lundi 18 février 2013

carême et conclave 2013 - 2 -

soir du lundi 18 Février 2013

Lévitique XIX 1 à 18 passim ; psaume XVIII ; évangile selon saint Matthieu XXV 31 à 46


La renonciation du pape est un geste personnel, libre et réfléchi. Il ne suscite pourtant pas un vif écho, une prière et un mouvement de chaleur humaine. Il est regardé fonctionnellement et ne déclenche que des réflexes rituels. Sécheresse qui m’a scandalisé du message de notre évêque, ici, appelant certes à la prière, disant de l’homme son humilité et la magnifique intelligence des choses de notre foi, mais ne rayonnant d’aucune fraternité, ne créant aucune contagion, aucune sympathie au sens étymologique du terme. Il y a une atrophie dans le clergé, dans l’éducation au célibat et à la posture sacerdotale. Dommage… et handicap pour se faire entendre et surtout entendre, de tous temps et dans ce monde-ci. Les adieux de Paul à sa chrétienté d’Ephèse, la descente au bateau. Nous ne reverrons plus ton visage. Ce que nos yeux ont vu, ce que nos mains ont touché. Nous sommes une religion de l’incarnation.

La renonciation du pape est un appel, elle n’est pas une entrée en solitude, elle est un acte-choc. Je ne distingue pour le moment, dans ce que je perçois en Eglise, ou quand j’interroge le passant, surtout s’il est chrétien patenté, je ne distingue pas de mobilisation, ni spontanée dans le peuple, ni suscitée par l’encadrement (le clergé). Chez nous, ni le recteur, ni l’évêque n’appellent à opiner sur la situation de l’Eglise, sur le portrait du chef souhaité. Nous avions eu, à mon arrivée ici en 1992, alors que l’évêque régnant partait, un questionnaire pour sa succession, dont d’ailleurs l’exploitation n’est jamais apparue.

Faire du conclave non seulement l’œuvre de tous les catholiques par délégation au « collège » des cardinaux, mais aussi de l’humanité contemporaine, « les juifs et les païens » tout autant concernés que les catholiques romains, puisqu’il s’agit du salut de tous. Trouver les moyens de faire élire par tous les croyants le futur animateur. Ce qui est réfléchir sur l’organisation de l’Eglise et sur ce qui l’empêche de fonctionner ainsi en communion universelle.

L’Eglise, plus encore que l’humanité dont elle est l’anticipation et la figure, a besoin d’être sauvée. Quel est son péché ? le sait-elle ? Qui ytrahit-elle ? qui persécute-t-elle ? à l’instar de Paul, l’un de ses fondateurs les pluis chaleureux et les plus pratiques, n’est ce pas son Seigneur qu’elle persécute ? en chacun de ses petits dont elle ne se soucie pas assez, levain dans la pâte humaine, substitut peut-être de la lutte des classes dont les accapareurs et un capitalisme dénaturé  ont su prononcer l’éradication et l’effacer – apparemment ? ou définitivement ? – d’une dialectique historique aujourd’hui mortifère.

Carême, relation à Dieu par la découverte de notre condition humaine, de notre péché personnel, preuve s’il en est de notre liberté personnelle, par la découverte et l’expérience douloureuse de nos limites, de nos astreintes, preuve s’il en est de notre aspiration à la perfection, à l’authenticité de nos vies et de notre être selon le dessein même de Dieu nous créant à son image, à sa ressemblance. C’est écrit dans la Genèse, comme une décision mûrement réfléchie du Seigneur.

Le carême, affaire personnelle, chemin de multitude. Le conclave s’il doit être pratiquement à huis-clos, comme le fut le cénacle, n’aura d’efficacité spirituelle, et donc l’élection qu’il a charge de produire, que s’il est ouvert à la résonnance, à l’attente du monde. Alors les portes s’ouvriront sous la violence du vent, mais ce vent c’est à nous, dans la piétaille du peuple de Dieu, dans l’humanité tout entière de le souffler. N’attendre qu’un énième chef, si édifiant et éloquent qu’il puisse être, si vénéré qu’il soit, à raison de sa fonction et de nos simplismes, ne sera pas une réponse à cet acte de confiance et de désespoir qu’a posé Benoît XVI. Nous sommes enkystés, bloqués, liés. Le conclave, ce carême doivent être une libération, un temps de maturité dont le fruit est forcément une imagination collective pour nous réorganiser, pour nous réexprimer, pour enfin vibrer.

Comment ? essayer de le voir et recueillir aujourd’hui, en priant, en regardant.

La relation à Marie y aide. Pas une relation de substitution à l’amour conjugal, voire à l’épanchement de chair qu’auraient trouvé et que vivraient des célibataires, cadres et modèles obligés d’une communauté pécheresse dès qu’il s’agit de sexe et de chair, de liberté d’amour, d’effondrement dans la tendresse, la demande et l’admiration. Non, Marie n’est pas seulement prière et piété : l’ange l’en tire pour lui en donner le sens, lui apprendre sa mission, son destin. Elle n’est pas seulement mère et maternité. Elle est attention à autrui, Cana. Elle est respectueuse du ministère et des initiatives de son Fils, qu’il aille au Temple et y demeure même si elle en souffre et en pâtit, qu’il soit sur la croix au pied de laquelle elle se trouve alors que durant Son ministère elle avait tant de mal à accéder, au travers de la foule, jusqu’à Lui. Elle nous enseigne l’attention précise à la « société civile », elle nous répète ses appels à son Fils pour le plus concret, le plus social. Elle a donné l’exemple accompli d’une relation spirituelle de la personne humaine à son Créateur, à partir de la toute simple condition quotidienne d’une mère et de son fils, si extraordinaire soit Celui-ci. L’Eglise avec Jean et Marie, ses deux figures, au pied de la croix. Contraire du rite, de l’inertie. Sobriété de la communion. Concret du soin mutuel.

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