jeudi 23 janvier 2014

propos et engagements du cardinal Barbarin, archevêque de Lyon, primat des Gaules




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Mariage gay : un cardinal choque



14/09/2012 à 21:26
Pour Mgr Barbarin, le mariage gay ouvrirait la voie à la polygamie et à l'inceste

Le cardinal Philippe Barbarin, archevêque de Lyon, a mis en garde vendredi contre le mariage homosexuel qui ouvrirait selon lui la voie à la polygamie et à l'inceste, suscitant émotion et incompréhension à gauche

"C'est une rupture de société", a estimé le cardinal à propos du projet de loi devant être présenté le 24 octobre en conseil des ministres, dans une interview diffusée vendredi soir par la radio RCF et la chaîne TLM, et réalisée après une rencontre avec le ministre de l'Intérieur Manuel Valls.

"Après, ça a des quantités de conséquences qui sont innombrables. Après, ils vont vouloir faire des couples à trois ou à quatre. Après, un jour peut-être, l'interdiction de l'inceste tombera", a-t-il ajouté, lors de cet entretien réalisé avec la participation de l'AFP.

"Un mariage, c'est un mot qui veut dire rempart, pour permettre au lieu le plus fragile de la société, c'est-à-dire une femme qui donne la vie à un enfant, que toutes les conditions soient établies pour que ça se passe dans les meilleures possibilités", s'est expliqué celui qui s'était distingué cet été en déclarant au Figaro que le Parlement n'était "pas Dieu le Père".





Manuel Valls, interrogé sur les propos du Primat des Gaules, a estimé qu'il était de "son droit", "peut-être de son devoir", de donner son opinion, jugeant "normale" la confrontation d'idées sur ce sujet.

Il a cependant rappelé la détermination du gouvernement à présenter cette loi. "L'opinion est mûre et favorable à cela, nous parlons là de mariage civil, il s'agit là d'une évolution majeure pour la société, c'est un engagement du président de la République. Personne ne doit se sentir atteint dans sa conviction", a-t-il dit.

"Pour nous, la première page de la Bible (qui dit que le mariage unit un homme à une femme) a un peu plus de force et de vérité qui traversera les cultures et les siècles que les décisions circonstancielles ou passagères d'un Parlement", a insisté le cardinal Barbarin.

"C'est un choix du gouvernement avec lequel nous ne sommes pas d'accord", a-t-il encore dit, assurant en avoir parlé avec Manuel Valls et appelant les autorités à organiser un vaste débat sur le sujet, sur le modèle des consultations sur les lois de bioéthique.

La porte-parole du gouvernement et ministre des Droits des femmes, Najat Vallaud-Belkacem, a expliqué avoir appelé Mgr Barbarin. "Il semble" que ses propos "aient été pour une large part caricaturés", a-t-elle dit, jugeant ces derniers "vraiment surprenants" de la part d'un "homme de dialogue".

"Vouloir ouvrir le mariage aujourd'hui, c'est une question d'égalité des droits, ça n'est pas une volonté de destructurer la famille", a affirmé Mme Vallaud-Belkacem.

Le Parti radical de gauche (PRG) a qualifié d'"égarements" les propos de l'homme d'Eglise et jugé que l'Eglise devait "admettre définitivement que la laïcisation du droit est une évolution irréversible de notre société".

Pour Nicolas Gougain, porte-parole de l'association Inter-LGBT (lesbienne, gay, bi et trans), l'un des trois plus grands collectifs regroupant les homosexuels en France, cette déclaration est "choquante mais on est habitué".
"Mgr Barbarin s'obstine à ignorer que nous sommes dans un Etat laïc et pratique toute une série d'amalgames nauséabonds", a dit M. Gougain qui considère qu'"il n'est pas de bon ton que les autorités religieuses s'immiscent dans un débat politique".







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Jeudi 12 septembre 2013

Message du cardinal Barbarin, primat des Gaules, aux veilleurs

Cardinal_Barbarin.jpg
 
Message pour les jeunes réunis à l’Université d’été « Acteurs d’Avenir »
25-29 août 2013


I – Un regard sur l’année 2012-2013

Au fond de moi, je rends grâce à Dieu car je trouve qu’un grand nombre de catholiques de France, avec leurs défauts et leurs limites, ont vraiment obéi au Seigneur et mis en œuvre la dernière consigne que Jésus nous a laissée avant de quitter cette terre : « Vous allez recevoir une force … vous serez mes témoins » (Ac 1, 8).
Pour être simple, je voudrais résumer ce témoignage en trois points.

1. Le jeûne et la prière

C
’est un appel qui a commencé par la prière universelle du 15 août 2012 et il s‘est répandu dans toute la communauté catholique en France, de mille et une manières. On y entendait vraiment les accents de l’Evangile. Tout cela doit se vivre « dans le secret » (Mt 6, 18), mais il faut aussi savoir se rassembler : « Quand deux ou trois sont réunis en mon nom… » (Mt 18, 20). Lorsque l’enjeu est important et le combat difficile, il faut lier la prière et le jeûne (Mc 9, 29).

2. La réflexion

Nous
avons pris notre part à une réflexion enrichie de l’apport de très nombreux corps de la société : philosophes, pédagogues, politiques, psychologues, juristes, représentants de toutes les religions. C’était une convergence étonnante et extrêmement riche.
Personnellement, j’ai été amené à témoigner devant un groupe de parlementaires, à la mi-octobre, avec des responsables d’autres religions. Et tous étaient étonnés de voir la convergence de regards venant d’origines si différentes.

3. L’action


Et cela a abouti à une action, un engagement où tout n’était pas parfait, certes. Mais St Augustin écrit, dans « La Cité de Dieu » : « Il vaut mieux suivre le bon chemin en boitant que le mauvais d’un pas ferme. » Il y a donc eu des manifestations où les organisateurs étaient d’une étonnante diversité, et s’entendaient plus ou moins bien, mais où tout le monde avait un projet clair. Le 13 janvier, mon voisin, dans les rues de Paris, était le Président du Conseil régional du culte musulman. Il avait voulu monter de Lyon pour marcher avec moi, et je l’ai entendu résumer la situation devant les journalistes qui nous interrogeaient tous deux, en disant : « Je suis totalement en accord avec le cardinal. Il ne faut pas de cette loi pour la France. »

Toutes ces initiatives n’ont pas été reçues. On a fait comme si 700 000 lettres remises au Conseil Economique, Social et Environnemental (CESE) ne comptaient pour rien. On s’est aperçu qu’il y avait eu quelques personnes dans les rues en novembre, janvier, mars et mai, mais voilà, sans plus, et sans commentaire ! On a essayé de dire que c’étaient des actions très violentes mais 100 ou 200 personnes, après un match de football, ont fait beaucoup plus de dégâts à Paris que des vagues successives de plusieurs centaines de milliers de manifestants.

On a brusqué le temps de l’Assemblée nationale. On a permis un vote à main levée au Sénat, comme pour une affaire sans importance – c’est peut-être ce qui m’a le plus blessé et scandalisé. On a fait comprendre aux Parlementaires de la majorité que la liberté de conscience et de vote n’avait pas sa place dans ce débat, et qu’il fallait suivre les consignes du parti. On a prié les membres du Conseil constitutionnel de se décider rapidement …

Tout cela m’a semblé d’une grande violence. En général, on le sait, la violence engendre la violence. Eh bien, non ! Tout est resté dans la paix, et la dimension pacifique du mouvement s’est même approfondie. On a vu apparaître des veilleurs à partir de la mi-avril, et le mouvement s’est répandu dans toute la France, silencieux, impressionnant. Il n’y avait pas de leader et pourtant beaucoup de gens, déterminés. On a voulu impressionner ces jeunes et ces adultes avec les interventions de la police et même l’incarcération assez invraisemblable d’un jeune.

Rien n’y a fait. Le mouvement a continué, il s’est renouvelé jusqu’à la marche qui a lieu dans l’Ouest de la France pour remonter jusqu’à Paris, le 31 août. Les veilleurs veillent !

Pour ma part, à Lyon, j’ai été touché par les « mères veilleuses », qui restaient la nuit entière, dans le quartier Saint Jean, et discutaient avec les passants, les fêtards ou les jeunes. Elles ont rencontré beaucoup de cœurs ouverts, de personnes en attente, étonnées par cette force de conviction. Un homme politique lyonnais m’a expliqué que ce qui l’avait le plus frappé, c’était de voir ces gens debout, silencieux, en train de lire un livre devant le Palais de Justice, au bord de la Saône. C’était un juriste, et la question qu’il se posait était la suivante : « qu’en est-il de la justice, en vérité, dans notre pays ? »


II. Une relecture des évènements à la lumière des Béatitudes

Dans cette seconde partie, je voudrais essayer de mettre ces événements sous la lumière de la Parole de Dieu, sous Son regard. Je le ferai en suivant le texte des Béatitudes. C’est à la fois la porte d’entrée, le résumé et la clef de lecture de tout l’Evangile. C’est surtout un autoportrait de Jésus ; l’homme qu’il nous décrit et qu’il nous souhaite de devenir… n’est autre que Lui. Telle est effectivement l’ambition profonde de chaque chrétien : ressembler le plus possible à Celui dont nous portons le nom depuis notre baptême [1].


« Heureux les pauvres en esprit, car le Royaume des cieux est à eux. »

J’espère que dans toutes ces actions et manifestations, nous avons prié Dieu comme des pauvres en demandant l’amour, la patience et la miséricorde pour témoigner.
Puis la loi sur le mariage a été votée. Beaucoup se sont demandé : « A quoi bon continuer ? » Le pauvre, le vrai pauvre sait qu’il ne comprend pas tout, il voit bien qu’il n’a pas obtenu gain de cause, que ses espoirs semblent s’effondrer, mais il demeure sûr de la victoire de Dieu et de son amour. Je pense à Marie au pied de la croix, une vraie pauvre. Elle voit exactement le contraire de ce que l’Ange lui avait annoncé : « Il sera grand,… Son règne n’aura pas de fin »… (Lc 1, 32-33). Les Apôtres ont disparu, mais elle continue de croire aux paroles qui lui ont été dites de la part du Seigneur (cf. Lc 1, 45).

Je pense aussi à Saint Augustin. L’Empire romain, qui avait servi de cadre à la naissance du christianisme, s’effondre. Beaucoup perdent espoir mais Augustin sait que les civilisations croissent, brillent, puis sombrent dans la décadence avant de renaître autrement. Il fait bien la différence entre la Cité de Dieu et celle des hommes. Il est intéressant de voir d’ailleurs que l’effondrement de l’Empire romain correspond, si l’on peut dire, à l’âge d’or de la sainteté : Ambroise, Hilaire, Chrysostome, les Grégoire, Basile ….

Dans tous ces combats, que le Seigneur nous garde des cœurs de pauvres ! Ah ! les belles mains des chrétiens qui s’avancent pour aller communier comme des mendiants d’amour, de justice, de paix, disant à Dieu : « Un peu d’amour, Seigneur, un peu de foi pour tenir jusqu’à demain ; jusqu’à dimanche prochain. »


« Heureux les doux, car ils hériteront la terre promise »

Pour mener le combat de Dieu au service de l’homme, il faut vraiment une grande force intérieure. Elle seule est capable de désarmer nos violences intérieures et celles des autres.
Que le Seigneur nous permette d’entrevoir « la terre promise », le lieu vers lequel il nous conduit et qui n’est certainement pas une simple victoire politique. Si nous voulons savoir comment continuer à agir maintenant, souvenons-nous des paroles d’Isaïe qu’un chant a gravées dans nos mémoires : « lève les yeux et regarde au loin ; que ton cœur tressaille d’allégresse… »

Est-ce que cela n’a pas été vécu au détriment de l’essentiel de votre vie (votre « terre promise »), à savoir études ou concours, entrée dans la vie professionnelle, approfondissement d’une amitié ou d’un amour ? En effet, pour beaucoup d’entre vous, c’est l’heure des choix fondamentaux, le mariage, la consécration à Dieu… On ne peut pas fuir ou esquiver ces grands rendez-vous. Il faut garder cette exigence présente à l’esprit : avancer de manière résolue, douce et forte vers le grand rendez-vous que Dieu donne à chacune et chacun d’entre vous.


« Heureux les affligés, car ils seront consolés »

Je pense au soir du vote de la loi, le 23 avril ; un lourd silence pesait dans les assemblées des veilleurs. Découragement et désespoir rôdaient peut-être ; ce sont des péchés qu’il faut fuir comme la peste, car ils pourrissent tout. Mais l’affliction et les larmes, nous dit Jésus, peuvent être un chemin de bonheur.
De fait, dans mon cœur, c’était lourd, ce soir-là, mais je garde encore dans la mémoire des perles entendues parmi les veilleurs à côté de l’Hôtel de Ville de Lyon. La consolation, c’est peut-être l’un des mots les plus riches de la Bible, tout proche de la résurrection. En tout cas, c’est l’un des titres de Jésus, « le Messie Consolateur ». Laissons-le faire son travail au fond de nous quand nous traversons une heure sombre.


« Heureux les affamés et assoiffés de justice, car ils seront rassasiés »

« Nous ne lâcherons rien. » Elle est belle, cette ardeur ! On ne peut pas faire dire aux mots le contraire de ce qu’ils signifient.
Dès le mois de janvier, le Conseil permanent des évêques de France avait fait passer un message : nous souhaitons que le gouvernement réponde aux demandes légitimes des personnes homosexuelles en ce qui concerne des questions financières, patrimoniales… tout en conservant le caractère hétérosexuel du mariage.

Il n’est pas possible de modifier le sens d’un mot et d’une institution, comme le mariage qui est un des piliers de la vie humaine et sociale. Il est impensable de laisser s’installer un mensonge d’Etat en laissant croire qu’un enfant peut avoir deux papas ou deux mamans. Dans le message biblique on sent la force de ces mots très proches les uns des autres : justice, fidélité, vérité, sainteté … Tout cela est bien résumé dans chacun de nos Amen. « Tenez fermes », et au jour de Dieu vous serez « rassasiés ».


« Heureux les miséricordieux, car ils obtiendront miséricorde »

La cinquième des neuf Béatitudes est comme le pivot, le cœur – et parfois la grande oubliée ! – du message de Jésus. Combien de fois le Seigneur déclare : « C’est la miséricorde que je veux et non les sacrifices » (Os 6, 6 ; Mat 9, 13).
On se cache, parfois, derrière les paroles ou les pratiques plus ou moins sincères, hypocrites ou formalistes. En fait, soyons clairs, si la miséricorde n’est pas au centre de notre attitude de chrétien, tout est vide, et même pourri ou peut-être violent. La miséricorde, c’est l’amour du Père qui doit atteindre le cœur de tous ses enfants. C’est le fondement même de la mission de Jésus : « En lui j’ai mis tout mon amour », dit le Père (Mt 3, 17 ; Mt 17, 5) et notre mission c’est de tout faire pour que cet amour atteigne son but.

Personnellement, durant ces mois, j’ai eu de nombreux échanges avec des personnes homosexuelles, et j’ai beaucoup appris d’elles. Elles m’ont d’abord éclairé sur ce qu’elles vivent en fait. Plusieurs m’ont partagé leurs souffrances, les réflexions ou réactions blessantes qu’ils ont entendues quand enfin ils ont osé dire ce qu’ils vivaient. A chaque fois que j’avais eu ce genre d’échange dans ma vie de prêtre, j’avais essayé de montrer d’abord l’amour personnel de Dieu pour chacun de ses enfants. Tous, nous devons nous efforcer d’être fidèles à ce que Jésus nous demande, car il connaît mieux que nous le chemin de notre bonheur. Puis nous avons à découvrir notre place dans l’Eglise, qui « a besoin de tout le monde », comme le disait le Pape Benoît XVI.

Ce ne sont pas nos arguments, nos déclarations ou nos manifestations qui vont convaincre ceux qui pensent le contraire de nous. Seule Sa miséricorde en sera capable.


« Heureux les cœurs purs, car ils verront Dieu »

Il n’est pas difficile de voir ce qui, dans notre cœur, est clair et ce qui ne l’est pas, et de demander à Dieu de purifier tout ce qui doit l’être.
Je voudrais insister sur le verbe qui suit : « Heureux les cœurs purs … ils verront Dieu.» Et nous, au juste, qu’avons-nous vu ? Un soulèvement, de grandes manifestations, une génération qui se lève, un peuple que l’on croyait endormi et qui a fait preuve d’une énergie inattendue. Nous avons vu aussi des cœurs fermés, des refus, un peuple méprisé, une loi votée, signée. Oui, très bien. Mais la Béatitude dit des cœurs purs qu’« ils verront Dieu » ; c’est ce complément d’objet direct qui m’intrigue.
Durant tous ces mois, avons-nous vu Dieu à l’œuvre dans le secret des cœurs ? Oui, il y a souvent une grande différence entre ce qui se voit, ce qui se dit et ce que Dieu fait : seuls les cœurs purs s’en rendent compte.


« Heureux les artisans de paix, car ils seront appelés fils de Dieu »

Des conflits, il y en a partout, à l’intérieur de nous-mêmes, dans nos familles, dans les communautés, dans la société ou entre les nations.
La paix, c’est une mission impossible, mais heureusement, le Seigneur nous offre la sienne, le cadeau spirituel dont nous avons besoin pour la mener à bien. On peut dire que c’est l’axe essentiel de la conduite politique d’un chrétien.


« Heureux les persécutés pour la justice, car le Royaume de Dieu est à eux »

La persécution est au cœur de notre existence chrétienne. Jésus l’a dit. Des siècles d’histoire du christianisme l’ont montré plus qu’abondamment. Nous le savons depuis l’origine. Ce n’est pas pour cela que les choses sont faciles à vivre. Je pense que tout le monde en a pris conscience, ces derniers mois, et a cherché comment nous pouvons nous soutenir dans ce genre d’épreuve.
La force de cette dernière Béatitude, c’est qu’elle nous rapproche intensément de Jésus sur la Croix et qu’à l’image de la première, elle donne la totalité du cadeau : « Le Royaume des cieux à eux. » En fait, quand Jésus meurt sur la croix, le monde a le sentiment d’assister à un désastre et pourtant c’est la grande victoire. Les portes du Royaume s’ouvrent !

Il faut prier pour ceux qui nous persécutent, comme Jésus l’a fait lui-même : « Père, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font. » Il n’est pas étonnant que nous soyons désemparés ou dépassés, mais voilà la vérité : le Royaume des cieux s’approche, il nous est offert.


La neuvième Béatitude : « Heureux serez-vous… »

« Heureux serez-vous lorsqu’on vous insultera, qu’on vous persécutera … » Le seul fait de la lire provoque un choc, bien sûr, mais je voudrais attirer l’attention sur le v. 13 qui vient après : « Réjouissez-vous, soyez dans l’allégresse, car votre récompense sera grande dans les cieux. » Avez-vous expérimenté cette joie, cette allégresse dans les moments les plus difficiles du témoignage que vous avez rendu ? Votre récompense sera grande dans les cieux. Quelle est cette récompense ? Y avons-nous seulement pensé ? L’avons-nous imaginée ?

A ma connaissance, Dieu n’a qu’une seule récompense, un seul cadeau à offrir, un seul salaire comme il nous est dit dans la parabole de la 11è heure. Et ce cadeau, c’est son Fils. « Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique » (Jn 3, 16). Ce cadeau, nous le recevons chaque fois que nous allons communier et, grâce à lui, peu à peu nous devenons un peu plus chrétiens, nous devenons aptes à accomplir notre mission.


Conclusion


Pour terminer, je voudrais dire une petite chose sur cet avenir en attirant votre attention sur les deux versets qui suivent les Béatitudes (Mt 5, 13-14) : « Vous êtes le sel de la terre », « Vous êtes la lumière du monde », ont une force particulière pour chacun et chacune de nous, après les événements que nous venons de vivre.

Quand les chrétiens agissent comme de vrais disciples de Jésus, lui « qui a rendu son beau témoignage devant Pilate » (1 Tm 6, 13), ils sont, même s’ils n’en ont pas conscience, un cadeau de Dieu pour le monde, le sel qui donne du goût à la vie, la lumière qui montre comme la création est belle !
C’est peut-être la plus grande joie vécue ces derniers mois. Ce grand mouvement, ce soulèvement a montré un aspect nouveau de notre société. C’est un peu comme si toutes les lumières s’étaient allumées d’un seul coup dans une pièce, dont on ignorait qu’elle contenait tant de merveilles ! On a vu, on a découvert des personnes, des forces cachées, un élan social qu’on ne soupçonnait même pas.

Pour tout cela, je veux vous dire MERCI. « Vous êtes le sel de la terre ; vous êtes la lumière du monde. » Avec vous, j’en rends grâce à Dieu.
Lyon, le 24 août 2013

Cardinal Philippe Barbarin,

Archevêque de Lyon


[1] Il y a huit ou neuf Béatitudes. En conclusion, j’en donnerai même une dixième. Les huit premières sont à la troisième personne du pluriel : « Les pauvres » ,« les doux »,« les affligés », « Ils seront rassasiés », « ils obtiendront miséricorde » …. La neuvième rassemble les huit premières en les faisant passer à la deuxième personne du pluriel : « Heureux serez–vous si l’on vous insulte …, si l’on vous persécute …, soyez dans l’allégresse, votre récompense sera grande dans les cieux ! » Jésus a vraiment le sou


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octobre 2013

Forum dans le journal La Croix du Cardinal Philippe Barbarin, archevêque de Lyon

Cardinal Barbarin
 
Moi, Philippe, prêtre, je ne peux pas « passer mon chemin »!
 
Après une année de mobilisation, on entend ici ou là que le « mariage pour tous » aurait divisé les Français, et les catholiques en particulier. C’est vrai pour une part. Mais ce qui frappe aussi, ce sont les nouvelles convergences qui sont nées, parfois inattendues. Je n’oublierai pas, par exemple, le président du Conseil régional du culte musulman de Rhône-Alpes, répondant à la presse à mes côtés, le 13 janvier 2013 : « Non, il ne faut pas cette loi pour la France ! »Intérieurement, j’entendais : « Que votre oui soit oui ; que votre non soit non ! » Et je me disais : « Il sait dire non, lui, avec douceur et fermeté. »
Des dialogues ont été amorcés et approfondis, ce qui a permis de connaître et de comprendre comme jamais auparavant la situation de personnes homosexuelles. Plusieurs d’entre elles m’ont encouragé à manifester.
Pour de nombreux chrétiens, ce fut l’occasion de mettre en œuvre la dernière consigne de Jésus : « Vous serez mes témoins. » Parmi les témoignages, j’en retiens trois : la pétition de 700 000 signataires « oubliée » par le Conseil économique, social et environnemental, les foules innombrables qui ont envahi les rues de Paris et les places de nos villes de province en 2013, puis l’émergence forte, respectueuse et silencieuse des « veilleurs ».
Chez les « anti-mariage pour tous », on observe toutefois désormais deux groupes qui s’opposent : les « jusqu’auboutistes », capables d’organiser une manifestation nommée « jour de colère » avec l’envie d’en découdre, et les « àquoi-bonistes », qui considèrent que, la grande bataille du mariage étant perdue, il faut passer à autre chose, comme si le vote de la loi invalidait désormais tout débat.
Il s’agit là, à mon avis, de chemins étrangers à ce que nous indique l’Évangile. Le Seigneur ne nous demande pas une obligation de résultats… Nous n’avons pas été envoyés pour gagner, mais pour témoigner, car, au soir de notre vie, nous ne serons pas jugés sur nos victoires, mais sur l’amour, et selon un seul critère, essentiel, celui de notre attitude vis-à-vis des plus petits.
Faut-il continuer à prier, parler, agir et à se manifester ? Oui, et ce au nom même de l’Évangile du jugement dernier que l’on pourrait prolonger ainsi : « J’ai été privé d’un de mes parents dès ma naissance, et vous ne vous êtes pas manifestés ! »
Le changement de civilisation annoncé par Christiane Taubira se joue maintenant, spécialement dans le cadre de la loi « famille ». Elle ne parlera ni de GPA ni de PMA, mais on sait que, chassées par la porte officielle, ces questions rentreront par la fenêtre des amendements. On dit aussi que le gouvernement attend l’avis du Comité consultatif national d’éthique, mais on a pris soin d’écarter des voix discordantes.
Si l’accès à la PMA et à la GPA est ouvert, c’est toute la filiation qui se trouvera bouleversée et désorientée. Pour la première fois verra le jour une génération d’enfants privés intentionnellement de l’un de leurs parents. Qu’on pense simplement aux arbres généalogiques, tels qu’ils sont symbolisés jusqu’à ce jour, et tels qu’ils pourraient l’être demain : « Seules les fleurs artificielles n’ont pas besoin de racines », prévenait le philosophe.
Au fond, ces mesures consacreraient le droit de l’adulte sur le droit de l’enfant, le droit du plus fort sur celui du plus faible… déjà terriblement mis à mal par la loi sur l’avortement, qui se présentait comme une loi d’exception pour répondre à des situations de détresse, et que nous voyons dériver à vive allure depuis quelques décennies. Faudra-t-il supporter une nouvelle fois l’injustice revêtue des habits de la loi ? Chacun d’entre nous peut, aujourd’hui, reconnaître son existence comme le fruit de l’union d’un homme et d’une femme, quels qu’aient été les frasques ou les accidents de la vie de nos ancêtres, de nos parents… Qu’en sera-t-il demain ? Que dirons-nous aux enfants qui nous demanderont comment nous avons laissé faire cela ?
Heureusement, une parole traverse les siècles et les cultures, c’est celle de la conscience, inscrite dans le cœur et l’esprit des hommes. La Parole de Dieu l’éclaire et la rappelle. Il faut remercier tous les veilleurs : ils ne s’endorment pas et nous aident à rester vigilants. Pour les enfants sans naissance, sans parents, sans voix, pour les personnes sans âge, sans avenir, pour les sanspapiers, sans-pays, sans-domicile-fixe… et pour tous les « sans » qui sont nos prochains d’aujourd’hui, la parabole du Bon Samaritain m’interpelle : moi, Philippe, prêtre, je ne peux pas « passer mon chemin » !
Le 2 février, à Lyon, ce sera le sens de ma présence à la « manif pour tous »

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