jeudi 7 mars 2013

renonciation de Benoît XVI - homélie de Mgr. Marc Stenger, évêque de Troyes

Messe action de grâce
Pour Benoît XVI
Cathédrale
1er mars 2013


Introduction
La disposition dans laquelle nous sommes rassemblés pour cette célébration est celle-là même qui habitait celui qui était encore notre pape Benoît XVI quand il disait dans sa dernière catéchèse mercredi sur la place St Pierre : « Je vous demande de vous souvenir de moi devant Dieu et par-dessus tout de prier pour les cardinaux, appelés à un devoir si important, et pour le nouveau successeur de l’apôtre Pierre ; que le Seigneur l’accompagne et l’illumine de la force de Son Esprit ». Ce qui nous remplit le cœur, c’est la reconnaissance et l’action de grâce pour le pasteur humble et fidèle, pour le théologien lumineux, pour le témoin d’un amour qui ne se déploie pleinement que dans la vérité. Son seul but a été de nous donner la joie et la fierté de croire.
Mais tous ses gestes nous le montrent : il a toujours voulu s’effacer devant l’Eglise dont le Christ est la Tête et en qui tous les hommes doivent trouver force, vie et lumière. C’est pourquoi il nous demande de prier pour l’Eglise. C’est elle qui a les paroles de vie, c’est elle qui doit continuer à être celle qui propose la foi aux hommes, qui leur ouvre des chemins d’espérance. Il nous fait donc prier surtout pour l’Eglise et pour ses responsables chargés de choisir celui qui en sera le guide dans les temps tourmentés où nous vivons. Que la joyeuse certitude que le Seigneur est à nos côtés, qu’il ne nous abandonne pas, qu’il nous est proche et nous prend dans son amour, nous habite au plus profond.
Cette Eglise c’est nous qui la formons, avec et à la suite de Benoît XVI et de son successeur.
Reconnaissons que parfois nous la déformons.
Pour toutes les eaux agitées et les vents contraires qui l’ont blessé, demandons pardon au Seigneur.

Homélie                                                     Mt 21, 33-43, 45-46
Ce passage d’Evangile est un bel éclairage pour le message que nous laisse Benoît XVI, alors qu’il est rentré dans le silence et dans la prière. Ce qu’il a essayé de poser tout au long de son pontificat comme fondement pour les hommes, pour les personnes et des communautés, c’est cette pierre d’angle qui seule assure la solidité de l’édifice, le Christ hier, aujourd’hui et demain. Notre monde aux configurations incertaines nous pose une grave question : que cherchons-nous ? Que voulons-nous ? Qu’est-ce qui fait sens dans notre vie ? Et chacun de donner sa réponse. Face à toutes les solutions improbables qui agitent notre humanité, celle de la force, celle de la violence, celle de l’argent, celle de l’idéologie et tant d’autres, Benoît XVI a voulu se faire le témoin, le relais, le porte-parole de ce Dieu présent aux hommes, qui marche à leurs côtés, qui soutient son Eglise. Il ne s’agit pas d’un système qui vient se substituer à un autre système. On n’est pas chrétien comme on pourrait être bouddhiste ou libre-penseur, tout simplement parce qu’on a reconnu dans le christianisme quelque chose de meilleur. On est chrétien parce qu’on se pose sur une pierre sans laquelle l’ensemble de l’édifice s’écroule.
Ce passage d’Evangile nous fait toucher du doigt le paradoxe chrétien : les vignerons croient atteindre le bonheur, la possession d’un grand bien en tuant l’héritier, en se débarrassant de tout ce qui peut entraver la liberté de jouissance, en allant jusqu’à tuer l’héritier pour nier la source et construire à partir de leurs propres désirs.
Le Dieu de la foi chrétienne au contraire est un Dieu qui se dépossède, qui donne son Fils par amour. Tous ceux qui penseraient que la foi est une entrave à la liberté se trompent. Elle est au contraire un chemin de liberté. Benoît XVI a été très sensible à toutes les aliénations qui guettent l’homme, y compris l’aliénation religieuse. On se rappelle bien l’Evangile des trois tentations de Jésus au désert. L’une d’elle est d’instrumentaliser Dieu pour le service de notre propre gloire.
Une grande certitude a habité toute la pensée de Benoît XVI, c’est que la foi trouve un prolongement absolu dans l’amour. Croire, franchir la porte de la foi, c’est entrer dans la familiarité d’un Dieu qui nous est révélé comme un Dieu qui aime infiniment l’homme et qui nous appelle à l’amour non pas de soi-même, mais de l’autre, de tout homme.
On oppose souvent l’intellectuel qu’était Benoît XVI et le pasteur charismatique qu’était Jean-Paul II. J’aimerais mieux qu’on dise que c’étaient deux manières d’aimer pareillement l’homme et de vouloir le rapprocher de Dieu. Cet essentiel que nous révèle la pensée de Benoît XVI c’est que Dieu aime et que tout amour n’est pleinement réalisé que s’il se nourrit de ce Dieu qui aime et qui sauve. C’est une autre manière d’exprimer la grandeur de l’homme, cet homme aimé par Dieu. Il n’est donc pleinement homme que si toutes les dimensions de sa personne sont développées, valorisées et protégées. Benoît XVI a eu ainsi par exemple une vision très originale de l’écologie. Il n’y a pas seulement à assurer une écologie qui défende la nature, qui mette en valeur la nature, mais une écologie qui assure le développement intégral de la personne humaine. Cet homme est un être de raison, non pas pour s’affirmer contre Dieu, mais pour découvrir dans le plus intérieur de son raisonnement les traces de Dieu.
Benoît XVI a vécu en un temps où l’Eglise a été fortement mise en question, une mise en question justifiée par ses divisions et son péché. Là encore le contraste qui est entre les deux parties de cet Evangile peut nous éclairer. Benoît XVI a souvent dénoncé la fange, les forces de destruction qui habitent l’Eglise, matérialisée par les scandales à répétition dont se réjouissent certaines franges de l’opinion. Elle est détruite, elle se détruit elle-même par tous ces vignerons homicides qui lui nuisent.
Mais à cette image s’oppose une autre image, celle de l’édifice qui repose sur la pierre angulaire qu’est le Christ et dont la solidité ne vient pas des hommes, mais de lui. C’est cette Eglise-là que Benoît XVI a voulu servir et nous appeler à construire. Elle n’est pas une Eglise du permanent aménagement, mais de l’accueil du Christ, de la fierté d’être chrétien. Cette Eglise-là a besoin d’être digne, digne de confiance et d’amour. C’est la raison de son appel à la conversion de l’Eglise. Elle qui est défigurée par toute sorte de boursouflures, elle doit se purifier et seul le Christ pourra la purifier.
Le programme de Benoît XVI met au centre le Christ, qui aime son Eglise et la conduit. Il la conduit dans le contexte du monde d’aujourd’hui, donc non pas comme quelque chose de figé, mais comme une communion d’hommes et de femmes unis par ce qu’ils ont en commun, mais qui ne cessent jamais d’accueillir sur leur chemin, le Christ libérateur et dynamisant du matin de Pâques.
Puisse celui qui succèdera à Benoît XVI développer encore davantage toutes les possibilités d’une construction qui repose sur une pierre sans laquelle les autres pierres ne servent à rien.

+Marc STENGER
Evêque de Troyes

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