jeudi 23 janvier 2014

contemplation - II



Contemplation dite acquise



Les expériences individuelles autant que l’enseignement de toute religion s’accordent pour soumettre la contemplation à un certain comportement d’âme, à longueur de vie humaine. Humilité, obéissance, dépossession de soi-même sont les préalables à toute acquisition : celui qui veut vénérer doit apprendre avant tout à ne pas voir : c’est un grand art  (Léon Chestov, op. cit. p. 310).  Ce que chante le Magnificat. Tout simplement parce que rien n’est jamais acquis, que tout se dérobe, que rien ne s’acquiert que reçu, que c’est en perdant qu’on retrouve, ce qu’atteste et expose la parabole qu’est Le Cantique des cantiques. C’est le mouvement qui mène de la mort à la résurrection, selon le chemin incarné par le Christ, ce sont les étapes identifiées par Grégoire de Nysse : purification, contemplation, amour ; lumière, nuée, ténèbre (Jean Daniélou, op. cit.).

Le mysticisme pénètre toute la vie religieuse ; en fait, il est cette vie même sous sa forme la plus pure. Certes, la masse des croyants n’arrive jamais aux états passifs de contemplation. Mais tous ont éprouvé parfois les joies et les tristesses propres à la foi. Le sentiment communautaire qui emplit les participants à la fin d’un repas de fête, la joie inexplicable de la nuit de Noël ou du matin de Pâques, la paix silencieuse d’une heure passée tout seul dans une église – toutes ces expériences sont en pleine continuité avec les formes passives de contemplation. L’attrait de l’union mystique est le principe vital de toute vie religieuse. Sans lui la religion se dessèche et devient ritualisme stérile ou aride moralisme. Ce dynamisme mystique est à l’œuvre dans toute vraie prière. Celui qui prie est sur le chemin de l’union totale. Peu nombreux sont ceux qui arrivent au bout du voyage, mais ce n’est pas une raison pour séparer le début de la fin. Et cette expérience n’est pas essentiellement individuelle. Jamais pendant toute la période patristique les chrétiens ne firent usage du terme « mystique » pour désigner une expérience individuelle exceptionnelle. Tant que le mot signifiait une « expérience », celle-ci se rapportait à l’expérience de toute la communauté chrétienne. Encore aujourd’hui les orthodoxes orientaux continuent à considérer la présence mystique comme faisant essentiellement partie de la vie de la communauté spirituelle. (Louis Dupré, op. cit. p. 264)

La contemplation peut être dite acquise en ce qu’elle est le produit d’un apprentissage ou de la mise en œuvre de moyens dans le cadre d’une vie communautaire. Elle l’est aussi quand celui qui veut y parvenir se soumet à un accompagnement ou à une direction ou à quelque vérification d’un maître ou d’un aîné dans la vie spirituelle.
  Vie monastique et contemplation
  Le recours à un tiers pour assurer l’expérience
  Créativité et contemplation
  Contemplation, vision, connaissance








Vie monastique et contemplation


Ecoute, mon fils, les préceptes du maître et tends l’oreille de ton cœur. Reçois volontiers l’exhortation d’un père si bon et mets-là en pratique, afin de revenir par le labeur de l’obéissance à celui dont t’avait détourné la lâcheté de la désobéissance.
A toi, qui que tu sois, s’adresse à présent ma parole, à toi qui renonces à tes volontés et prends les armes très puissantes et glorieuses de l’obéissance pour combattre au service du Seigneur Christ, le vrai roi. (…)
Toi donc, qui que tu sois, qui te hâtes vers la patrie céleste, accomplis avec l’aide du Christ cette petite règle élémentaire que nous avons écrite, et alors seulement aux sommets plus élevés de doctrine et de vertus que nous venons d’évoquer, la protection de Dieu te fera parvenir. Amen. (Règle de saint Benoît, op. cit. son commencement et sa fin)

Depuis le VIème siècle, la synthèse semble faite – en Occident - et demeure pratiquée des expériences et des intuitions des Pères latins et grecs, et particulièrement de ceux dits «  Pères du désert » : la règle de saint Benoît structure le plus précisément les états de la vie religieuse ; elle organise l’éducation et caractérise le comportement de l’âme auxquels l’aspirant à la perfection, celui qui a choisi Dieu en ce monde, doit  parvenir. Sa disposition, d’emblée originale et qui l’est plus encore quinze cents après qu’elle ait été pour la première fois mise en pratique et formulée, est l’obéissance. Par lui-même, ce vœu produit l’humilité foncière de celui qui l’a prononcé – a été admis à le faire – et donne de discerner en tout le principe de toute vie humaine : la volonté divine. S’il est des personnalités particulièrement fortes et particulièrement douées comme celles de Thérèse d’Avila et d’Ignace de Loyola, pour s’accorder sur la manière de contempler et sur ce en quoi consiste la contemplation, et d’une certaine manière vulgariser l’indicible et l’intime, il en est d’autres, apparemment fondues dans une communauté d’élection, qui démontrent dans l’anonymat et le silence que l’expérience est commune, qu’elle est même répandue en sorte qu’elle est la vie spirituelle la plus quotidienne, celle qu’il faut proposer et enseigner à tout chrétien.

C’est ainsi que l’on passe d’un modèle exceptionnel à des vertus qui ne sont héroïques que relativement à la personnalité s’y vouant ou dans la durée, puisque la consécration est viagère. En ce sens, la grâce est une réponse à celui qui s’est ainsi donné et à donc pris tous les moyens d’acquérir le champ au trésor, la perle rare. Il en vient un type d’homme, caricaturé, envié, salué qui n’est pas imaginaire et qu’on peut rencontrer, voir et toucher à l’époque contemporaine : le moine, et par extension le religieux, son office quotidien, sa chasteté, sa pauvreté, son obéissance, son anéantissement au profit d’une identité plus approfondie et épurée, sa transparence voulue, parfois un peu distante. Le priant, le contemplant, le suppliant est tout à la fois libre et humble : il est adonné à ce qui dépasse l’homme et cependant le fait respirer. Paradoxalement, ce sont d’abord les gens du dehors qui disent la règle.

Il faut agir de telle sorte que le choix soit dicté par notre nature. Nous devons tendre à l’indifférence par une nature qui a été choisie. Le choix nous apparaît donc comme la plus dérisoire des choses si nous considérons ce qui est à choisir, et la plus importante si nous considérons celui qui choisit. (…) Les philosophes qui ont le plus adopté un système théocentrique sont aussi ceux qui ont leplus grand relief à la valeur du choix. (…) Dans l’ordre religieux, les esprits qui ont le plus combattu en faveur de la toute-puissance divine sont aussi ceux qui ont le plus demandé à l’initiative indiviiduelle   (Jean Grenier, op. cit. pp. 99 & 101). 

Ce qui nous arrive à chaque moment par l’ordre deDieu est ce qu’il y a de plus saint, de meilleur et de plus divin pour nous. Toute notre science consiste à connaître cet ordre au moment présent. (…) L’ordre de Dieu ou sa divine volonté est la vie de l’âme sous quelque apparence que l’âme se l’applique ou la reçoive. Quelque rapport que cette divine volonté ait à l’esprit, elle nourrit l’âme et la fait croître toujours par ce qu’il y a de meilleur. (Jean-Pierre de Caussade, op. cit. p. 72)

Ainsi entendue et expérimentée, la contemplation infuse est légitimement dite parfaite, elle résoud – dès ici-bas – ce dilemme de la créature à qui est promise la divinité du seul Créateur, parce qu’elle est rencontre amoureuse, point de départ d’une vie nouvelle, constamment attirée. Qu’elle soit donnée à l’homme, que celui-ci en soit capable est en soi extraordinaire, et que l’extraordinaire se vérifie pousse résolument à l’optimisme. Donc à discerner qu’obtenir ce bien est possible.

La foi n’a plus d’excuse quand elle est défaillante puisqu’elle est toujours susceptible d’être sensiblement confortée par une connaissance acquise de tout ce que, sans Dieu, nous ne saurions ni envisager ni anticiper. La contemplation parfaite est bien ce sens de la vue qui vient à la foi, elle est la seule situation dans laquelle l’homme peut continuer d’espérer et d’attendre ce qu’il lui est pourtant donné de voir, dès à présent. Comment acquérir ce sens, le cultiver ? le mettre en œuvre ? La contemplation est possible quand deux piliers sont fondés dans une âme : l’obéissance facteur d’humilité et de discernement, et aussi l’espérance précise de la résurrection. Le contemplant est un ressuscité en puissance, et ne recevoir que d’un Autre cet avant-goût suppose que chez l’être humain ainsi favorisé, ne sévissent plus aucun orgueil, aucune tentation de s’approprier la cause de cette expérience et de cette espérance. C’est la résurrection qui tranche le problème autrement insoluble de la parité homme/Dieu. Et c’est la contemplation qui en donne d’avance la consistance.

Quel est le milieu le plus porteur et constituant ?

Si, en marge de la cité chrétienne sécularisée, se dresse le monachisme, son rôle est justement d’être mesure maximale, le sel du Royaume, afin de révéler à sa lumière la signification méta-historique de l’existence historique. Dans les temps anciens, la foule venait contempler un instant les stylites et emportait dans son âme cette vision grandiose pour mesurer à son élévation sa propre existence. Ceux qui quittent lemonde s’y retrouvent sous une autre forme, et il faut entendre leur message, y trouver la mesure spirituelle de toute vie.
La science des ascètes expérimente sur la distinction paulinienne entre le sôma, corporété innocente en soi, car naturelle et la sarx, caranalité peccamineuse qui, de l’usage normal des biens terrestres, entraîne vers leur jouissance anti-naturelle. L’importance de la leçon ascétique est dans l’accent sur la totalité de l’être humain participant à sa pneumatisation. La transformation du corps, de son élément somatique, amorcée chez les saints, le démontre au moyen des phénomènes bien connus de lévitation, de luminescence et de pouvoir thaumaturgique.Pendant la vie terrestre, ce n'est point l’âmeseule, mais aussi le corps, lustré par les larmes de pénitente et rendu aérien, allégé qui est immergé dans le « feu de la divinité » Saint Syméon, Hymnes de l’Eros divin.
L’ascèse monastique, quand elle est bien épurée et centrée sur l’unique de l’amour, trace une règle de conduite égale pour les moines et pour la vie du monde et dans le monde ; intériorisée, elle révèle son secret le plus précieux. « Ceux qui vivent dans lemonde, bien que mariés, doivent pour tout le reste ressembler aux moines » Saint Jean Chrysostome Homélie sur l’épître aux Hébreux. La racine de toute existence est l’amour de Dieu « qu’il faut aimer comme on aime sa fiancée ». Le primat de l’intellection-vision ou le primat de l’amour, cette question ne se pose pas en Orient. On ne peut ni connaître Dieu sans l’aimer, ni l’aimer sans le connaître. Toute connaissance est caritative, intuition secrète dotée des propriétés cognitives, charismes de l’Esprit. Penser Dieu et l’aimer est un même acte d’union mystique.L’état du couple édénique uni à Dieu oar la grâce organique reste normatif. Par appropriation-participation, l’amour humain « mémorise » la philanthropie divine et ne s’apaise qu’en Dieu. C’est l’éros ascendant aimanté par l’éros cricifié et immolé.Le philtron, nom enchanteur que donne à l’amour Nicolas Cabasilas La vie en Jésus Christ, tendu vers un au-delà de lui-même par l’épectase (saint Grégoire de Nysse), tout oblation et offrande, cet amour humain de Dieu est ma réponse à l’appel, lamontée vers l’Aimé : « Parfaite est l’âme dont la puissance s’incline entièrement vers Dieu » (saint Maxime).
C’est face à ce mystère tout illuminé de la lumière du Christ qu’on comprend le mot si profond de Péguy : «  Il faut se faire violence pour ne pas croire » (Paul Evdokimov, op. cit. pp. 232 à 238)

Le monastère est une école où l’on apprend à adorer Dieu ; cette école a un maître et n’en a qu’un : N.B. Père a prononcé son nom quand il a parlé de « la voie des commandements de Dieu ». Le maître, c’est Notre-Seigneur Jésus-Christ, puisque c’est par son Verbe que Dieu nous dit toutes choses. Saint Augustin a relevé maintes fois la nécessité du maître intérieur dans l’ordre des deux connaissances, naturelle et surnaturelle. L’enseignement extérieur ne fournit jamais la lumière ni l’impression intellectuelles ; toute sa fonction se borne à donner l’éveil et l’exemple, à analyser, à évoquer le lien inaperçu qui existe entre les principes et les conclusions ; en dehors de Dieu, il n’y a vraiment que des moniteurs. Quand l’Ecriture, ou les Pères, ou l’Eglise nous parlent, c’est toujours l’enseignement de Dieu : « doctrina ejus ».
Il n’y a point de silence pour le Verbe, et la vie monastique nous est décrite comme une attention et une docilité constantes à cette voix qui jamais ne se tait. C’est surtout dans les monastères que Dieu se plaît à communiquer de sa pensée, de sesdesseins, de sa beauté. « Maria sedens secus pedes Domini audiebat verbum illius ». Chaque matin, avant de communier à la chair et au sang du Seigneur, nous lui disons : « Fac me tuis semper inhaerere mandatis et a te numquam séparari permittas ». Cette persévérance dans la doctrine durera jusqu’à la mort : Dieu n’est pas de ceux qu’on abandonne, lorsqu’on a fait connaissance avec lui ; elle ira même au-delà, s’il est vrai que la forme la plus achevée du magistère de Dieu se trouve dans la vision intuitive. (Dom Paul Delaatte,op. cit.  pp. 26-27)

Le monachisme bénédictin, s’il garde pour l’essentiel le secret de la relation du moine avec Dieu, expose très en évidence les moyens mis en œuvre.

Le bien moral, au-delà des biens immédiats qui nous sollicitent, peut être perçu dans un premier temps comme une exigence qui n’attire pas trop, mais, en définitive, tout l’effort ou la pédagogie des moralistes consiste à faire voir la voie morale comme un itinéraire vers le bien et, de manière ultime, vers le plus grand bien, qui est la béatitude.
Tous les efforts spirituels tendent vers ce bien ultime auquel on consent d’avance. C’est donc le bien qui est premier et qui attire. C’est en vue de ce bien que nous ordonnons ensuite toute notre vie, ce qui nous amèn à rejeter ce qui nous éloignerait de lui, et donc à renoncer à des choses qui nous apparaissent alors comme négatives, comme mauvaises, comme « mal ». Ainsi, le mal est toujours relatif au bien. C’est parce qu’on perçoit un bien que l’on choisit, qu’on discerne ce qui est mal et qu’on le rejette. (…)
Après des siècles de jansénisme ou de relents de jansénisme, la vie morale est constamment à replacer dans l’axe du bien, et du bien le meilleur, qui est la béatitude. La béatitude est le fait de vivre de la vie même de Dieu. (Dom Robert Le Gall, Le moine et le lama,  op. cit. . pp. 298-299)
Cette contemplation du sens de l’impermanence est essentielle à notre évolution. Elle entraîne la prise de conscience que rien n’est acquis, stable, définitif, et qu’il ne sert à rien de remettre à plus tard l‘accomplissement spirituel. C’est à travers la compréhension – au sens fort – de l’impermanence de toutes choses que nous tournons notre esprit vers la libération, que nous ressentons la nécessité et l’urgence detrouver les moyens, pour nous-mêmes et pour les autres, de nous dégager de l’emprise de l’ignorance et de libérer le potentiel de notre esprit. Ainsi nous ne gaspillerons pas le temps de notre vie, mais consacrerons nos efforts à l’essentiel. (Dom Robert Le Gall, Le moine et le lama,  op. cit. . p. 114)

De tous les chemins parcourus par le moine en deçà de la clôture, la prière des Psaumes est la plus ressassée et intériorisée.

Devenir vivante psalmodie. A force de reprendre les chants royaux de la Cité du Dieu vivant, nous sommes de plus en plus évangélisés ; les psaumes nous font entendre de l’intérieur la parole de Jésus dans l’Evangile : « Le Royaume de Dieu est arrivé jusqu’à vous » Mt. XII 28 ou «  Le Royaume de Dieu est au milieu de vous » Lc XVII 21. Les psaumes qui commencent par une bétatitude, nous donnent l’intelligence des Béatitudes et nous font comprendre que le Royaume des Cieux est à nous, si nous suivons notre Roi dans la pauvreté du cœur et la persécution pour la justice, si présentes dans notre psalmodie.
Nous sommes marqués par l’empreinte journalière des psaumes : ils s’impriment en notre être tout entier, yeux, oreilles, bouche, imagination, sensibilisation, intelligence et mémoire ; leurs mots se gravent jusqu’en notre subsconscient. Dans Les Frères Karamazov, Dostoiewski a écrit ces lignes suggestives :
« Il y a un remarquable tableau du peintre Kramskoï, intitulé le Contemplateur. C’est l’hiver, dans la forêt ; sur la route se tient un pasyan en houppelande déchiquetée et en bittes de tille, qui paraît réfkécir ; en réalité, il ne pense pas, il « contemple » quelque chose. Si on le heurtait, il tressaillirait et vous regarderait commeau sortir du sommeil, mais sans comprendre. A vrai dire, il se remettrait aussitôt ; mais qu’on lui demande à quoi il songeait, spurement il ne se rappellerait rien, tout en s’incorporant l’impression sous laquelle il se trouvait durant sa contemplation. Ces impressions lui sont chères et elles s’accumulent en lui, imperceptiblement, à son insu, sans qu’il sache à quelle fin. Un jour, peut-être, après les avoir emmagasinées durant des années, il quittera tout et s’en ira à Jérusalem faire son salut. » (Gallimard La Pleïade . 1952 pp. 137-138)  
Quand une impression a commencé de nous pénétrer – il y faut le plus souvent des années -, alors les psaumes deviennent l’expression privilégiée, non seulement de notre prière, mais de notre vie entière. Impression, expression aboutissent à la confession de la Trinité, le « Gloire au Père… », qui est le dernier mot de chaque psaume, celui qui nous replonge dans notre baptême. « Au moment où le chantre commence le Gloria, écrit saint Benoît quand il organise l’office divin, tous se lèveront de leurs sièges par honneur et révérence envers la Sainte Trinité » RB IX 7 (Dom Robert Le Gall, La saveur des psaumes op. cit. p. 55 )

Mais qu’est-ce que les Psaumes ? Réponse du moine bénédictin : les chants de l’Epoux et de l’Epouse. (Dom Robert Le Gall, La saveur des psaumes. op. cit. p. 30)
Le Psautier a été créé par Dieu même pour être à jamais le formulaire authentique de la prière. C’est avec ces pensées-là, avec ces accents-là que Dieu a voulu être loué et honoré. Les psaumes traduisent les sentiments les plus profonds, les plus variés, les plus délicats du cœur de l’homme, et répondent à tous ses besoins. Ils ont servi aux justes de l’Ancien Testament, ils ont servi aux Apôtres et aux saints de tous les âges. Mais ils ont erré sur d’autres lèvres encore : ils ont été dits et redits par Notre-Dame et par le Seigneur.Dans les pélerinages à Jérusalem, le Seigneur et sa Mère et saint Joseph chantaient les psaumes graduels. Certains auteurs ont pensé que le Seigneur récitait le Psautier chaque jour et qu’l n’avait fait, pendant la Passion, que poursuivre sa prière, lorsqu’il dit, élevé en croix : « Deus meus, Deus meus, ut quid dereliquisti me », et encore : « In manus tuas commendo spiritum meum. » (Dom Paul Delatte, op. cit. p. 210)

Pas seulement les textes millénaires, mais la manière de les chanter. Le grégorien – en soi - est décisif pour exprimer cette prière, la faire vivre par ceux-mêmes qui le produisent.
Ce sont ces petites antiennes qui constituent, avec la psalmodie qu’elles sont chargées d’accompagner, l’armature même de l’Office liturgique. Plusieurs versets de psaumes,avec, au début et à la fin, une antienne, voilà toute la psalmodie, tout le fond de l’Office. On pourrait même dire que l’Office est fait en grande partie de psalmodie, car les grandes pièces, telles que Répons de Matines, Graduels, Alleluias, ne sont souvent que de la psalùmodie amplifiée et ornée. Ce n’est pas là, c’est trop clair, tout le répertoire grégorien ; c’en est du moins la substance, et nous pouvons y chercher, sans crainte de nous tromper, quelque chose de ce que visaient les vieux compositeurs.
Ces petites antiennes, pour être simples, sont-elles inexpressives ? Non certes ! Elles expriment à merveille un état d’âme, une attitude d’âme polutôt. Les plus grandes pièces : Graduels, Alleluias, Offertoires, répons de l’office, accusent davantage, et d’ailleurs merveilleusement, tel ou tel sentiment. Au fond, pourtant, c’est partout la même attitude d’âme ;partout ce même sentiment de révérence et d’adoration de la créature devant son Créateur, d’humilité, de confiance absolue, de tendresse profonde, de filial, joyeux et total abandon, en un mot, de « foi », au sens plein et ancien du mot, c’est-à-dire d’adhésion active, de cœur et de volonté – toutes choses, semble-t-il, qui ne demandent pas spécialement à être tonitruées ou déclamées, qui réclament bien plutôt une immense réserve et une parfaite discrétion.
Si l’on voulait caractériser d’un mot le chant grégorien, il faudrait dire qu’il est avant tout intérieur et, si l’on me permet ce éologisme, « intériorisant » :sa vertu propre estde nous rentrer au dedans de nous, non pour nous analyser, mais pour y trouver Celui qui y habite, pour parler, converser, vivre avec Lui dans l’intime cœur à cœur.
Telle est la conclusion à laquelle il est difficile, semble-t-il, d’échapper quand on vit en pérpétuel contact avec les saintes cantilènes. Telle est celle aussi à laquelle aboutit fatalement l’étude attentive et désintéressée de la question. Car il y a ici beaucoup plus qu’une opinion personnelle ; il y a, à la base de la discussion, des principes absolument objectifs qui s’imposent avec toute l’évidence des faits. J’en citerai quatre principaux :
1° L’objet du chant grégorien, qui est uniquement la prière ;
2° Sa technique modale et rythmique ;
3° Ses procédés de composition ;
4° Les nuances des manuscrits.

. . . l’objet propre du chant grégorien,composé uniquement pour traduire la prière, c’est-à-dire les relations intimes, d’ordre tout spirituel, entre l’âme baptisée et Dieu. (…) Si, par la langue dans laquelle il s’exprime, il appartient matériellement à la musique, il dépasse infiniment par sa fin la musique. C’est à Dieu seul qu’il s’adresse, et non aux fidèles, sinon secondairement et comme par surcroît. Il n’est donc pas un article de concert, même spirituel ; il n’a pas sa fin en lui-même, il stessentiellement en fonction d’autre chose, qui lui donne sa raison d’être. Il faut de toute nécessité aller jusqu’à la moëlle, jusqu’à la substance même qui est la prière, c’est-à-dire le commerce intime de l’âme avec Dieu. (…) Le chant grégorien lui aussi est un consacré. Il n’existe que pour Dieu, pour L’adorer, Le remercier, et Lui apporter tout l’amour de l’humanité rachetée. Il ne vise aucunement à produire un effet, à attirer les regards sur soi, à plaire ; il n’a qu’un but : »servir », se faire oublier pour conduire les âmes à Dieu. En lui se vérifie magnifiquement le joli mot de saint Jean-Baptiste : Illum opportet crescere, me autem minui. (…)
Nos mélodies grégoriennes (…) expriment à merveille, non pas seulement ce que nous disons à Dieu, mais aussi et peut-être surtout ce que nous sommes devant Lui, notre attitude d’âme. Or S. Benoît résume toute cette attitude en un mot, commeil ramène toute sa spiritualité à une seule vertu compréhensive : l’humilité, laquelle est chez lui le fruit d’un double regard, regard de Dieu sur nous, et de nous vers Dieu, cette disposition foncière d’humilité profonde, d’adoration, d’action de grâces, de louange, de confiance absolue aussi, d’inaltérable paix et d’amour ; et c’est précisément cela même qui fait le fond, la principale beauté et toute l’efficacité de la prière chantée de l’Eglise. (…)
Paix, douceur, ce sont les mots auxquels il faut toujours revenir quand on parle de l’art grégorien, amour surtout. S’il est en effet une chose qui e dégage de l’étude de nos mélodies traditionnelles, c’est qu’elles sont vraiment baignées de tendresse ; quel que soit le sentiment qu’elles traduisent, c’est toujours une atmosphère d’amour, mais d’amour vrai et profond ; elles sont essentiellement de la charité. C’est vraiment l’esprit de l’Eglise tout entier qui est en elles. Plenitudo legis dilectio. On peut dire d’elles ce qu’on a dit, je crois, des fresques de l’Angelico, qu’elles ont été écrites à genoux. (…)
Ainsi, l’art grégorien est beaucoup que de la musique, beaucoupplus même qu’une prière ; parce qu’il est la prière de l’Eglise, il est surtout un esprit, une spiritualité, celle-là même que le Seigneur nous apprenait quand Il définissait les conditons vraies et les qualités de la prière : In spiritu et veritate oportet adorare… nam et pater tales quaerit qui adorent eum. Ce que Dieu veut, quand nous prions, ce n’est ps de l’éclat extérieur, ce n’est même pas une certaine exaltation sentimentale ; ce qu’Il veut, c’est cette prière intime, qui part de l’âme et monte à Lui tout seul. « In spiritu et veritate oportet adorare ». (Dom Joseph Gajard, op. cit. pp. 9 à 13)

La messe de l’aurore – Offertoire « Deus enim »
(…) regardez : une mélodie puissante, large, ramassée :peu de mouvement ; on y procède, pour ainsi dire, par masses. L’ambitus estrestreint à l’extrême, il ne va gure que du sol au do ; le ré n’est touché qu’une fois, et le fa lui-même, en deors d’une demi-cadence peu importante, n’apparaît jamais que comme note de passage, sauf tout à la fin, où il joue un rôle un peu plus accusé. De longues tenues sur do, qui se renouvellent sans cesse, et toutes aboutissant à la tonique sol, Techniquement, c’est aussi dépouillé que possible.
Et pourtant quelle vie, quelle force d’affirmation, quelle admiration latente, et quel sens de la Majesté divine ! Peut-être y a-t-il quelque difficulté à les traduire dans l’exécution, à raison même de la simplicité des moyens employés. Une seule manière d’y réussir : le « rythme ». J’entends par là le grand rythme : cette pousséede vie qui circule à travers tous les éléments de la pièce, les saisit, les informe, les organise, les ordonne et les anime, pour les fondre en défnitive dans une large et chaude synthèse, toue vibrante de la vie même de celui qui l’a conçue.
Chantez donc avec toute votre âme ; ne juxtaposez pas ni n’émiettez ces longs neumes ; n’alourdissez pas ni ne matérialisez ces tenues sans fin où le compositeur a mis tant de son âme ; qu’à travers tous ces mélismes circule, pour les relier, la sève vivifiante de la ligne intensive, étroitement calquée sur les courbes mélodiques ; retenez quelque peu chaque cadence, et repartez aussitôt après, avec l’élan qui suit, en crescendo vers les strophicus sur do, atteints eux-mêmes en douceur, selon la règle habituelle, et vous verrez comment tout s’illumine ! (Dom Joseph Gajard, op. cit. pp. 60 & 61)

Ainsi la vie monastique est-elle par excellence une vie contemplative. Elle est – organiquement – la combinaison de tous les moyens humains, individuellement et en communauté, de la contemplation, et si elle atteint la mystique que d’autres individualités attestent de façon notoire et littérairement éclatante, elle préfère le silence sur son expérience et se contente d’y convier. Si pour le dehors, elle semble faite essentiellement de prière, elle prodigue généralement à ceux qui l’ont choisie la disposition d’outils précis : du travail manuel, des horaires de sommeil, de repos et une alimentation ménageant le corps, une bibliothèque et des exercices intellectuels auxquels la durée de vie donnent parfois des applications devenues proverbiales. La mémoire historique demeure des moines bâtisseurs, conservateurs et propagateurs des grands écrits sacrés ou profanes de l’antiquité, défricheurs et garants de civilisations dont sont issues les nations européennes et leurs plus belles ambitions.

Nous devrions nous rappeler que la vie contemplative est avant tout une vie, et que toute vie implique l’ouverture, la croissance, le développement. Limiter le moine contemplatif à d’étroits horizons et à des soucis purement ésotériques équivaudrait, en réalité, à le condamner à la stérilité spirituelle et intellectuelle. (Thomas Merton, Réflexions d’un spectateur coupable op.cit.)

. . . faut-il dire que l’intention principale  de tout disciple de saint Benoît doit être de devenir un contemplatif ? – par « contemplatif », entendons le fidèle chez qui la prière devient au moins parfois contemplation ; et par « contemplation », un certain degré de prière, donnée entièrement par Dieu, ou au moins aidée par une grâce, durant laquelle le fidèle se trouve pour un temps uni à Dieu. En son degré minimum, la contemplation proprement dite se définit : communion obscure, de Dieu à l’âme, rendant l’âme amoureuse.
Ceci dit, il faut en déduire que la prière contemplative n’est pas, à strictement parler, l’intention principale du moine. La contemplation, en effet, se situe un peu en deçà, parce qu’elle est de l’ordre des moyens. Néammoins la contemplation est bien proche de notre intention principale, parce que, en tant que moyen, elle facilite excellemment la concentration du cœur humain sur l’intention principale décrite ci-dessus (absolument théocentrique : Dieu ; et résolument surnaturelle : le Ciel). Par la contemplation – qui réalise présence et intimité -, Dieu, Maître souverain, aide lui-même son serviteur à remplir envers lui ses devoirs d’attention, d’amour et de religion. Du fait de cette aide divine, bien des conditions de la vie spirituelle changent de niveau. Dieu ne demande qu’une chose, être aimé. S’il peut aider une créature à l’aimer, c’est évidemment, pour celle-ci, le meilleur moyen d’atteindre là où mène son intention principale. Mais, comme en d’autrres cas, le moyen reste distinct de la fin.
En un sens, on peut dire que saint Benoît pousse toujours ses fils vers la grâce de la contemplation, espérée, possible, souhaitable, à titre de très utile et excellent moyen. Mais il ne peut faire plus en faveur de son disciple. Tout comme le patriarche Joseph poussait ses deux fils sous les mains bénissantes du vieux Jacob, sans pouvoir néammoins imposer à celui-ci ses propres préférences, ni l’ampleur de la bénédiction octroyée.
La prière contemplative réalise, dès ici-bas, l’intimité avec Dieu. Or, si nous lisons attentivement la sainte Règle, ne faut-il pas en conclure que cette intimité avec Dieu fait partie du contrat ? Certainement. Aussi le moine ne doit-il jamais désespérer de l’obtenir. (Père Jérôme op.cit. pp. 363 & 364)



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Le recours à un tiers pour assurer l’expérience

           
Toutes les sagesses impliquent un enseignant, un maître qui, bien davantage qu’une institution, fondent une maïeutique. La littérature est de plus en plus riche en modèles de relation entre un initié et un disciple (notamment Hermann Hesse, Narcisse et Goldmund ; Patrick Kearney, op. cit. ; dans les deux fictions, la relation est celle d’un moine avec son novice) . Et il y a aussi, transposition subtile de cette relation, la dialectique masculin-féminin, plus seulement entre l’âme et son créateur, mais entre deux personnalités d’équivalente densité spirituelle (Benoît et Scolastique, Thérèse d’Avila et Jean de la Croix, François de Salles et Jeanne de Chantal, Charles de Foucauld et Anne de Bondy sans entrer dans l’histoire confinant au modèle, d’Abélard et d’Héloïse). Mais, dans la mystique chrétienne, la relation, si pédagogique qu’elle puisse paraître avec parfois son appel à l’obéissance et à une réelle docilité, n’est à terme qu’accompagnement, et cela jusqu’à un certain seuil, seulement. Le directeur spirituel s’efface devant l’unique Maître. Car la contemplation est autant possession qu’enseignement, Dieu s’enseigne Lui-même à son peuple, à sa créature. C’est sans doute dans la relation dirigé/directeur que se mesure le mieux l’improviste de Dieu et la logique de l’extraordinaire dans une vie humaine.

C’est l’une des plus grandes mystiques de l’histoire humaine qui témoigne le mieux de cette nécessité de l’accompagnement, à proportion-même de l’extraordinaire du reçu, du vécu.

Relation IV – Séville, 1576 – Jésus
Cette religieuse prit l’habit il y a quarante ans, et, dès la première année, elle se mit à méditer sur les mystères de la Passion de Notre Seigneur et sur ses péchés, sans songer jamais à quoi que ce soit de surnaturel : elle ne considérait que les créatures, ou les choses qui l’éclairaient sur la brièveté de tout au monde ; elle consacrait à cela certains moments de la journée sans qu’il lui vînt à l’esprit de désirer mieux, jugeant qu’elle ne méritait même pas de penser à Dieu. Elle vécut ainsi près de vingt-deyux ans dans une grande sécheresse, lisant aussi de bons livres. Il y a environ dix-huit ans qu’elle entreprit de s’occuper du premiuer monastère de Déchaussées qu’elle fonda à Avila, et trois ans auparavant, elle avait commencé à sentir qu’on lui parlait intérieurement, à avoir quelques visions et à recevoir des révélations. Non qu’elle ait vu quelque chose, jamais elle n’a rien vu avec les yeux du corps, il s’agissait d’une représentation rapide comme l’éclair ; mais cela se gravait en elle aussi profondément et produisait d’aussi grands effets, plus grands mêmes, que si elle avait vu ces choses des yeux du corps. Extrêmement craintive, il lui arrivait, même en plein jour, de ne pas oser rester seule. Et comme malgré ses efforts elle ne pouvait éviter ces visions, elle vivait dans une extrême affliction, et craignait que ce fut un leurre du démon. Elle entra en rapports avec des personnes spirituelles de la Compagnie de Jésus : le Père Araoz, général de 1562 à 1565, François de Borgia, Gilles Gonzalès, Baltazar Alvarez, Salazar de Cuenca, Santander de Ségovie, Ordonez d’Avila. Quand elle allait dans ces différentes localités, elle cherchait à voir ceux d’entre eux qui étaient les plus estimés.
Elle eut de fréquents rapports avec Fr. Pierre d’Alcantara, qui prit chaleureusement son parti. En ce temps-là, poendant six ans, on la mit à l’épreuve, elle vécut dans les larmes et l’affliction ; plus on l’éprouvait, plus elle avait de visions, de fréquents ravissements pendant l’oraison, et même en dehors de l’oraison. On priait beaucoup pour elle, on disait des messes pour que Dieu la conduise par une autre voie, car lorsqu’elle n’était pas en oraison, elle avaiut grand-peur, bien qu’on puisse voir en elle de grands progrès dans tout ce qui regardait le service de Dieu, sans nulle vaine gloire ni orgueil ; elle fuyait plutôt ceux qui étaient au courant de tout ce qui lui arrivait ; il lui coûtait plus d’en parler que s’il se fut agi de péchés ; elle croyait qu’on rirait d’elle et qu’on y verrait des idées de femmelette.
Il y a près de treize ans, l’évêque de Salamanque passa par là, il était Inquisiteur à Tolède, ce me semble, et il l’avait été ici. Elle chercha à lui parler pour mieux se rassurer, et lui rendit compte de tout. Il lui dit que rien de cela ne concernait son office, puisque tout ce qu’elle voyait et entendait la confirmait de plus en plus dans la foi ncatholique, qu’elle y avait été et y demeurait toujours solidement ancrée, animée de l’immense désir de l’honneur de Dieu et du bien des âmes, prête à se laisser tuer plusieurs fois pour en sauver une. Il la vit si affligée qu’il lui conseilla d’envoyer au Maître d’Avila, qui était encore en vie, une longue relation de tout ; c’était un homme fort versé dans l’oraison, et la répoonse qu’il lui ferait devrait l’apaiser. Elle suivit ce conseil, et ce qu’il lui écrivit la rassura beaucoup. Cette relation fut telle que tous les hommes doctes qui l’ont vue, et qui étaient mes confesseurs, disaient qu’elle était un guide fort efficace dans les choses spirituelles, ils lui ont donné l’ordre de la recopier et d’en faire, pour ses filles, car elle était prieure, un autre petit livre où elle leur donnerait quelques conseils. Malgré tout cela, par moments, elle n’était pas sans crainte, il lui semblait que des gens d’une haute spiritualité pouvaient être leyrrés tout comme elle, et elle voulait s’entretenir avec de grands théologiens, même peu portés à l’oraison ; elle voulait surtout savoir si tout ce qui se passait en elle était conforme à la Sainte Ecriture. Elle se consolait parfois en songeant que même si elle méritait d’être dans l’illusion, pour ses péchés, Dieu ne permettrait pas que tant de bonnes gens qui souhaitaient l’éclairer soient induites en erreur.
Dans cette intention elle commença à s’entretenir de tout cela avec les pères de Saint-Dominique : Vincent Baron à Tolède, Dominique Banez à Valladolid et elle a toujours recours à lui par lettres, quand quelque chose de nouveau se présente. Chaves, confesseur de Philippe II, Pierre Ibanez à Avila, Garcia de Toledo, Barthelemy de Medina dont elle savait qu’il avait entendu parler de ces choses et préjugeait mal d’elle ; elle pensa donc que s’il y avait leurre, il le lui dirait mieux qu’un autre ; celaz se passait il y a un peu plus de deux ans ; elle chercha à se confesser à lui, lui fit un long récit de tout pendant son séjour là-bas, et lui montra ce qu’elle avait écrit, pour qu’il la connaisse mieux. Il la rassura autant et même mieux que tous les autres et devint son grand ami. (Thérèse d’Avila, op. cit.  pp.853 à 855)

C’est sans doute par ce rôle de l’accompagnateur que religion et psychiâtrie – aujourd’hui - se rejoignent le plus pratiquement et peuvent, le cas échéant, collaborer :

Un directeur spirituel n’est pas un psychanalyste. Il doit s’en tenir à la mission que Dieu lui a confiée, et éviter deux graves erreurs. La première serait de devenir psychothérapeute amateur : il ne doit pas s’intéresser directement aux impulsions inconscientes et aux problèmes émotionnels, tout en les connaissant suffisamment pour déceler leur présence. Il doit respecter profondément la nature inconsciente et instinctive de l’homme, en évitant que ses conseils ne renforcent les tendances infantiles autoritaires de son pénitent, en n’étant ni trop facile ni trou coulant, et en n’approuvant pas tous ses caprices, quelle que soit leur extravagance.
Le directeur doit comprendre ensuite que les problèmes psychologiques sont des réalités, et que, lorsqu’il se trouve en face d’eux, ils dépassent sa compétence. Au lieu d’être de ceux qui se moquent de la psychiatrie par principe, et prétendent que l’ascétisme résout tous les problèmes émotionnels, le directeur doit savoir quand il faut adresser un pénitent au psychitare pour un traitement approprié. Il ne doit pas essayer de « guérir » un névorsé en bluffant, en affectant l’optimisme, ou en moins en lae brusquant.
Nous avons vu rapidement quelques-uns des avantages et des problèmes de la direction spirituelle. Fatalement un tel exposé manque de perspective ; il donne l’impression qu’il y a toujours d’importantes questions à débattre entre le pénitent et le directeur, et que celui-ci doit être perpétuellement sur ses gardes pour ne pas être rompé – comme si chacune de leurs entrevues était un combat entre la lumière et les ténèbres.
Or ce n’est pas absolument pas le cas. A partir du moment où le directeur et son pénitent se connaissent, leurs entrevues continuent, paisiblement et sans incidents, de mois en mois et d’année en année. Les grands problèmes sont rares, les difficultés aussi. Lorsqu’il s’en présente, on les traite avec calme et simplicité, sans beaucoup s’en troubler. Il peut y avoir ses moments de tension, des moments difficiles, mais ils passent. On est tenté de penser que tout est trop monotone, trop calme, trop sûr ; on se demande si la direction n’est pas une perte de temps, qui ne représente guère plus qu’une conversation amicale sur les événements contemporains ordinaires.
Si nous sommes sages, malgré cela, nous comprendrons que c’est précisément en cela que réside la plus grande valeur de la direction. Une vie qui est paisible, presque banale dans sa simplicité, serait peut-être très différente sans ces entretiens amicaux qui engendrent la paix et maintiennent les choses sur la voie du calme. Combien de vocations seraient plus assurées si tous les religieux pouvaient voguer sur ces eaux tranquilles et sereines ?(Thomas Merton, op. cit. pp. 57 à 60)

On m’a souvent demandé quelle était ma méthode psychothérapeutique ou analytique : je ne peux donner de réponse univoque. La thérapie est différente dans chaque cas. Quand un médecin me dit qu’il « obéit » strictement à telle ou telle « méthode », je doute de ses résultats thérapeutiques. Das la littérature il est tellement souvent question des résistances du malade que cela pourrait donner à penser qu’on tente de lui imposer des directives, alors que c’est en lui que defaçon naturelle doivent croître les forces de guérison. La psychothérapie et les analyses sont aussi diverses que les individus. Je traite chaque malade aussi individuellement qu’il m’est possible, car la solution du problème est toujours personnelle. On ne peut établir des règles générales que cum grano salis, avec la réserve nécessaire. Une vérité psychologique n’est valable que si l’on peut l’inverser. Une solution qui, pour moi, n’entrerait pas en ligne de compte peut être justement la vraie pour un autre.
Naturellement, il faut qu’un médecin connaisse les prétendues « méthodes ». Mais il doit bien se garder de se fixer sur une voie déterminée, routinière. Il ne faut utiliser qu’avec beaucoup de prudence les hypothèses théoriques. Peut-être sont-elles valables aujourd’hui, demain ce pourront en être d’autres. Dans mes analyses, elles ne jouent aucun rôle. C’est précisément avec intention que j’évite d’être systématique. A mes yeux, confronté à l’individu il n’y a que la compréhension individuelle. Chaque malade exige qu’on emploie un langage différent. Ainsi pourrait-on m’entendre, dans une analyse, employer un langage adllérien, dans un autre un langage freudien.
Le fait décisif c’est que, en tant qu’être humain, je me trouve en face d’un autre être humain. L’analyse est un dialogue qui a besoin de deux partenaires. L’analyste et le malade se trouvent face à face, les yeux dans les yeux. Le médecin a quelque chose à dire, mais le malade aussi.
Dans la psychothérapie, comme l’essentiel n’est pas « d’appliquer une méthode », la formation psychiatrique seule est insuffisante. J’ai dû moi-même travailler encore longtemps après être devenu psychiâtre avant de posséder l’armature nécessaire à la psychothérapie. En 1909, déjà, je m’aperçus que je ne pouvais traiter les psychoses latentes sans comprendre leur symbolique. C’est alors que je me mis à étudier la mythologie.
Quand il s’agit de malades cultivés et intelligents, les seules connaissances techniques du psychiâtre ne suffisent pas. Libéré de toutes les présuppositions théoriques, il lui faut comprendre ce qui en réalité agite le malade, sinon il suscite des résistances superflues. Car il n’est nullement question de confirmer une théorie, mais bien de faire en sorte que le malade se comprenne lui-même en tant qu’individu. Or, cela n’est pas possible si l’on n’établit pas de comparaisons avec les idées collectives dont le médecin devrait être instruit. Une simple formation médicale n’y suffit pas, car l’horizon de l’âme humaine s’étend bien au-delà des seules perspectives en honneur dans le cabinet de consultation du médecin.
L’âme est beaucoup plus compliquée et inaccessible que le corps. Elle est, pourrait-on dire, cette moitié du monde qui n’existe que dans la mesure où l’on en prend conscience. Aussi, l’âme est-elle non seulement un problème personnel, mais un problème du monde entier et c’est à ce monde entier que le psychiâtre a affaire.(Car Gustav Jung, op. cit. pp. 158-159)

Il est extrêmement rare que quelqu’un puisse avancer vers la libération en comptant sur ses seules ressources personnelles. Le Bouddha s’est éveillé par lui-même, mais c’était le Bouddha. Seuls des êtres d’exception ont la faculté de se livrer à une investigation intérieure suffisamment profonde pour mettre au jour l‘essence de leur esprit. La quasi-totalité des êtres n’ont pas cette capacité. L’exemple et les conseils de maîtres éveillés leur sont indispensables pour parvenir au terme du chemin. Même si le maître n’est pas complètement libéré, il doit au moins avoir parcouru une partie de la voie, être à même de guider les autres et de les mener dans la bonne direction.
Au cours d’une même vie ou au cours de plusieurs vies, nous pouvons rencontrer des guides de différents niveaux d’expérience et de réalisation. En effet, généralement, lorsqu’on parle de « maître spirituel », on ne fait pas allusion seulement aux grands maîtres réalisés. On désigne en fait l’ensemble de tous ceux qui ont acquis une expérience suffisamment stable de la voie, à travers leur pratique, ainsi qu’une réelle compréhension des enseignements. Ils sont ates à guider les autres jusqu’à un certain point du chemin, et à transmettre à leur tour les instructions spirituelles qu’ils ont reçues et mises en pratique. Ces lamas enseignent tout en continuant d’approfondir leur propre chemin spirituel. (Lama Jigmé RIMPOCHE op.cit.p. 294)
           
Le Jésuite en est d’accord. . . . la formation religieuse. Elle ne se fait pas d’abord dans des conférences ou des lectures, mais dans un contact de personne à personne, où la qualiuté du raapport joue un rôle fondamental. Que chacun se remémore le temps de sa formation ! Bien des points expliqués dans les débuts n’ont pas été saisis alors. Si au jour voulu, ils ont apporté la lumière dont nous avions besoin pour résoudre les difficultés de l’existence, c’est qu’à ce moment ils ont réveillé en nous le souvenir de celui qui nous les donna et dont la personnaliutré leur communiquait chaleur et vie. Après coup, nous découvrons que ce jour-là, nous fûmes en présence, non seulement d’un professeur, d’un savant ou d’un spirituel, mais d’un vrai maître.
De tels maîtres sont les vrais éducateurs de la foi. Leur rareté vient du difficile équilibre qu’eux-mêmes doivent réaliser dans leur être profond entre les éléments qui constituent une personnalité spirituelle. Trois ordres sont ici en présence : celui de la connaissance, celui de l’expérience humaine, celui de la grâce. Leur mise en place selon leur valeur relative assure seule l’équilibre dont nous parlons.
Aucun prétexte de sainteté iou de savoir-faire ne légitime d’abord l’ignorance des lois psychologiques les plus fondamentales ou la négligence des études qui de nos jours se sont développées en ce domaine. Mais il serait dangereux de s’estimer capable d’aider les autres dans leur développement humain et spirituel en raison des années d’études passées dans des instituts spécialisés. Toute la science du monde est, par elle-même, incapable d’établir un vrai rapport humain.
Pour que celui-ci se noue, elle doit être dépassée, un engagement personnel doit être accepté où tour à tour chacun donne et reçoit avec les risques que comportent de tels échanges. C’est une aventure où les connaissances acquises permettent d’avancer avec plus de certitude et de prudence, mais où personne n’échappe à la nécessité de se livrer lui-même au moment voulu sans réserve et sans arrière-pensée.
Enfin cette relation personnelle ne doit pas se fermer sur elle. Son but n’est pas seulement de situer les êtres les uns par rapport aux autres dans une plus grande liberté, mais de les soumettre au mouvement du Saint-Esprit, pour le plus grand service de l’Eglise. (Jean Laplace, La femme et la vie consacrée op. cit. pp. 258 & 259)

Pathétique accompagnement de celui qui vit l’essentiel par un  autre que son rôle dépasse.  Le plus prenant est sans doute d’aider celui qui arrive au seuil et à l’instant de la définitive contemplation. Dans ce champ de l’expérience humaine, comprendre c’est avant tout accepter d’être avec. La relation élaborée dans cette part d’histoire commune qui peut se constituer avec la personne en fin de vie, représente la modalité d’émergence d’un sens intime souvent peu communicable. Il relève d’un « savoir » intérieur.(Dr. Michèle-H. Salamagne & Emmanuel Hirsch, op. cit. p. 81 Le devoir de non-indifférence)[1]


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Créativité et contemplation



L’inspiration, « l’intuition créatrice », en ce qu’elles tirent de l’homme, pas uniquement de l’artiste, ce qui semblait ne pas y être ou n’y être qu’à l’état latent, s’apparenteraient à la contemplation. Ce serait une activité du même ordre, saisissant complètement le sujet qui a conscience à la fois de sa dépendance pour ce qui vient de son tréfonds, en quoi il sait n’être pas démiurge, et de ce qu’a de nécessaire le filtre que constitue sa propre personnalité avec ses acquis, sa formation, son savoir et même les circonstances du moment modelant autant l’œuvre en train de se concevoir puis de se réaliser que lui-même en proie à ce travail jouxtant la création.

L’art chez les anciens avait pour condition la simplicité. Le vrai, le beau et le bien ne peuvent être que simples. L’artiste véritable est celui qui traduit le mieux dans le monde extérieur, c’est-à-direde la manière la plus simple, l’idéal qu’il porte dans la simplicité de son intelligence. Plus une intelligence est pure et haute, plus elle conçoit la vérité d’une façon simple et une… L’art n’est pas destiné à encombrer l’intelligence humaine d’une multiplicité qui ne lui appartient pas ; il doit tendre au contraire à relever lemonde des sens jusqu’à y faire pénétrer un certain reflet de la simplicité etde l’unité du monde spirituel. L’art doit tendre à la perfection de l’individu humain et non pas à son abaissement ; s’il s’adresse aux sens en provoquant des impressions et des émotions qui leur appartiennent, ce n’est que pour éveiller en quelque sorte la pensée de l’homme, pour l’aider à s’affranchir et à s’élever au-dessus du monde visible et sensuel par une sorte d’échelle habilement ménagée, d’après les lois posées par Dieu lui-même. (Dom Mocquereau cité par Dom Gajard, op.cit.p. 7)

L’observation clinique des créateurs et l’étude des comptes rendus introspectifs d’expériences faites au cours de l’activité créatrice font penser que nous assistons là au déplacement de l’investissement de certaines fonctions du Moi. C’est ainsi qu’on distingue fréquemment, dans la création, la phase d’insporation et la phase d’élaboration. La phase d’inspiration est caractérisée par la facilité avec laquelle sont reçues les pulsions du çà ou leurs plus proches dérivés. On pourrait dire que, dans une certaine mesure, les énergies du contre-investissement sont retirées pour s’ajouter à la vitesse, à la puissance ou àl’intensité avec lesquelles se forment des pensées préconscientes. Au cours de la phase d’élaboration, la barrière du contre-investissement peut se renforcer, le travail progresse lentement, l’investissement s’oriente vers d’autres fonctions du Moi, telle l’épreuve de réalité, la formulation ou d’autres objets de communication. L’alternance des deux phases peut être rapide, osciller ou se répartir sur de longues périodes. (…)
On parvient également à un sentiment de soulagement et de décharge, semblable à celui que produit le fantasme, par la résolution d’un problème, lorsqu’une poartie de la délibération préconscxiente esr parvenue à une conclusion consciente satisfaisante. La satisfaction indicutable qui accompagne habituellement la résolution d’un problème est généralement décrite comme un sentiment gratifiant de maîtrise, de triomphe dû à desréalisations reliées aux intérêts du Moi, à des sentiments d’amour-propre réduisant la tension intrapsychique entre le Surmoi et le Moi, par exemple, etc. Il serait également utile de considérer que la résolution des problèmes – dans toutes les aires de la créativité – peut amener le plaisir par la décharge de l’énergie neutre utilisée dans la quête de la pensée créatrice Cette constatation n’a rien de nouveau, ni en psychanalyse, ni en psychologie. On s’y réfère souvent comme à un plaisir fonctionnel. (…) L’élaboration de cette théorie paraissait conduire à une meilleure compréhension de l’expérience esthétique. (Ernst Kris in recueil de textes La sublimation . Les sentiers de la création op. cit. pp. 190 à 193)

Ce n’est pas pour autant la contemplation puisque la rencontre ne s’opère qu’entre un sujet conscient et un objet mis au jour, une œuvre. Dans la contemplation, c’est le sujet humain qui se sait de Dieu, se reçoit comme l’œuvre de Dieu, et qui en Lui et par Celui-ci vit son complet, total, éternel et personnel accomplissement, comble de la nécessité et de la liberté.

Le mode d’exister – La différence christique
Ce qui a surgi, à la pointe de l’épreuve, c’est une neuve possibilité de vivre, d’être au monde, à soi-même, à autrui.
Et elle se tient par elle-même : c’est-à-dire qu’elle a sa consistance propre, sans qu’il soit besoin de la référer à un système religieux ou philosophique, pas même à l’Evangile ! La référence est possible, bien sûr ; et féconde. Mais dans la situation où nous sommes, elle risque de ramener au schéma d’application : des idées, desrègles, une organisation régissant la vie ; alors que le rapport d’inspiration est différent : la vie trouve elle-même son chemin, pourvu que sa source soit « l’eau vive ». Pousser à fond, en ce moment-ci, l’effet d’un tel rapport, c’est mettre en liberté – et donc finalement, par effet de retour, exiger bien plus de force et de rigueur en tout ce qui nommera « l’Evangile » et nommera à partir de lui.
Il suffit que s’exerce ce que nous nommerons ici la différence christique : c’est-à-dire, en tout, visiblement ou secrètement, ce passage de la mort à la vie, cet avènement d’humanité qui descend au fond et ne laisse derrière lui aucune complicité avec la tristesse essentielle.
Cette différence joue d’abord dans l’avènement même de l’homme.Par-delà toute essence ou nature : cet homme, qui advient. Et elle jouera ensuite partout, de façon toujours imprévisible.
Ainsi le déploiement se fait dans une ambiance quasi-philosophique : comme si l’homme retrouvait puissance de se créer. Et il la retrouve en effet ! Mais par cette dépendance (cette obéissance) qui est l’opposé même de la servitude : car c’est l’écoûte d’une parole qui donne enfin d’être à soi-même, par le don qu’on reçoit et qu’on donne.
Oui, nourris de cette nourriture, s’en aller sur les chemins et inventer la vie. (Maurice Bellet, op. cit. pp. 56-57)

La toute primordiale pensée écoute. Car elle habite la parole, au-delà en deçà des mots, dans toute l’ampleur du corps parlant. Elle est en ce don de parole, qui est la co-présence, l’accueil et le don du visage et de la voix, où naît la puissance même de dire je. La communion humaine précède toute pensée en la pensée même. Hors de là, il n’y a que ténèbres, l’impénétrable abîme du Seul – ou l’agonie du Vide.
Ni la puissance solaire de la raison, ni sa perte dans l’humiliation où elle avoue ses conditions ; ni, pas davantage, l’abaissement d’une obéissance (de foi, disent-ils) qui serait démission, croyance entêtée ou anxieuse.
Ailleurs, ailleurs est l’heureuse naissance de la pensée ! Dans cet habitat de la parole qui devient poème aux lèvres humaines, chant partagé, donation du chemin et de la demeure. Exaltation du corps ! De ce corps de vie, qui est l’esprit même, dans sa manifestation, prenant durée et déjà, pourtant, sur le versant d’éternité.
Poésie, aurore qui précède tout raisonnement et toute sagesse : c’est donation de la lumière.
Là se donne et s’entend la parole qui est la pure venue à parole ; là s’entend l’homme dont témoigne l’heureuse annonce. La puissance de cette parole, c’est que l’écoute, la critique, la création font un : un seul acte qui brise le cercle de fer. (Maurice Bellet, op. cit. p. 85)

Ce que donne à réfléchir la psychologie cognitive la plus récente. Comment est mise en œuvre, est suscitée la capacité de dépasser l’habituel ou d’utiliser le connu pour accueillir et s’approprier l’inconnu, le résoudre.

L’effet de fixation peut être illustré par un problème bien connu et qui a fait l’objet d’études à la fois anciennes et récentes : le problème des 9 points.
Ce problème est difficile pour quiconque le rencontre pour lapremière fois. Pendant très longtemps, toutes les solutions qui sont tentées se limitent àl’intérieur du carré. Il est impossible, ce faisant, d’aboutir à une solution satisfaisante.il fautpour cela sortir du carré. Certains sujets ne dépassent jamais les limites du carré. Ceux qui y parviennent mettent très longtemps à le faire et ensuite continunt tous leurs essais en débordant la figure. Il y a une différence manifest entre ces deux phases de la recherche, qui se traduit souvent par la reconnaissance explicite, de la part du sujet, du fait qu’il n’avait pas envisagé cette possibilité auparavant.   (…)
Le cœur de la question est de savoir s’il faut ou non invoquer des processus différnts pour expliquer ce qui se passe au début du problème quand le sujet cherche une solution à l’intérieur du carré et ce qui se passe à la fin quand il déborde les limites du carré. (…)
Si les essais infructueux s’expliquent par la fixation et si la découverte de lasolution résulte d’une restructuration perceptive, alors donner l’information adéquate devrait supprimer la difficulté du problème : indiquer au sujet qu’il faut dépasser les limites du carré devrait supprimer la fixation et la solution devrait être pratiquement immédiate. L’expérience montre qu’en fait de nombreux essais restent nécessaires pour parvenir à la solution. (Jean-François Richard, op. cit.  )

. . . réserver le terme de  représentations aux constructions circonstancielles et celui de connaissances aux constructions stables. Nous n’utilisons pas l’expression, « représentations des connaissances ». Ell a un sens précis en informatique : elle signifie un moyen d’exprimer les connaissances sous une forme exécutable par une machine. Mais ce sens n’est pas du tout pertinent en psychologie, sauf lorsqu’il s’agit de simuler l’organisation des connaissances en mémoire.
Du point de vue du fonctionnement cognitif, la différence entre connaissances et représentations est que les connaissances ont besoin d’être activées pour être efficientes, alors que les représentations constituent le contenu de la mémoire opérationnelle, à savoir les informations stockées en mémoire de travail et les informations actives de la mémoire à long terme. Les informations en mémoire opérationnelle sont celles qui sont disponibles pour les tâches et les traitements afférents : elles sont maintenues actives pendant la durée d’accomplissement de la tâche.
Les connaissances, en revanche, sont stockées en mémoire à long terme. Toutes les informations en mémoire à long terme ne sont pas disponibles : une faible partie de celles-ci seulement le sont, celles qui ont un nivau d’activation suffisant ou qui font l’objet d’une recherche en mémoire couronnée de succès. (Jean-François Richard, op. cit. p. 11 ) 
Cela revient à dire que face à un nouveau problème on commence  par rechercher s’il y a d’autres situations dans lesquelles on a une procédure pour répondre au même type de questions ou pour réaliser le même objectif et à rechercher ensuite si les conditions de la nouvelle situation sont telles que la procédure est applicable. (…)
On remarquera que les conditions de déclenchement de l’analogie sont les mêmes que celles que nous supposons être celles de l’application des connaissances aux situations dans les situations d’exécution ; la mise en œuvre des procédures est faite par un processus d’apariement des caractéristiques de la situation avec le but, d’une part, de prérequis de l’application de la procédure d’autre part.
Le transfert analogique présente les conditions habituelles d’application des schémas de connaissances aux situations concrètes : la mise en œuvre des procédures est très rapide, comme c’est le cas pour tous les processus qui reposent sur l’apariement.
Le transfert analogique peut évidemment conduire à des erreurs, car des situations peuvent s’apparier à des schémas de connaissances sur l’action,alors qu’elles ne possèdent pas les propriétés intrinsèques qui légitiment les procédures. Mais ces erreurs sont le prix à payer pour une mise en œuvre rapide. C’est une condition de l’acquisition des habiletés cognitives. (Jean-François Richard, op. cit. . pp. 156-157 )

On observe en général très peu de transfert entre les problèmes qui sont véritablement isomorphes, si ces problèmes se ressemblent peu par les traits de surface.
Il faut des conditions tout à fait particulières pour que le sujet soit amené à remarquer que le problème qu’il est en train de résoudre présente la même structure relationnelle qu’un problème connu : par exemple, informer le sujet que le premier problème peut l’aider à résoudre le second ou encore lui faire résoudre une série de problèmes isomorphes.
En revanche, on observe des effets de transfert analogique apparemment incoercibles entre des situations qui sont de structure complètement différente, mais qui ont beaucoup de traits particuliers communs. (Jean-François Richard, op. cit. pp. 155-156 )





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Contemplation, vision, connaissance



Le vrai objet de la contemplation mystique, son but propre est la sainteté cachée de Dieu, sa gloire infinie et sans forme, d’où procède sa voix et sa parole. (le hassidisme médiéval selon Gershom G. SCHOLEM, op. cit. p. 130 )

Lui reconnu, il n’y a plus rien à chercher. En son Fils, le Père nous a tout donné. Cependant, il nous reste tout à découvrir. Par lui, nous entrons dans un dialogue d’amour et une poursuite incessante. C’est la suprême révélation, celle de Dieu, en tant que source et terme, dans son Fils par qui il se donnelui-même  par l’Esprit qui nous conduit dans ces profondeurs. (Jean Laplace, Discernement pour temps de crise, l’épître de Jean, op. cit. p. 161)

La forme de vision que Votre Grâce m’a demandé de lui expliquer est de celles où on ne voit rien, ni intérieuyrement, ni extérieurement, car elle n’est pas imaginaire ; mais sans rien voir, l’âme comprend qui est là, et de quel côté, Il est représenté plus clairement que si elle le voyait, sauf qu’on ne lui représente rien en particulier ; elle est comme quelqu’un qui sent une personne auporès d’elle, dans l’obscurité ; sans la voir, elle a la certiutude qu’elle est là ; cette comparaison est toutefois insuffisante, car celle qui est dans l’obscurité comprend d’une manière ou d’une autre que la personne est là, soit qu’elle entende du bruit, soit qu’elle ait vu la personne avant, ou qu’elle la connaisse déjà ; rien ne pareil ici, mais sans paroles extérieures ni intérieures, l’âme comprend avec une extrême clarté qui est là, et de quel côté, et en même temps ce qu’Il veut lui signifier. Par quel moyen le comprend-elle , ou comment, elle ne le sait point ; mais il en est ainsi ; tant que cela se prolonge, elle ne peut l’ignorer ; et quand cela se dissipe, elle a beau vouloir l’imaginer à nouveau, elle n’y parvient pas, elle voit que c’est de l’imagination, et pas une présence, cette présence ne dépend pas d’elle, comme c’est le cas pour toutes les choses surnaturelles. C’est pourquoi celle à qui Dieu fait cette faveur se méprise, elle voit que c’est un don, elle ne peut ni faire ni défaire ; elle se retrouve avec une humilité accrue et l’amour de toujours servir ce Seigneur si puissant qu’il est capable de réaliser ce que nous sommes encore incapables de comprendre ici-bas ; car pour savant qu’on soit, il est des choses qu’on ne peut saisir. Béni soit Celui qui les donne. Amen, à jamais. (Thérèse d’Avila, op. cit. p. 859)

C’est la définition même de la « théologie apophatique. La connaissance de Dieu est d’autant plus riche qu’elle est faite de la négation de toute détermination particulière. Les théologiens de l’Eglise d’Orient insistent particuylièrempent sur cette connaissance par inconnaissance. » Quelle est donc la vraie nature de la contemplation ? C’est avant tout une expérience surnaturelle de Dieu. Cette expérience est un don gratuit de Dieu, plus particulièrement que toutes les autres grâces qu’exige notre santictification. L’expoérience mystique est essentiellement la participation plus ou moins consciente de notre âme et de ses facultés à la vie, à la connaissance et à l’amour de Dieu lui-même. Cette participation n’est ontologiquement possible que par la grâce sanctifiante qui surajoute à notre nature un « être » nouveau capable de produire des actes qui le dépassent entièrement.
De façon plus particulière, l’expérience mystique est provoquée directement par les inspirations spéciales du Saint-Esprit substantiellement présent dans l’âme par la grâce. Ces inspirations permettent à l’âme de « voir » et d’apprécier, de façon absolument neuve et imprévue, la pleine réalité des vérités que renferment les exposés intellectuels sur Dieu, qu’elle n’avait jusqu’alors pas « goûtée ». Mais, surtout, elles nous permettent de comprendre profondément notre union avec Dieu par la grâxce. L’expérience contemplative, au sens strict du terme, erst toujours celle de Dieu conçu non comme une abstraction, comme un Etre lointain et étranger à nous, mais intimement et profondément présent à l’âme dans sa Réalité et son Etre infinis. Ce n’est plus le Dieu des philosophes qu’on connaît de cette façon. C’est le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, et le Saint-Esprit nous révèle, au fond de nos cœurs, qu’Il est notre Père et que, nous autres, nous sommes ses fils. (Thomas Merton, La montée vers la lumière, op. cit. p.16)

Dieu, personne ne l’a jamais vu (évangile selon Jean IV 12) La contemplation introduit à l’espérance, la vision prête à illusion, ainsi que Thérèse d’Avila en eut la très durable et mouvementée épreuve. La tentation de la raison est de conclure de l’impossibilité de voir Dieu à l’inexistence de Dieu. (Jean-Claude Barreau, op. cit. p. 116) L’expérience spirituelle, celle de toute la Bible, celle de Paul (2ème Co. VII) montre le contraire et que nous marchons par la foi, non par la vue. La promesse n’a de sens que par l’absence de vision. Que si on voit ce qui nous est promis, qui nous attend et qu’on attend, on cesse de l’espérer. Du futur on ne sait rien, c’est la seule raison qui pousse à le désirer. La liturgie de la messe dit tout aussi admirablement : En cette vie où nous espérons le bonheur que tu promets… Il n’est bonheur que parce que promis. Valorisé par notre attente. C’est le désir de sens qui est le sens, il n’y en a pas d’autre. (Michel Théron, op. cit.p. 254). Mais aucune promesse ne satisferait par avance aucun désir s’il n’y avait la foi en une personne, précisément celle qui promet… Le chrétien n’attend donc ni un paradis, ni des biens même spirituels, ni quoi que ce soit, il attend une personne, Dieu lui-même qui s’est déjà manifesté : précisément en attestant et en promettant, et qui reviendra. C’est l’expérience de la contemplation qui permet de conclure avec assurance la demande finale de la créature au Créateur : Celui qui atteste cela, dit : Oui, je viens bientôt – Amen ! Viens, Seigneur, Seigneur Jésus ! (apocalypse de Jean XXII 20-21)

 Dieu, s’il existe, n’est pas dans l’avenir, il vient ; il n’est pas dans les dimensions de l’espace et du temps, mais « au-delà » deces dimensions, dans l’Eternité non spatiale et atemporelle. Si l’être humain rejoint Dieu, c’est évidemment au-delà de lamort. Cependant la divinité ne saurait être absente de l’Espace Temps. Un Dieu d’origine et de fin, semblable au « démiurge » de Platon ou au « grand architecte » de Voltaire ne nous intéresserait pas. L’une des caractéristiqus de Dieu c’est l’immanence. or, qui dit immanence, dit présence en toutes choses. Mais cette immanence ne saurait êtreséparée de la transcendance qui signifie le contraire (aucune chose n’enferme Dieu) et condamne l’idolâtrie (adorer les choses). L’homme rejoint aussi Dieu dans le quotidien de sa vie, mais dans cet espace-temps-là il ne le « voit » pas.  (Jean-Claude Barreau, op. cit. p. 117)

Ainsi la contemplation n’est pas un moment de la vie humaine, ou le résultat de l’application d’une faculté humaine, elle est la vie-même. Elle atteste autant du fonctionnement de notre intellect, de notre esprit, que de l’acmée de la connaissance qui est d’aimer d’amour.

On constate que les milieux organiques et cognitifs sont bien coextensifs. On constate aussi que la fermeture du système ouvert devient, à ce niveau où la représentation n’existe pas encore, de plus en plus improbable au fur et à mesure que croissent les probabilités d’occurrence et les besoins nouveaux. Pourtant cette fermeture fait l’objet d’une quête permanente, que le développement de la pensée abstraite rend accessible grâce à une extension indéfinie du milieu. Nous savons en effet que la fonction cognitive réside dans le développement d’organes de régulation entre le sujet et le milieu, en ce qui concerne les échanges et le comportement et, en ce sens, elle prolonge l’organisation vitale et en assure l’équilibre, c’est-à-dire le pouvoir d’intégration de plus en plus indépendant de l’expérience, parallèlement à l’extension des possibilités. (…)  Les conservations organiques et préopératoires qui conditionnent la fermeture et l’équilibre d’un système ne sont qu’apparentes, alors que les conservations opératoires sont à la fois rigoureuses et nécessaires.
Autrement dit, la lutte contre l’irréversibilité, le hasard et la délitescence des informations se réalise avec une efficacité de plus en plus grande depuis la phase élémentaire, qui est celle d’une extension horizontale, en passant par celle des régfulations de régulations qui est caractérisée par une superposition verticale des réglages toujours plus fins, jusqu’à atteindre le groupe de quaternalité qui fait transiter l’action rétroactive des feed-backs à l’opération inverse.
Par là s’éclaire l’unité fonctionnelle de la vie sous tous ses aspects, sans omettre le social grâce auquel la phylogenèse se contracte dans la pensée individuelle.
Nous pouvons maintenant aborder la question essentielle, qui est de savoir si les fonctions cognitives constituent un organe spécialisé de la régulation des échanges avec l’extérieur.
Cette question revient à considérer les relations entre la vie et la vérité. Si le vrai n’est pas une copie du réel, il n’est autre chose qu’une organisation du réel.Mais par qui cette organisation est-elle réalisée ? Si c’est par un sujet transcendental, aucune relation intrinsèque n’est concevable entre vie et vérité.
Si, au contraire, on veut bien admettre que la vie est une organisation ouverte qui tend à s’équilibrer et donc à se dépasser, et si, d’autre part, on admet que ces dépassements impliquent une activité proprement cognitive, alors il suffira d’attaquer la vérité du point de vue de sa construction qui est dépassement par reconstructions convergentes, pour parvenir à une réconciliation fondamentale entre vie et vérité, organisme et pensée.  (Jean Piaget selon son présentateur et biographe André Nicolas, op. cit. pp. 190 à 192)

L’illumination de l’intelligence, les connaissances qui en découlent ne font qu’un avec cet événement intérieur, où, précisément, la très sainte Trinité se donne à connaître. La certitude de la réconciliation est, elle aussi, étroitement liée à la vision. On ne peut les en arracher, sans détruire l’expérience elle-même. Car, sans « intelligences » nouvelles et  pénétrantes sur la relation des Personnes et l’essence divines, l’amour, qui s’enflammait de cette connaissance, retomberait faute d’objet. De même, si un doute subsiste à l’égard de la réconciliation, il coupe net l’élan de l’amour,  car il ne reste alors qu’à se tenir à distance. Une différence toutefois : les intelligences portant à l’amour sont au coeur même de la visite divine, tandis que le sentiment de réconciliation est plutôt le corollaire de l’intimité qui s’y manifeste. (Jean Gouvernaire, op. cit. p. 120)

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L’époque actuelle a tendance, en Occident, à privilégier deux enseignements, faisant de la contemplation une étape de perfectionnement intime ou la fin humaine en tant que moment ou état proches du divin. Laissant de côté la science spirituelle chrétienne en tant que telle (Père Jérôme, op. cit.), tentée par les traditions orientales sans les approfondir (René Guénon op. cit.) autrement qu’en parodie d’exercices physiques et mentaux et en sciences de soi vulgarisées à l’américaine (Karlfried Graf Dürkheim op. cit. ainsi qu’Anselm Grün), allant de plus en plus du côté de la thérapie de groupe, l’offre des moyens propres à la contemplation prolifère en littérature, en propositions de stages. La sainteté comme une hygiène, Dieu comme une chose accessible par ingéniosité et ténacité.

Significativement, l’accord possible – et apparemment facile – sur la contemplation infuse, sauf à disputer son objet entre chrétiens et sagesses orientales, ne se fait pas à propos de la contemplation acquise. Dès lors qu’il s’agit de moyens, chacun croit à son école, et ce qui devient scolaire, à temps partiel, à titre onéreux tend, parce qu’on le répute technique et bon marché, à échapper aux dimensions initiales de la vie spirituelle. La perfection et le bonheur en tant qu’enjeu, que défi, que décisive nostalgie de tout l’être dont l’atteinte ou pas réalise ou abîme une personnalité sont oubliés. On est loin – alors – de cette mise en résonnance de tous les savoirs humains identifiant chacun l’activité du mystique en termes d’une royauté très conséquente, qui combine dans l’homme sa vocation, ses capacités intellectuelles, ses composantes affectives, ses pathologies et son auto-régulation pour ériger une figure toujours unique, toujours analogue, fragile et somptueuse, l’image de Dieu. L’homme parvenant en sa vie terrestre à anticiper sa vie et sa réussite en les contemplant, définitivement acquises, en un Dieu dispensateur du salut. Ce qui distingue radicalement la gymnastique spirituelle d’une destinée accomplie.

Ainsi, ma vie a de plus en plus de sens et elle est de plus en plus intense. C’est sans doute le signe d’une vie réussie lorsque arrivé à cinquante, soixante, a fortiori quatre-vingt ans, on pressent que tout ce que nous avons vécu a un sens, et que ce sens progressif nous amène vers l’accomplissement total de notre aventure terrestre. (…) Le sens de la vie humaine est toujours une question de foi, pas seulement de foi religieuse, mais de foi humaine tout simplement. Quand je n’ai plus foi en moi ni en les autres, à ce moment-là je suis comme privé de sens. L’homme est un être que la foi fait vivre. (Dom Amédée Hallier, op. cit. p. 93)

Ainsi commence toute prière chrétienne, quand elle devient peu à peu la prière de Jésus en nous. Mesurant toute la distance qui nous sépare de Dieu et prenant confiance en celui qui nous rejoint jusque dans notre enfer, elle s’élance d’un bond jusqu’au terme. Elle demande que nous aussi nous soyons transfigurés avec lui dans la gloire, devenus en lui une même image du Père, qui réfléchit la lumière que nous en recevons. Qu’en lui nous ayons gloire, vie et connaissance. (Jean Laplace, De la lumière à l’amour, op. cit. p. 226)



Bertrand Fessard de Foucault, diplomate      (Mai.Juin 2002)












Orientation bibliographique 

La Mystique et les mystiques (Desclée de Brouwer . Septembre 1965 . 1123 pages) sous la direction d’André Ravier et préfacé par Henri de Lubac
en sus du classique Dictionnaire de spiritualité (tome II . 2ème partie - pp. 1643 à 2193) présentant une enquête historique de la Bible à nos jours, et une enquête doctrinale synthétisant les écoles carmélitaine, dominicaine, ignatienne, bénédictine et sulpicienne et distinguant – le volume date de 1949-1953 – celles nommément de NNSS Waffelaert et Saudreau



Thérèse d’Avila Œuvres complètes (Desclée de Brouwer . Août 1974 . 1177 pages)
Gaston BachelardL’eau et les rêves (José Corti . Mars 1956 . 265 pages) ;  La terre et les rêveries de la volonté (ibid. Janvier 1958 .  407 pages)
Jean-Claude Barreau, Tous les dieux ne sont pas égaux (Jean-Claude Lattès . Septembre 2001 . 189 pages)
Maurice Bellet – La quatrième hypothèse . Sur l’avenir du christianisme (Desclée de Brouwer . 7 Août 2001 . 143 pages)
Règle de saint Benoît (traduction nouvelle par un moine de Solesmes . 2ème éd. Revue Février 1991 . 121 pages – succédant à la traduction par Dom Guéranger dernière éd. Mame . 4ème trim. 1957 .  119 pages)
Alexis Carrel, notammentLa prière ( Plon . 1944 . 32 pages) – voir notice
Jean-Pierre de Caussade, notamment L’abandon à la providence divine  (Desclée de Brouwer coll. Christus. Juin 1991 . 154 pages)
Jean E. Charon, notammentL’esprit, cet inconnu  (Albin Michel . Janvier 1978 . 255 pages)
Léon Chestov, notamment Athènes et Jérusalem (Flammarion . Février 1967 . 349 pages)
Jean DaniélouPlatonisme & théologie mystique . Doctrine spirituelle de Grégoire de Nysse (Aubier . Décembre 1953 . 326 pages)
Dom Paul DelatteCommentaire sur la règle de saint Benoît (Solesmes . rééd. Février 1985 .591 pages)
Karlfried Graf DürkheimLa voie iniatique ** Le don de la grâce  (éd. du Rocher . Septembre 1997 . 428 pages)
Paul Evdokimov L’orthodoxie (Desckée de Brouwer . Juin 1979 .  351 pages)
Dom Joseph GajardLes plus belles mélodies grégoriennes commentées par  (Solesmes . 1985 . 271 pages)
A.D. Grad – Le véritable cantique de Salomon (éd. du Rocher . 1er trim. 1984 . 407 pages)
René Guénon Orient et Occident  (Guy Trédaniel Editions de la Maisnie . Janvier 1993 . 231 pages)
Augustin Guillerand, notammentFace à Dieu (éd. Benedettine di Priscilla . 1957 . 181 pages) & Au seuil de l’abîme de Dieu . Elévations sur l’évangile de saint Jean (éd. Benedettine di Priscilla . 1961 . 433 pages) éd. Benedettine di Priscilla . 1957 . 433 pages)
Maurice GiulianiL’expérience des Exercices spirituels dans la vie (Desclée de Brouwer coll. Christus . Mai 1990 . 208 pages)
Jean Gouvernaire  Quand Dieu entre à l’improviste (Desclée de Brouwer coll. Christus. Juin 1980 . 166 pages)
A.D. GradLe véritable cantique de Salomon (éd. du Rocher . 1er trim. 1984 . 407 pages)
Père JérômeEcrits monastiques  (Sarment . Mai 2002 . 443 pages)
Joseph Elie KahaleLe soufisme et l’amour divin (Alteredit . Janvier 2002 . 115 pages – solide bibliographie)
Richard Kearney La chute de Samuel (éd. Joëlle Losfeld . Juillet 1997 . 189 pages) & A la recherche de Raphaëlle ( ibidem . Juillet 1998 . 264 pages)
Carl Gustav Jung« Ma vie » (Gallimard . Septembre 1978 . 529 pages)
Pierre-Jean Labarrière, L’existence réconciliée (Desclée de Brouwer  coll. Christus. Septembre 1967 .  206 pages)
Jean Laplace, notamment La liberté dans l’Esprit (Chalet . Janvier 1995 . 233 pages), La vie consacrée (Desclée de Brouwer . Septembre 2000 . 163 pages), Discernement pour temps de crise . l’épître de Jean  (Chalet. Octbre 1978 . 200 pages), De la lumière à l’amour . retraite avec saint Jean  (Desclée . Janvier 1984 . 269 pages), La femme et la vie consacrée (Chalet . 3ème trim. 1965 . 320 pages), La prière, désir et rencontre (Le Centurion . Novembre 1978 . 141 pages)
Robert Le Gall, notamment La saveur des Psaumes (C.LD. Avril 2000 . 267 pages)
Vital LehodeyLe saint abandon (rééd. Juillet 1976 N.D.de Grâce de Bricquebec . 275 pages) voir notice
David Lonsdale Ignace maître spirituel (Desclée de Brouwer coll. Christus. Mars 1991 . 211 pages)
Ignace de Loyola, notamment Exercices spirituels (trad. François Courel s.j. - Desclée de Brouwer coll. Christus . 2ème éd. Février 1963 . 230 pages)  Autobiographie (Seuil . 2ème trim. 1982 . 181 pages) &  Lettres (Desclée de Brouwer coll. Christus. Avril 1959 . 527 pages)  voir notice

Thomas Merton, Direction spirituelle et méditation (Albin Michel . Août 1962 . 133 pages) ;  La paix monastique (ibidem . Octobre 1961 . 137 pages) ; La montée vers la lumière (ibidem . Avril 1963 . 137 pages) ;  Réflexions d’un spectateur coupable (présentation par Lucien Guissard, in La Croix 25 Mai 1970 . Albin Michel . Janvier 1970 . 400 pages )  voir notice
Dom Mocquereau cité par Dom Gajard, op.cit.p. 7 – L’art grégorien, son but, ses procédés, ses caractères (conférence prononcée en 1896 à l’Institut Catholique), citant Taine – Philosophie de l’art en Grèce
André Nicolas - Jean Piaget  (Seghers . Janvier 1976 . 230 pages)    
Daniel Pons, Aux sources de la présence (Albin Michel . espaces libres . Septembre 1991 . 189 pages)
Jean-François Richard Les activités mentales . Comprendre, raisonner, trouver des solutions (Armand Colin . Février 1990 . 435 pages)
Paul Ricoeur – Penser la Bible ( Seuil .  Mai 1998 . 459 pages)
Richard Rolle de Hampole, notice de Michael Sargent in Dictionnaire de spiritualité, tome XIII éd. Beauchesne 1988, pp. 572-590
Dr. Michèle-H. Salamagne & Emmanuel Hirsch – Accompagner jusqu’au bout de la vie (Cerf. Novembre 1992 . 145 pages)   p. 81 (Le devoir de non-indifférence)
Victor de la Vierge, Le mouvement d’abandon (multigraphié . 1960)
Simone Weil, notammentLa pesanteur et la grâce   (Plon . 1948 . 210 page)
Maurice Zundel, notammentRecherche de la personne (Desclée de Brouwer . Janvier 1990 . 285 pages)

voir aussi ici nos notices : Alexis Carrel et les miracles de Lourdes – Dépression et mystique – Autobiographie et phénomènes mystiques





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