jeudi 20 novembre 2014

tu n’as pas reconnu le moment où Dieu te visitait - textes du jour

Jeudi 20 Novembre 2014


 05 heures 57 + Hier soir, expérience chronique de ma fatigue. Ce que je note ci-dessus à 21 heures 28 n’aura été noté que ce matin. La journée entière m’a échappé. Matinée à pousser la Lancia vers le garage, et après-midi en deux simples temps : tandis que notre trésor est à ses cours de danse, notre circuit avec Edith dans Vannes, anniversaire (une énième poupée, mais ma chère femme pense à tout avec beaucoup d’amour), Emmaüs et la « responsable » glaçante. Puis notre réunion de partage d’évangile, expérience me marquant dans un sens qui s’approfondit chaque fois : le psychologique dans l’échange sur le spirituel. Production ? rien que ce projet de note pour HLG, de contenu d’ailleurs débilitant, la Mauritanie sous le boisseau d’une dictature que soutient la France pour être soutenue dans ses entreprises de soutien au Sahel, cas typique, Déby le sanguinaire, putschiste lui aussi, au Tchad. Relation qui change avec Marguerite. La distance qu’elle veut, je l’agace. Je ne m’en inquiète pas, mais je dois certainement avoir un comportement plus exemplaire, plus attentif, surtout moins encombrant, qu’elle soit fière de moi, que je ne sois pas gênant.
Prier… « la nuit privée d’étoiles », ce qui me fit entrer en compagnonnage pendant des années avec Thomas Merton, depuis la lecture de ce livre en « lecture spirituelle » du matin, première demi-heure au collège de huit heures à huit heures et demi, avant les trois quarts d’étude, puis notre passage de la salle de « division » à la salle de classe proprement dite. Epoque où la pédagogie n’avait aucune prétention explicite, ne parlait pas d’elle-même, mais existait. Ces nuits sans lune, cette humidité nocturne sans pluie, cette vie en silence, la vie du silence. J’ouvre la terrasse pour l’entendre et la ressentir.
Image mystérieuse de ce Livre en forme de rouleau, écrit à l’intérieur et à l’extérieur, scellé de sept sceaux. Le film de Bergman, mais très sensible et parlante, la détresse du voyant : et moi, je pleurais beaucoup, parce que personne n’avait été trouvé digne d’ouvrir le livre et d’en regarde le texte. [1] Que disent les Pères de l’Eglise sur l’apocalypse de Jean, et sur ce passage en particulier. L’Islam, souvent ressenti par ceux des chrétiens qui ne l’aiment pas comme une compilation mal digérée de la Bible,reprend-il dans son Coran cette apocalypse ? des études qui prendraient la vie entière. La détresse du Christ, lui-même, devant Jérusalem parce qu’Il la voit ce qu’elle est et ce qu’elle encourt : en voyant la ville, il pleura sur elle… tu n’as pas reconnu le moment où Dieu te visitait. Le choix du bonheur, le choix de la vie et notre aveuglement, mon aveuglement par mes propres projets obstinément poursuivis et qu’obstinément me refusent ou m’empêchent d’atteindre les circonstances, ou ce que je prends pour les circonstances. Alors que ma physiologie, mon inorganisation sont mon propre empêchaient à désespérer de moi-même et à faire désespérer les autres de moi. Si toi asusi, tu avais reconnu en ce jour ce qui peut te donner la paix ! Mais hélas, cela est resté caché à tes yeux. Comment reconnaître ce salut ? le salut ? et s’y adonner, le recevoir, le vivre ? Il y faut quelqu’un d’autre, le Sauveur : ne pleure pas. Voilà qu’il a remporté la victoire, le lion de la tribu de Juda, le descendant de David : il ouvrira le Livre aux sept sceaux. Il faudrait aller plus loin dans le texte que ce qui est proposé aujourd’hui. La suite de la vision, deux chapitres… à chaque sceau brisé, un cri : Viens ! jusqu’à ce que soit constituée la multitude des élus et que se termine l’histoire, enfin aboutie, tandis que le voyant avale le petit livre ouvert dans la main de l’Ange debout sur la mer et sur la terre [2] et que sa mission est précisée. Le regard de ce matin vers ce Christ-Roi concluant les temps, la création et chacune de nos vies. Icône sévère ? ou « mystère joyeux » ? Invitation à la simple prière, en ce jour ce qui peut te donner la paix !
Partager ce que je reçois et ce que je ressens, bien davantage que le poids ce que je suis, mais respecter d’abord le chemin des autres, et ce qu’ils reçoivent de leur côté. Ces intimités que nous sommes chacun pour nous-mêmes, les communiquer ? les partager ? pas comme je crois, sans doute. La leçon de l’Apocalypse est bien que le salut et la vie, la rédemption et l’histoire ne sont pas d’abord individuels et que la communication, le partage par excellence sont communion et réunion dans un même appel, dans la réception d’un même appel, d’un salut nous englobant tous. Le partage est mutuelle présence de l’ensemble du vivant.

Hier
21 heures 28 + Réunion mensuelle au presbytère de notre village, les quelques dix que nous sommes réunis autour de ce prêtre sobre, se livrant malgré lui, et qui paraît exercer à l’ancienne son ministère mais qui à l’évidence livre une bataille incessante et priante, étant à lui-même sa propre ouaille. Distribution de textes que je devrais désormais lire, ce que disent les Pères de l’Eglise et autres docteurs sur le passage – celui proposé par l’Eglise au dimanche qui vient, en l’espèce aujourd’hui pour dimanche, le Christ-Roi – et que nous partageons. Chaque fois, l’expérience du texte directe et de nos divagations sur ce que notre époque reçoit et vit, non comme foi, mais comme psychologie contemporaine de la foi. La parabole des brebis et des chèvres ou boucs. Une séparation de deux populations et un dénouement manichéen, la séparation d’abord, l’étonnement général, puis la destinée. [3]L’éternité aux deux faces. La vie et le châtiment, il n’est pas question de mort. Le châtiment est l’antithèse de la vie, quant à la miséricorde divine elle n’est pas dans le texte. Celui-ci propose avec force l’étonnement, donc une nouvelle lecture de nos vies, et ce qu’est la relation à Dieu : elle est relation à l’autre. Notre époque, quand elle est chrétienne, croit à la miséricorde mais se partage à propos du péché dit sinon vécu selon le manquement aux rites et aux ajouts, ou complètement occulté. Toujours les réflexes cléricaux d’A. et la considération ou l’évaluation que nous ferions des autres selon nos convictions, leur proximité vis-à-vis du salut, les références aux hymnes à la charité. Réunions pendant lesquelles je suis d’autant plus fortement ramené aux textes que la plupart de mes compagnons sauf M. en divaguent. Le jugement, nous le croyons miséricordieux, mais des générations ont vécu dans la peur et de l’enfer et de la prédestination : la même Eglise et les mêmes textes. – Chez Emmaüs, où j’entreprends de négocier quelques cinq cent numéros de Paris-Match des années 50 au années 70, quand l’hebdomadaire était la vie d’une époque, notamment politique et avec Raymond Cartier écrivait l’histoire, avait le sens de l’histoire, pendant illustré des éditoriaux de Raymond Aron pour le Figaro et du Monde d’Hubert Beuve-Méry, je reviens aux bacs à livres brochés, venant presque tous d’un nommé Michalon (qui était-ce ? dans la ville de Vannes où il semble avoir été très connu) : bibliothèque considérable pour la littérature française d’un demi-siècle. Chardonne en 1940, presque tout Montherlant et ses éditions d’époque, Gallimard donc. Des pages au hasard me faisant acheter le livre  [4], je suis passé en attendant ma chère femme et notre unique voiture, à la préface, assis au froid sur un banc devant l’église, salué par nos boulangers en promenade canine. Le style extraordinairement limpide, précis et si aisé pourtant à recevoir et à goûter, comme une remise en forme, le corps droit. La préface elle-même, exposant les états successifs d’une idée, d’un projet depuis la pièce écrite en adolescence, La ville dont le prince est un enfant, jusqu’au roman qu’on prétend uniquement de mœurs homosexuelles et interdites alors qu'il se veut autre et bien plus profond, l’athéisme et la sincérité d’un prêtre selon un modèle vécu, et donc l’autoportrait de l’auteur, au ressenti chrétien mais à l’absence de foi. Non une autobiographie mais un état de vie intérieure. Je n’avais pas lu ce livre, et surtout depuis mes multiples lectures de mes vingt ans – l’époque où je lisais sans cesse et ai « possédé » trois quarts de siècle de ce que la France écrivit, tandis que moi-même n’en étais pas encore au journal intime, et encore moins à quelque prétention d’essayiste ou de romancier ou d’éditorialiste. Il me semble ce soir que ce retour à la lecture et à de véritables auteurs, immenses et intenses compagnons, mais tenant que ma vie a avancé et que son expérience m’habite sans que je sache encore la dire, je la retiens ou elle s’offre à moi, simplement… est une étape importante, conclusive peut-être, de mon existence. La lecture comme activité la plus substantielle, repos et accueil : quoi de plus intense et constituant ?Coincidence, une proposition de concert, dimanche en huit, dans l’église de Si-Vincent-Ferrier : Haydn et Mozart. Je voudrais que nous y allons tous les trois.


[1] - Apocalypse de Jean V 1 à 10 ; psaume CXLIX ; évangile selon saint Luc XIX 41 à 44

[2] - Apocalypse X 8

[3] - évangile selon saiont Matthieu XXV 31 à 46

[4] - Henry de Montherlant, les garçons (Gallimard . Avril 1969 . 377 pages)

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