mercredi 15 janvier 2014

Noël sans frontière - éditorial de Mgr. Marc Stenger, évêque de Troyes




Il y a quelques jours, la circulation automobile était difficile dans les rues de Troyes à cause de la manifestation des agriculteurs qui revendiquaient la prise en compte de leurs intérêts. Le respect du droit de manifester est un signe de démocratie. La manifestation, même si elle crée quelques embarras pour ceux qui ne sont pas directement concernés par le problème, est un appel pour ceux-ci à ne pas rester étrangers aux problèmes de leurs frères, à prendre conscience que nous sommes dépendants les uns des autres, que la base de la relation sociale c’est une solidarité mutuelle qui nous fait élargir notre horizon les uns aux autres plutôt que de rester confinés à nos seuls intérêts. Bien-sûr il n’est pas toujours facile de faire la différence entre l’expression d’un mal être, d’un mal vivre qui ne peut laisser tranquilles ceux qui en sont les spectateurs quelquefois forcés et les requêtes corporatistes centrées exclusivement sur elles-mêmes et imposées à tous les autres. La solidarité est une invitation permanente et un apprentissage permanent dans notre société qui n’est jamais à l’abri d’une régression individualiste.

UNE CONSCIENCE EN ÉVEIL
Ce qui rendait la situation un peu particulière, le jour de la manifestation, pour un automobiliste en arrêt forcé au milieu d’un embarras d’ engins agricoles, c’est qu’il pouvait, pendant qu’il attendait, entendre à la radio l’évocation des massacres dans les rues de Bangui, en Centrafrique. Cette coïncidence était un rappel, sans doute fortuit, mais non moins important, que la solidarité constitutive du vivre ensemble ne s’arrête pas aux frontières de notre univers et qu’aujourd’hui elle ne saurait être qu’ouverte au-delà de toute frontière. Autrement dit, nous sommes tous concernés, provoqués, y compris les agriculteurs qui manifestent dans nos rues, par la situation tragique que vivent des peuples ailleurs. Ceci ne doit pas nous dissuader de faire appel à la solidarité des autres, mais doit aussi nous aider à ramener nos problèmes à leur juste dimension, à éviter les pièges corporatistes et individualistes qui guettent beaucoup de nos réactions, et à garder toujours une conscience en éveil face aux tragédies qui assombrissent notre univers.

UN ENGAGEMENT VIS-A-VIS DE L’AUTRE
Le message de Noël n’est rien d’autre qu’un appel universel à l’attention à l’autre, à l’accueil de l’autre, au respect de l’autre, à la sympathie pour l’autre, toutes attitudes qui font que l’étranger devient un frère dont je partage les peines et avec qui je construis l’harmonie et la paix. La réponse à cet appel ne se limite pas à une posture bienveillante et fraternelle, elle conduit à un engagement vis-à-vis de l’autre, un engagement qui élargit notre communauté humaine, qui nous rend proches de ce qui arrive à nos frères même lointains. Quand on est dans le bonheur, ce n’est pas facile de sortir de soi et d’avoir pour ceux qui sont en difficulté plus qu’une pensée émue. Quand on est soi-même dans le malheur, ce n’est pas facile de penser à autre chose qu’à son malheur, sinon pour en rendre responsables les autres hommes et même Dieu. Noël, c’est l’évènement voulu par Dieu pour dire aux hommes qu’il s’intéresse à eux, pour les rapprocher de lui et les rapprocher les uns des autres. La présence des bergers d’Israël et des mages d’Orient devant la crèche atteste que le Christ est venu pour tous les hommes sans distinction de race, de langue, de culture, d’âge et de condition. Il se sent concerné par le malheur et le mal de tous, et nous nous invite à l’être à notre tour, en sortant de nos univers étriqués, en passant les frontières de nos replis sur nous-mêmes.

LE CŒUR UNIVERSEL DE DIEU
Noël est la manifestation du cœur universel de Dieu, un cœur universel qui accorde du prix à chacun en particulier. Mais il ne s’agit pas seulement de le dire, il s’agit aussi de passer aux actes. Dieu l’a fait : son Fils est venu dans le monde, « sans revendiquer le rang qui l’égalait à Dieu », il a pris la condition des hommes et est allé jusqu’à mourir pour que tous aient la vie. Noël nous invite à traduire cette attitude à notre mesure. En ce Noël 2013, soyons inventifs de gestes qui font tomber les barrières autour de nous, faisons-nous proches par l’accueil, la main tendue, le cœur ouvert, de ceux dont nous sommes loin non seulement par la géographie, mais aussi par la culture, les idées, la conception de la vie, soyons ensemble des acteurs de fraternité.


+Marc STENGER
Evêque de Troyes

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