samedi 22 mars 2014

une mise en garde que je crois justifier - mais je n'ai encore rien lu de cette collection - Cherub



Comité de lecture du Guide                                                                                       Février 2014
"LIRE, C'EST ELIRE"
édité par l'AFC de Versailles


                                                           
            A propos de la série Cherub dont le succès dans tous les milieux, même les plus privilégiés, est inquiétant.
D'autant plus que la seconde série, Henderson's boys, du même auteur et malheureusement du même goût, est promue par…les Editions du Triomphe (voir l'appendice).

           
            Depuis de nombreuses années, avec une petite dizaine de personnes, membres du comité de lecture de l'AFC de Versailles, nous avons consacré nos efforts à chercher et à découvrir avec joie de bons romans pour enfants et adolescents, enrichissants ou tout simplement distrayants. Jusqu'ici, pour différentes raisons, nous n'avions jamais mis l'accent sur les livres contestables, voire détestables. Le fait que la série Cherub ait pu être recommandée sans la moindre réserve  par le journal La Croix et son effarant succès parmi les collégiens (parfois même dès le CM1 !) et les plus "protégés" (fréquentant aussi bien les écoles catholiques sous contrat que hors contrat !) nous obligent à tirer la sonnette d'alarme.

            Notre présentation de la série s'étend sur six pages. Six pages à lire, c'est beaucoup mais ce n'est pas cher payer la dette que nous avons à l'égard de tous ces jeunes (parmi lesquels peut-être vos propres enfants) qui,  pour certains, en ont lu des milliers (16 volumes parus !) où se trouvent avec une densité et une intensité effrayantes violence, grossièreté, style gore, promotion du vagabondage sexuel, de l'homosexualité, déconstruction du genre, mépris de la vieillesse, défiguration de la famille et, plus fondamentalement, de l'être humain…
            Nous avons lu juste assez de la série suivante, Henderson's boys,  pour affirmer qu'elle ne vaut pas mieux !


Il faut prendre conscience

1) que l'influence d'un roman agit de façon bien particulière et qu'il n'est pas sans conséquence de laisser un enfant ou un adolescent lire n'importe quoi

1) qu'on trouve à part égale des bons et des mauvais livres partout :  dans les librairies, dans les bibliothèques, chez les éditeurs (comme le montrent  même  les éd.  du Triomphe !)

3) qu' on ne peut se fier ni aux critiques d'un journal quel qu'il soit ( La Croix nous en donne un bel exemple), ni à la réputation d'une maison d'édition


            On ne doit proposer aux jeunes lecteurs que des livres qui ont été auparavant entièrement et soigneusement lus par soi-même ou par des personnes de confiance.
                       



                                                                                                                            (Analyse ci-dessous)

L'article de La Croix (du 27-11-2013) intitulé "Les héros font salon à Montreuil" veut "rendre hommage à ces personnages de l'enfance qui aident à se construire "…


CHERUB  (16 volumes chez Casterman)



            Ecrite par un ancien détective britannique, Robert Muchamore, et composée de 16 titres parus en France entre Juillet 2007 et Janvier 2014, cette série met en scène de jeunes orphelins de 10 à 17 ans recrutés sur des critères physiques et intellectuels, pour intégrer l'ultra secrète société d'espionnage chargée de démanteler des réseaux de drogue, empêcher des actions terroristes et autres missions des plus dangereuses et des plus honorables. Les jeunes, très nombreux, sont entraînés dans une sorte de pensionnat ignoré de tous, et alternativement envoyés en mission aux quatre coins du monde.  La couleur de leurs tee-shirts évoque le niveau de leurs performances. On peut s'attendre à un bon roman d'aventure avec beaucoup de suspense à la clé agrémenté de liens d'amitié, les plus jeunes faisant équipe avec les plus âgés.
            Certes, l'aventure est au rendez-vous, le suspense permanent, et la question des relations entre jeunes omniprésente. Mais tout cela à la sauce "dégueu"… Au point même, qu'après avoir lu et scruté à la loupe deux volumes pour le besoin de la cause, tout simplement nous calons… Nos  propos ne concerneront donc que les volumes 2 et 4 de la série, choisis au hasard. Les exemples sont tirés principalement du volume 2, Trafic, pour de simples raisons de facilité. Le volume 4 est de toute façon encore plus "trash"…
           
             En ce qui concerne l'aventure, le lecteur est servi : réalisme et violence sont au rendez-vous. Après tout, c'est la loi du genre. Mais doit-on laisser  l'enfant s'habituer à éprouver une complaisance malsaine faite de répulsion autant que d'attrait pour cette brutalité récurrente et par moments presque jouissive ? Coups de poings, de couteaux, de pelle, de fusils, membres tordus et brisés (avec bruit à l'appui), corps dégoulinants de sang. James, 13 ans, est un peu choqué d' "avoir tué un être humain", mais un peu seulement. Il faut dire que l'entraînement est sérieux au camp :

 "Leur but, c'est de te placer dans des situations tellement horribles que toutes les galères que tu rencontreras pendant les missions te paraîtront insignifiantes" (Trafic, p.116)
 "[L'entraîneur]" raconte une fillette de 10 ans "a commencé à nous gueuler dessus. Bande de minables ! Vous n'avez pas les tripes pour devenir des agents. Vous n'êtes même pas dignes de bouffer votre merde. Il nous a filé des pelles et nous a donné l'ordre de creuser notre propre tombe." C'était un numéro bien connu du répertoire de Monsieur Large. " (Trafic, p.200)

            Et puisqu'il est question de merde, restons-y, car elle fait partie intégrante du récit. A l'état brut de merde, comme ci-dessus, ou de merde de chien, dans laquelle on s'enfonce le bras sans faire attention, à moins qu'on n'en mette volontairement sur une poignée de portière de voiture (pour déstabiliser celui qui voudra la prendre). On la trouve aussi dans les eaux usées que de nombreuses circonstances obligent à traverser (pour gagner une course par exemple) ou à nettoyer (comme punition). On la trouve dans les toilettes dont il est incroyablement souvent question, comme de l'urine et des vessies prêtes à exploser. On la trouve dans les odeurs "fétides", "nauséabondes", "immondes" dégagées par le vomis, les chaussettes sales (c'est un leit-motiv…) ou les ordures. On la trouve dans la boue qui couvre les enfants de façon incessante. On la trouve dans les pizzas mangées à pleine main qui dégoulinent sur les tee-shirts, dans la bière qu'on se déverse sur soi, dans les rots émis avec fracas, dans le spectacle désolant d'appartements où la vaisselle sale s'amoncelle. Le lecteur est incessamment invité à s'exclamer grassement : " Ah ! Dégueu !". L'immersion, totale, en devient oppressante.  Presque au hasard, voici deux extraits :

"Pour l'heure, ses ampoules aux pieds avaient éclaté et ses chaussettes étaient tachées de sang. […]. Son coude ressemblait vaguement à un morceau de steak haché et sa jambe empestait la crotte de chien.
- Putain de bordel de merde ! hurla-t-il en jetant l'une de ses baskets contre le mur." Trafic, p.26

 " Il flottait [au collège] une odeur écoeurante d'urine et de cire d'abeille. Les rideaux et les murs étaient constellés de chewing-gums séchés. […] Un aquarium, où flottaient des poissons morts […]  décorait le hall d'entrée. […] Un des élèves commença à se gratter frénétiquement le dessus de la main. Une pluie de peaux mortes s'abattit sur la table.
 - Je fais de l'eczéma, expliqua-t-il. L'été, quand je transpire, c'est encore pire." Trafic, p.68-70 

            Les distractions que s'octroient nos "héros" sont à l'image du reste : les séries télévisées comme Friends et les films de préférence gore les retiennent des heures entières affalés devant la télé qui, toutefois, cède aisément le pas aux sorties en boîte et dans les bars où l'alcool coule à flot et où l'on peut s'essayer à la drogue. Ainsi les voit-on complètement soûls ou drogués tour à tour, malgré le règlement qui ne gêne personne.
           
            Tout ce que nous avons évoqué jusqu'ici ne permet pas de comprendre l'engouement de nos jeunes lecteurs pour cette série.
            C'est qu'au-delà du suspense lié aux missions d'espionnage, il en est un autre, savamment ménagé par l'auteur, et sans doute pas très avouable : absent de toutes les quatrièmes de couverture, indécelable sur les sites officiels de Chérub, à peine évoqué dans les résumés, il n'apparaît pas dans la présentation très favorable qu'en fait le journal La Croix, et probablement les enfants ne sont-ils pas plus bavards sur ce sujet quand ils parlent de leurs lectures avec leurs parents… Ce qui tient en haleine autant, et même  plus que la victoire sur les trafiquants de drogue, ce sont ces questions fébriles  que se pose le lecteur transformé en voyeur : qui avec qui ? Pour combien de temps ? A quel degré d'intimité ? Avec quels gestes ?
            Il convient de préciser que le monde de Cherub évolue au fil des années tout au long de ces 16 volumes, de sorte que le personnage principal, James, âgé de 12 ans au début du premier volume en aura probablement 17 à la fin, âge de la réintégration obligatoire dans la société. Gravitent autour de lui quelques familiers que l'on retrouvera tout au long de la série, et de façon plus épisodique, selon les volumes, des personnages plus âgés ou plus jeunes avec qui il partagera des missions. Ces malheureux sans famille ont assez connu la galère avant d'être recrutés par Cherub pour que l'on admette facilement qu'ils ne sont pas des enfants de chœur. Enfin, ces missions consistant souvent à approcher des gangsters bien installés dans leurs trafics, James et ses amis sont chargés de se lier d'amitié avec leurs enfants,  voyous plutôt sympathiques, mais vraiment voyous…
            Imbriquées donc dans l'aventure policière se trouvent les aventures "amicales" et surtout "sentimentales", si du moins on peut les caractériser ainsi. Ces aventures intrigantes
dans tous les sens du terme, pleines de rebondissements et d'effets-chocs titillent le lecteur sans jamais le laisser tranquille trop longtemps… Certains effets chocs relèvent du roman de gare : James, dont on sait depuis le début qu'"il en pince pour Kerry" ne résiste pas aux charmes de Suzan (malheureusement déjà "prise"), ni de Nicole, ni d'April. Tout cela dans ce seul deuxième volume.  Kerry arrive juste quand James embrasse l'une d'elles. Ah la la ! Comment va-t-elle réagir ? Ce genre de questions court tout au long du roman…tout au long de la série ! Avec une progression dans le degré d'intimité lié à l'âge de nos protagonistes. Ainsi avons-nous découvert en feuilletant à la va-vite le volume 9 que James avait renoncé à sa virginité la veille de ses 15 ans (avec une autre que Kerry) et, dans ce même volume Kerry, plus "amoureuse" que jamais se propose "d'aller jusqu'au bout". Voilà pour l'histoire principale, à quoi s'ajoutent les innombrables histoires secondaires vécues par l'entourage de James. On n'en sort pas !
Pour compléter le tableau, le meilleur ami de James, Kyle, 14 ans, avoue son homosexualité que le lecteur est fortement incité à trouver naturelle. Voici la conversation entre James et ses amies :

"-Tu aurais au moins pu t'en douter, fit remarquer Kerry.
- Et pourquoi ?
- Non mais, tu as vu comment il se fringue ? Tu n'as pas remarqué que c'était pratiquement le seul mec du campus dont la porte de casier n'est pas recouverte de photos de nanas en petite tenue ? Qu'il ne s'approche jamais d'une fille à moins de cinq kilomètres ? Franchement, il te faut quoi ? Qu'il porte carrément un T-shirt Gay Pride ?
- Mais je suis dans la même chambre que lui. Il me voit à poil tous les jours.
- Et alors ? Moi aussi, je t'ai vu tout nu.
- Mais il est gay, bon sang.
- Ah, tu penses que tu lui plais, c'est ça ? Mon pauvre, je ne voudrais pas te décevoir.
-Maintenant que j'y pense, ricana Nicole, il me semble bien l'avoir vu te mater les fesses amoureusement.
- Oh, tais-toi, par pitié, supplia James. C'est pas drôle, c'est dégoûtant.
- Tu penses qu'être gay est dégoûtant ? demanda Kerry. Je croyais que Kyle était ton ami.
- C'est mon ami, mais cette histoire me met super mal à l'aise. […]
- J'ai entendu dire qu'une personne sur dix était gay […]. C'est plus fréquent qu'on ne le croit. Quand on y pense, chaque équipe de foot a au moins un joueur gay. […] Kyle est ton ami, et tu devrais le soutenir. Si tu lui dis quoi que ce soit de blessant, je te promets que je te ferai passer un sale quart d'heure" (Trafic, p. 100-102)

Après quoi le lecteur suit l'évolution de ses aventures comme pour les autres protagonistes de la série, comme le montrent ces deux passages trouvés au hasard dans le volume 6, Sang pour sang :

[James découvrant une chaussette de Kyle dans son lit, s'écrie :]
"- Ne me dis pas que vous avez utilisé mon matelas pour faire…tu sais…des trucs gay ?
- Et où tu voulais qu'on s'assoie, dans ce placard ?
- Vous pouviez aller sur ton lit, dit James."   (Sang, pour sang, p. ?)

"- Ca a l'air de rouler entre Tom et toi, dit Lauren en se tournant vers Kyle. Il te plaît vraiment ou c'est juste pour la mission ?
- A ton avis ?
- Ben, il est super mignon. Et tout le monde dit qu'il est largement temps que tu te trouves un petit copain.
- Comment ça, tout le monde ? demanda Kyle en versant une cuillerée de café soluble."  (Sang pour sang, p.?)


            Mais, bien sûr, il reste encore à insister sur la manière dont sont évoquées toutes ces relations : comme vous avez déjà pu le constater, l'auteur ne donne pas dans la poésie… Sortir avec Kerry devient "lui fourrer la langue dans la bouche", on drague une fille parce qu'elle a de gros seins, qu'elle est bien foutue, on lui passe d'abord la main dans le dos, puis victoire quand on arrive jusque dans la culotte.

"- Tu peux me dire pourquoi tu sembles d'aussi bonne humeur ?
 - Nicole, mon pote. Je lui ai mis les mains partout. Tu ne m'en veux pas, hein ? Je sais bien que c'est ta sœur, mais…" (Trafic, p. 176 )

" Ils s'embrassèrent longuement, puis leur étreinte prit une tournure plus torride. James essaya de glisser une main dans le short d'Hannah"( Chute libre, p.152. )

" - Salut tombeur […] Alors, comment s'est passée ta folle nuit d'amour ?
  James ouvrit la porte du réfrigérateur et engloutit un demi-litre de lait au goulot.
 - Pas mal. elle m'a laissé passer la main sous son T-shirt.
 - Super, lança Dave sur un ton ironique. " ( Chute libre, p. 183)

C'est que Dave a plusieurs longueurs d'avance.  Sa petite amie (qu'il connaît depuis deux jours) est surprise par James "nue comme un ver" dans la cuisine :
"- Arrête de mater, espèce de sale pervers, gronda-t-elle, furieuse. […]
 - Qu'est-ce que vous foutiez à poil dans la cuisine, tous les deux ? s'étonna James. Oh, je vois… Je jure que je ne mangerai plus jamais sur cette table !"  (Chute libre, p.130)

C'est ainsi qu'on inflige incessamment au jeune lecteur des images et des propos si brutalement dénués de sentiment, de douceur et de beauté que cela seul donne des nausées…

            Au fond, tous ces jeunes vivent au gré de leur instinct et de leurs envies, de sorte que même leurs relations d'amitié sont plus que douteuses… Kyle veut bien venir en aide à James qui vomit littéralement ses devoirs, moyennant finances toutefois ! C'est son meilleur ami… Ils se mentent très régulièrement, les filles se piquent leurs copains etc. Tous s'entendent  pour sécher les cours, boire, draguer. Certes, parmi eux, James fait preuve de quelques scrupules : il admet difficilement l'homosexualité de son ami, il trompe souvent Kerry mais non sans léger remord, finira par rendre  ce qu'il aura volé dans un magasin, est un peu désolé de tuer. C'est bien ce qui permet au lecteur de le trouver sympathique et de s'identifier à lui, mais aussi de se laisser désarmer. Car enfin, James obéit surtout à son instinct, son jugement moral se limitant à cette maxime : pas vu, pas fautif… C'est d'ailleurs la loi générale qui règne à Chérub. Si ça et là jaillissent quelques infimes étincelles d'émotion
(le mot est un peu fort), tout est dominé par l'instinct le plus basique, pour tout dire : animal.
           
            Il y aurait encore tant et tant à dire  !
Les filles, toutes véritables garçons manqués, sont bien supérieures à leurs amis par leur détermination, leur esprit d'initiative (y compris dans le domaine sentimental) et même leur force. Leur comportement, leur habillement, leur langage, tout participe  à la déconstruction du genre qu'il ne faut pas seulement chasser derrière quelques titres heureusement évocateurs !
 La vieillesse, elle, est systématiquement dénigrée dans le monde de Cherub. Jugez-en vous-même par cet extrait en sachant qu'il y en a bien d'autres :
 
Les enfants s'approchent d'un vieillard qui leur avait demandé de se taire au cinéma en lui adressant des excuses :
"- […] Veuillez accepter ceci en signe de notre considération.
Nicole laissa échapper un petit rire aigu puis elle versa le contenu du gobelet sur le pull de l'homme. Pétrifié, ce dernier regarda le liquide poisseux dégouliner jusqu'à son pantalon.
- Bien fait pour ta gueule, espèce de balance ! lâcha la jeune fille.
James était sous le choc. […]
- Vous êtes débiles ou quoi ? cria-t-il. Pourquoi vous avez fait ça, bordel ? C'était un vieux type. Il aurait pu faire une attaque.[…]
 - Je vais te dire, cria Nicole, le visage déformé par la haine. J'espère bien qu'il a fait une attaque.
- T'es trop cool, dit April.
- Je supporte pas les vieux, cracha la jeune fille.
- Tu seras vieille un jour, comme nous tous, fit remarquer James.
- Pas question, dit Nicole. Vivre vite et mourir jeune, c'est ma devise.
- Bon, on va bouffer quelque part ? demanda Junior. Je crève la dalle." (Trafic, p.160-162)

 Les bébés y sont toujours des accidents, même dans la seule famille qui rappelle un peu qu'il peut y avoir une certaine douceur de vivre (responsable de l'ensemble des enfants). Nous pourrions développer encore. Mais est-ce bien nécessaire ?


          CHERUB est d'abord l'acronyme de Charles Henderson's Espionage Research United B. Il est aussi le diminutif du mot chérubin comme le confirme le logo de la série représentant un angelot joufflu. Certes. Mais ce mot "cherub", inusité aujourd'hui, désigne aussi "un être fantastique, mi-homme mi-animal dans la mythologie assyrienne"…  Oui, rentrer dans l'univers de Cherub, c'est découvrir un monde où ceux qui devraient par leur jeune innocence ressembler à des anges se comportent bien davantage comme des animaux, obéissant avant tout à leur instinct et satisfaisant essentiellement leurs besoins physiques :  soulagement des vessies, remplissage des estomacs, pelotage de corps lorsqu'ils sont à portée de mains. (Le fait que l'attention du lecteur soit systématiquement et incessamment fixée sur leur corps, jamais sur leur visage, n'est sûrement pas neutre). Ainsi nos enfants se familiarisent-ils avec une humanité qui n'en a plus que les apparences, une humanité qui ignore sa dignité, presque innocemment monstrueuse…



       En prime, quelques passages  "borderline":

Que penser des termes par lesquels l'entraîneur, dont on sait la violence perverse, s'adresse aux enfants de Cherub dans Chute libre : "bande de larves"(p.24),  mais aussi "mon petit ange"(p. 28),  "mes petits chatons"(p.38), "mes petits sucres d'orge"(p.25) ?

"-Laisse tomber, Lauren. Tu réalises qu'on aurait pu glander au lit une demi-heure de plus ?
Lauren saisit l'un des tétons de James et le tordit violemment. Ce dernier se jeta sur le lit en hurlant de douleur.
- Pourquoi tu as fait ça, bordel ?
- Fous-moi une baffe, je t'ai dit !
- Très bien. Tu l'auras voulu. J'espère que ça te remettra les idées en place"
(Trafic, p. 206)
Lauren est la demi-sœur de James…

"[Après avoir regardé plusieurs films gore chez son ami Junior] James alla chercher sa couette et ses oreillers pendant que Junior dépliait le canapé. Ils éteignirent la lumière et parlèrent de tout et de rien dans l'obscurité. C'est quoi, ta voiture préférée ? Dans quel pays tu aimerais vivre plus tard ?
- Tu embrasserais les fesses d'un chien pour un million de livres ? demanda Junior.
James réfléchit quelques secondes.
- Oui.
Junior se tordit de rire.
- T'es vraiment un porc. […] " (Trafic, p. 232-233)

Et voilà de quoi se nourrissent les enfants qui devraient être à mille lieues de cet univers où tout est perverti au point même que la perversion est la norme, comme s'il n'y avait pas d'autre façon possible d'envisager la vie. Un univers d'où est chassée absolument toute grâce (qu'elle soit beauté, douceur, grandeur, vérité) jusqu'à faire douter qu'elle puisse exister…
Pour les adultes que nous sommes, avec cette chance inouïe d'être pleinement convaincus de notre dignité humaine,  la série Cherub illustre  a contrario cette béatitude, tandis  qu'elle contribue dramatiquement à la rendre  inaccessible à trop de jeunes, y compris dans nos milieux catholiques :
            Bienheureux les cœurs purs : ils verront Dieu !




"Je suis le rythme. Je suis cette cadence mystérieuse, éparse dans la nature. Je suis dans le module et le galbe de la colonne antique, dans l'ordonnance mystérieuse du Temple de l'Acropole ; et ce n'est pas seulement la grâce humaine qui est cristallisée dans le pentélique, c'est un rayon de Moi-même. Je suis dans la beauté des Florentins, dans le rythme vibrant et troublant de Botticelli ; il n'a pas su d'où venait la beauté, il l'a identifiée à la créature, mais il a senti la beauté. Le péché, le péché énorme, c'est de ne pas sentir la beauté et de dire : "cela est vanité". Stupide créature, stupide, stupide, va adorer ce petit tas de boue que tu es, roule-toi dedans. "  (Mère Geneviève Gallois, Réalité unique et éternelle)

Note sur les 70 premières pages du Tome 2 de Henderson's boys : Le Jour de l'Aigle.              
                     (Recommandé et vendu par les Editions du Triomphe !!)

            Port de Bordeaux : des soldats ivres urinent sur les lampadaires, des tonnes de viande et de légumes grouillent d'asticots, odeur écoeurante des bananes pourries, l'un des héros évite de justesse un monticule de crotte humaine (sic).
Pendant ce temps, Rosie, 13 ans, dont le bateau vient de faire naufrage, coulé par les bombardiers allemands alors qu'il faisait route vers l'Angleterre, Rosie donc, est tirée sur la rive par un jeune garçon de 15 ans, PT. Elle est inquiète pour son frère Paul, 11 ans, qui était également sur le bateau. Des gens du coin servent aux naufragés un café. "PT était accroupi près d'elle et leurs corps se touchaient... Dans ces circonstances tragiques, Rosie savourait cette curieuse intimité, même s'ils se connaissaient à peine".
Là-dessus, intervention d'un prêtre "visiblement bien nourri" ! qui établit des listes des rescapés. PT lui répond d'un ton agressif. "Les hommes d'Eglise s'attendaient à de la déférence et Rosie était à la fois choquée et impressionnée par le manque de respect de son compagnon".
            Rosie part de l'autre côté du port à la recherche de son frère. Elle "se tourna vers PT ; elle ne connaissait pas la nature exacte de leur relation, mais elle ne voulait pas se retrouver seule". .... Elle croise une femme enceinte gémissant effroyablement, "du sang coulait sur ses cuisses". Le médecin du coin : "Les plaies et les fractures, c'est mon domaine. Mais les problèmes de femme, j'y connais rien".
            Rosie retrouve son frère, blessé. Forcément elle va faire un tour aux toilettes. Pour clore le chapitre 2, PT embrasse Rosie sur la bouche.
            Chapitre 3 à 5 : on apprend que PT vient de New-York  qu'il a fui après avoir participé avec son père et ses deux petits frères au cambriolage d'une banque au cours duquel un des petits frères et le père tuent chacun un policier. "Papa nous a toujours dit qu'on doit tirer d'abord et poser les questions après", bredouille l'enfant. Léon donna une petite tape dans le dos de son frère : "Tu as fait exactement ce qu'il fallait..."
            Cinq premiers chapitres (32 en tout) : tout est moche, sale, puant, violent, on hurle, on grogne. C'est fatigant et désespérant. Aucun vrai  ni beau sentiment. Sous-feuilleton américain, culture McDo.
            Cerise sur le gâteau chapitre 6 : Rosie surprend parfois Marc, un orphelin qui accompagne le héros, Henderson, "en train de reluquer sa poitrine..." Mais ça, ce n'est rien. Page 77, les gamins regardent en douce par la porte :  "Maxine (la secrétaire du consul) était étendue sur une chaise longue... vêtue uniquement d'une paire de bas noirs. Henderson lui massait les pieds... "Je parie qu'il va la féconder, chuchota Marc en ricanant... Henderson déboutonne sa chemise. Le plus jeune des enfants demande ce que veut dire féconder. Marc lui donne l'exemple de la vache et du taureau "Son truc grandit jusqu'à ce qu'il mesure 30 cm et il le rentre directement dans la vache." PT ricane... "Quel vieux cochon, dit Rosie outrée. Quand je pense qu'il a une femme en Angleterre".

Arrêtons là et terminons par le plus hallucinant : la présentation du roman par les éditions du Triomphe :
"Excellent suspense, chronologie des faits historiques respectée, les adolescents adoreront ce roman d'espionnage au style cinématographique." 14 ans
Et la présentation générique de la série : Entre Langelot et Mission impossible, des aventures rudes et menées tambour battant par des "âmes bien nées" pour qui "la valeur n'attend pas le nombre des années" (Corneille, Le Cid).  !!!  

1 commentaire:

Nathalie a dit…

Merci beaucoup pour ce résumé, j'y étais intéressée pour mon neveu mais je vois que le langage n'est pas châtié et ne sert pas forcément le récit. Vous m'avez fait gagner un temps précieux! Merci encore!