samedi 23 mars 2013

action de grâces pour le pape François - homélie de Mgr. Marc Stenger, évêque de Troyes

cathédrale . mardi 19 mars 2013

Introduction
Ce soir nous sommes réunis afin de rendre grâce pour le pape François que Dieu vient de donner à son Eglise et au monde, et de prier pour lui, comme il l’a lui-même demandé dès le jour de son élection.
Il a choisi le nom de François parce que pour lui, je le cite, « François d’Assise est l’homme de la pauvreté, l’homme de la paix, l’homme qui aime et protège la création ». Et de continuer : « Ah, comme je voudrais une Eglise pauvre et pour les pauvres ».
Cette Eglise c’est à nous de la faire, non pas simplement pour obéir au pape, mais pour obéir au Christ.
Reconnaissons tout le chemin qui nous reste à faire pour être pleinement fidèles aux Béatitudes.

Homélie                                                      Mt 1, 16, 18-21, 24a
Ce passage d’Evangile nous en dit long sur Joseph, ce saint inconnu ou du moins méconnu. Joseph, c’est celui qui a consenti sans réserve au dessein de Dieu, au-delà de ses principes humains et religieux, et ce faisant il est le témoin non pas de lui-même et de ses propres vertus, mais d’un monde renouvelé par la grâce de Dieu, un monde travaillé par l’amour de Dieu, un monde où l’Esprit de Dieu fait toute chose nouvelle. On peut dire que non par sa passivité, mais par son consentement à Dieu, il a été un acteur principal de ce bouleversement du salut voulu par Dieu par amour pour les hommes, et réalisé par l’incarnation de son Fils.
Pour ce qu’on peut comprendre de la manière dont notre nouveau pape François envisage sa mission de pasteur de l’Eglise, on peut peut-être retrouver quelque chose de cette disposition qui était celle de Joseph. Tout le monde scrute ses gestes, soupèse ses paroles, décortique ses homélies pour y déceler un programme de gouvernement, attend avec une certaine fièvre la nomination qui sera significative, soyons en sûrs, de son Secrétaire d’Etat, en un mot attend ce qu’il va faire pour remettre l’Eglise sur pied, la renouveler et la transformer. Mais est-ce bien là l’essentiel ? Dans nos approches humaines, oui. En pastorale nous serions enclins de penser que ce sont nos manières de faire qui font l’Eglise, et ceci nous le pensons avec le désir sincère de remplir notre mission et de travailler à faire vivre notre Eglise.
Saint Joseph est témoin précisément d’une autre attitude spirituelle et de ses effets, une attitude qui consiste d’abord à faire confiance à Dieu et à se faire l’instrument non pas de notre projet, mais de son projet. Le pape François, interrogé il y a quelques années par une journaliste de la revue internationale « 30 jours » sur sa conception de sa mission pastorale, avait fait référence au prophète Jonas. Pour Jonas tout était clair. Il avait des idées claires à propos de Dieu, des idées très claires à propos du bien et du mal. A propos de ce que Dieu fait et de ce qu’il veut, à propos de ceux qui sont fidèles à l’Alliance et de ceux qui au contraire sont en dehors de l’Alliance. Il avait la recette pour être un bon prophète. Or Dieu vient contrecarrer ses plans. Il fait irruption dans sa vie, comme un torrent, il l’envoie à Ninive, symbole de tous ceux qui sont séparés, perdus, en dehors, loin. Jonas a vu que la tâche qui lui était confiée n’était pas selon ses propres plans mais consistait seulement à dire à tous ces hommes que les bras de Dieu restaient grand ouverts, que la patience de Dieu était là en attente, pour les guérir par son pardon et les nourrir de sa tendresse. Dieu ne l’avait envoyé que pour cela.
Jonas a essayé de se dérober parce que ce n’est pas ainsi qu’il voyait les choses. Il pensait – sincèrement d’ailleurs – qu’il devait agir, faire ses plans. Dieu est venu une fois pour toutes, pour le reste c’était à lui de s’en occuper. Il voulait faire les choses à sa façon, il voulait tout diriger par lui-même. Sa ténacité l’enfermait dans ses jugements inébranlables, dans ses méthodes préétablies, dans ses opinions correctes. Il avait enfermé son âme dans « les barbelés » des certitudes qui au lieu de donner la liberté avec Dieu et d’ouvrir des horizons de plus grand service aux autres, avaient fini par rendre son cœur sourd.
C’est un risque que nous courons tous. Avec la meilleure conscience du monde, avec la volonté de faire le bien de l’Eglise et des hommes en installant toute sorte de stratégies, nous risquons d’oublier que Dieu conduit son peuple avec un cœur de Père. Nos certitudes peuvent devenir un mur, une prison qui enferme l’Esprit Saint. Celui qui isole sa conscience et la laisse en dehors du chemin du peuple de Dieu risque de ne pas connaître la joie de l’Esprit Saint qui soutient l’espérance. C’est le risque que court la conscience de ceux qui depuis le monde fermé de leurs certitudes se plaignent de tout, ou, sentant leur identité menacée, se jettent dans la mêlée pour finalement être encore davantage occupés d’eux-mêmes, faire encore davantage référence à eux-mêmes.
Au fond ce que Joseph a permis par son acceptation, c’est de laisser ouvert l’horizon de Dieu. C’est ce qui nous incombe à nous pasteurs et aussi à nous baptisés qui avons notre part à la mission. « Laisser ouvert l’horizon de Dieu », c’est commencer par voir les gens non pas comme ils devraient être, mais comme ils sont, tout ce qui est nécessaire pour eux, sans prévisions et sans recettes, mais avec une ouverture généreuse.
Pour les blessures et les fragilités, Dieu a parlé par le Christ. C’est cette Parole qui doit rejoindre le cœur de chacun. Ce ne sont pas nos paroles qui sont intéressantes pour les hommes, mais sa présence, la présence de celui qui nous aime et qui nous sauve.
Ceci ne veut pas dire que les systèmes pastoraux sont inutiles. Sans quoi à quoi bon faire des synodes. Au contraire tout ce qui peut conduire sur les chemins de Dieu est bon. Mais ce qui est à éviter, c’est d’élaborer de nouveaux dogmes qui feraient obstacle à Dieu. Il ne faut pas avoir peur de ne dépendre que de la tendresse de Dieu.
C’est bien cela qu’avait perçu dans sa profondeur St François d’Assise dont notre nouveau pape porte le nom. Pour remplir la mission que le Christ lui avait confiée, il s’est dépouillé de tous les oripeaux de la puissance, de la « mondanité » (encore une attitude dénoncée par le pape François) et s’est plongé tout entier dans la confiance en Dieu. Rien de passif dans cette attitude. L’œuvre de François d’Assise l’atteste.
Traduire l’amour de Dieu dans le quotidien de notre vie et de la vie de l’Eglise est très mobilisateur en gestes, en attentions, en déplacements. Ce qui veut dire pour nous aujourd’hui au moment où le pape François inaugure son pontificat, qu’il ne s’agit pas de regarder simplement ce qu’il va faire, comment il va le faire et compter les points, mais d’être acteurs avec lui, là où nous sommes, d’une Eglise qui témoigne inlassablement de l’amour de Dieu.

+Marc STENGER
Evêque de Troyes

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