que le sexe est universel, qu’il soit subi ou joyeux et qu’il n’est différenciant que pour le bonheur par complémentarité et communion, que la salle n’a pas du tout été clivée masculin/féminin, au contraire.
Le débat, auquel pour mon bonheur et presque mon étonnement, participe ma chère femme jusqu’à le mener en partie, en forme de témoignage sur nous que je n'eus pas osé, d’interrogations sur la vérité de ces lettres… est calme, factuel. Le film aurait pu être anti-religieux ce que, explicitement, a voulu refuser Blandine L. Le personnage du destinataire, l’Abbé VIOLLET, fondateur en 1918 de l’Association Mariage Chrétien, n’est campé que fugacement. L’Eglise ne m’a pas paru en accusation directe, mais certainement par omission ou inconséquence : les désastres et les souffrances qu’elle n’a su ni comprendre ni guérir, alors que ce genre de confidence a dû être son ambiance pendant un grand siècle. Tous les cas de figure sont dits, y compris les tendances homosexuelles, mais seulement masculines : c’est la généralité très diversement et douloureusement dite de l’amour et du refus de la chair, du sexe… la méconnaissance et l’ignorance de « tout », avec cependant le recours confiant, implorant à l’Eglise d’une certaine manière contre elle-même. La révolte n’est produite qu’à la fin du film, lettre de vingt-deux pages dans sa réalité mais abrégée par nécessité, donnée par l’actrice d’un visage exprimant tout. Héritage, mais aussi explication confirmée du « décrochage » de tant de chrétiens depuis cinquante ans, malgré le Concile, lequel a paru se conclure non sur l’ouverture politique et sociale évidente qui l’avait inspiré mais sur Humanae Vitae et le « refus de la pillule ». Je vais lire Casti connubii, l’encyclique de Pie XI, contemporaine des lettres, et je pense y faire des découvertes autant de coinçage que d’un prophétisme libérant mais seulement implicite. L’Eglise n’est pas sa hiérarchie cléricale, celle-ci n’est qu’en vue du bien commun, elle est assemblée et communion. L’enseignement véritable est celui dont la vie s’empare, se nourrit, celui que discerne la vie, comme au temps fondateur, celui des évangiles. Certitude aussi que comme en politique, on a les chefs et hiérarchies, les autorités qu'on sécrète, sinon qu'on mérite. La base et les adeptes sont autant responsables que les pasteurs et mentors. Le cercle vicieux ne se rompt que si une relation entre les deux s'établit. Elle le peut - c'est tout l'enjeu auijourd'hui du mariage des prêtres et du prêtre ouvrier, agriculteur, pas seulement pasteur, psychologue (sans formation) ou enseignant - quand le clergé, en chacun de ses membres, est vécu par les ouailles selon sa nature et ses contingences humaines et bien moins selon sa fonction et le "sacerdoce ministériel". Alors le témoignage va et vient des fidèles aux cadres et les cadres sont d'abord des fidèles, des croyants persvéraants ou non parmi tous.Remarque produite par le film qui ne présente que les ouailles : au figé 30 et probablement 40 et 50, a succédé depuis un évolutivité des thèmes, des ambiances et des législations, guère la « doctrine » de l’Eglise, souvent regardée dans notre salle, comme ayant force dogmatique. La réception d’un discours et d’une ambiance n’attestant que peu le contenu strict du discours et des prescriptions. Regarder aussi les cahiers de l’Abbé CAFFAREL, l’anneau d’or que je ne lisais nullement pour la morale sexuelle, mais pour l’âme du couple qu’à mes premières fiançailles (ratées pour des raisons d’ambiance pkus que de personnes). Autour des verres et des biscuits ensuite, moment avec les deux collégiennes tandis qu’Edith converse avec Blandine L. Les affinités d’intelligence entre femmes sont très différentes de celles entre hommes : il y a complicité alors qu’au masculin il y a fraternisation superficielle, didactisme et à terme rivalités malgré la rencontre. Les deux filles n’évoquent que leur mère quand je les interroge sur leur éventuelle pratique religieuse : elles sont laissées « libres de croire ou pas », mais protestent d’une idée positive de toute religion qui aide et qui secourt, donne du sens. C’est donc la table rase. Les tendances homosexuelles, sur lesquelles je les interroge aussi pour leur âge et leur génération, sont naturelles, et passent, disent-elles. Je le crois aussi, on crée par rigidité ou attention adultes, du dogme (ou du laxisme) qui n’a rien à voir avec la vie. – Nous procurer le livre chez Albin Michel publiant ces lettres.
Prier… en rendant grâce de ce champ immense de vie, de témoignage, de réflexion, manifestement disponible à toute semence… de cette rencontre d’une femme telle que Blandine L. : témoignage aussi, le travail, le travail vite, l’ingéniosité de la constance et de la vocation. Nous allons garder le contact, et peut-être ce compagnonnage auquel participerait certainement ma chère femme, peut contribuer à une œuvre. – Dans un sens voisin, rencontre en bouquinerie à Rennes, hier matin, d’une anonyme sans âge, au visage grave tandis qu’Edith fait une razzia de livres pour enfants, pour la cuisine et pour le jardin et que j’achète textes et biographies de Raymond DEVOS. Je l’aborde à la caisse, échange rapide sur les ennuis éventuels et le bonheur car elle se dit dans cette situation, et me cite Démocrite : la conscience a été donnée à l’homme pour faire de la tragédie de la vie une comédie. Je n’ai rien lu ni traduit ou commenté en classe cet auteur. Professeur ? universitaire ? elle élude mais avoue un atelier d’écriture qu’elle dirige, puis refuse de me donner une carte ou un contact. Son naturel cependant et son évidente personnalité me plaisent. Elle est entrée dans ma pensée et maintenant dans ma prière, la mouvance immense de celles et ceux, présents en esprit à notre esprit, quand nous élevons les maisn pour l’offertoire : elel, et toute notre salle d’hier soir. Présence d’ailleurs, tranquille et sobre, du recteur de Malensac, comme déjà pour ce film curieux tourné par un Egyptien de l’immigration sur les apparitions de la Vierge en pays copte. Prier donc… la moisson abondante et les ouvriers peu nombreux (la problématique trop statistique qui hante pratiquement l’Eglise en France devrait nous être familière, c’est celle même du Christ et de l’univers spirituel, celui du salut).
 
Ce matin
Les textes de la liturgie de maintenant rejoignent – étonnant ? – ce que nous avons vécu et réfléchi hier soir. L’abstention ou le conseil aventuré peuvent être plus assassins qu’un geste directement mortifère… Est-il permis, le jour du sabbat, de faire le bien, ou de faire le mal ? de sauver une vie, ou de tuer ?  Enoncé direct du Christ. Mais ils se taisaient. Alors promenant sur eux un regard de colère, navré de l’endurcissement de leurs cœurs (j’ai hâte de me donner le temps d’une réflexion et d’un livre dont j’ai tant le goût : psychologie du Christ, en parallèle avec psychologie de ma foi), il dit à l’homme… Suspense et ambiance ; car il y avait là un homme dont la main était paralysée. On observait Jésus pour voir s’il le guérirait le jour du sabbat : on pourrait ainsi l’accuser… « Etends la maisn ». Il l’étendit et sa main redevint normale. Une fois sortis, les pharisiens se réunirent avec les partisans d’Hérode contre Jésus, pour voir comment le faire périr. Les évangiles, les jeux de foule, la conjuration des contraires, la foi n’est pas un contenu ni un dogme, elle est un attachement passionné et vivifiant, chaleureux, gratifiant, amoureusement et amicalement curieux de tout pour ce Christ Jésus, notre Seigneur. L’auteur de la lettre aux Hébreux, avec tranquillité, va jusqu’à inverser l’habituel énoncé de ‘homme  l’image et à la ressemblance de son Créateur : voici qu’à la ressembance de Melchisédech, se lève un autre prêtre. Mais c’est pour mieux nous faire ressentir la divinité du Christ. La « preuve » de Dieu, s’il faut raisonner, par l’homme. Il est devenu prêtre, non pas selon les règles d’une loi humaine, mais pas la puissance d’une vie indestructible. [1]


[1] - lettre aux Hébreux VII 1 à 17 ; psaume CX ; évangile selon saint Marc III 1 à 6

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