mercredi 6 mai 2015

car en dehors de moi vous ne pouvez rien faire - textes du jour


Mercredi 6 Mai 2015






La nuit pas encore complètement tombée. Trajets en train vers Paris et retour, verdure et arbres, semi-forêt tout le long du trajet, plan d’eau de la Seine, couleur de l’Amazone avec des froncements de fleuve tropical. Ambiance. Rencontres à l’aller et au retour. Une jeune femme, s’asseyant à côté de moi, agrégée d’espagnol et allant à Sciences-Po. y prendre ses fonctions d’animatrice de l’enseignement de cette langue, en commençant par conférer avec son prédécesseur, septuagénaire. Thèse sur un historiographe de Philippe IV et sa propre influence par cette oeuvre sur la politique de son temps. Son époux, également enseignant en espagnol mais plus littéraire. Elle se passionne pour la politique actuelle : l’Espagne de podemos et d’une version catalane des « indignés » et la mûe de Cuba. Sa mère, professeur d’anglais, son père mort récemment, elle est de son second mariage, professeur d’histoire et de géographie, quel ensemble. Un demi-frère donc dans… son manque d’un père. Et son mari ne veut pas d’enfant : ne pas s’encombrer. Religion : à choisir, elle aurait pris le protestantisme, mais n’en a pas. Difficulté pour moi de comprendre comment peuvent vivre mentalement celles et ceux qui n’ont ni recherche ni pratique religieuse, ni a fortiori un établissement spirituel… et pour l’hispanisante, les géants de l’Eglise que sont Thérèse d’Avila, Jean de la Croix et Ignace de Loyola. Au retour, une fille faisant du point de croix, master et alternance en « managing » des choses de la mode. Travaille et étudie à Paris, habite Rouen, une maison pour elle seule, beaucoup de fleurs. Elle aussi parle et se livre facilement, venue s’asseoir en face de moi. Son alternance chez Saint-Laurent, son ambition : entrer chez Hermès qui fabrique ses sacs à Rouen. Sa passion en ce moment, les voyages : un stage en Indonésie et elle prépare une fin d’été à Miami. Seule en Asie, une amie pour l’Amérique. Parents enseignants en école hôtelière, et son aîné, charpentier à Fécamp. Aisance de ces jeunes femmes, lisibilité de leur psychologie respecvtive. J’ai testé sur chacune le journal que je lis de MATZNEFF, évidemment la couverture Gallimard. L’agrégée se prend à lire, s’amuse, est à l’aise. Une liaison d’abord avec un Sicilien, qu’elle a quitté au bout de deux ans quand elle s’est aperçue qu’il était raciste… La haute couture lira sans doute aussi. A chacune, j’ai conseillé la tenue de son journal. Pas de politique, et le tâton religieux pas abouti. Ni l’une ni l’autre n’avait jamais entendu parler de MATZNEFF, dont une bonne partie de l’attractivité, pour les jeunes filles, parfois même à peine adolescentes, a tenu à sa « gloire » d’écrivain de la drague autant que d’une culture très originale et orientée… J’ai continué de le lire, en alternance avec ces conversations : bien entendu, cela reste la contemplation et l’évaluation de lui-même, en rayonnement ou effet de son œuvre sur la jeunesse ou en capacité sexuelle à ses 73 ans [1] mais il y a une culture, une honnêteté et toujours cette invitation à une participation fraternelle à sa propre vie. Et maintenant, des interrogations qui me touchent : que le passé occupe une place excessive dans mes pensées, mes préoccupations, je le sais ; mais il est la source de mon inspiration poétique, et c’est pourquoi j’y tiens [2]. Je veux réfléchir par écrit, grâce à lui, bien des points charnières de mon fonctionnement mental à défaut que ce soit productif de livres…
Avec mon ami Olivier B., ses protégés en instance d’extradition, la manière de témoigner à la cour nationale du droit d’asile, des statistiques honteuses pour la France. Moyenne européenne de dossiers acceptés 35 à 40%, nous : à peine 20. L’Allemagne : 40% pour 200.000 dossiers chaque année, alors que nous n’en avons que 60.000. Je n’aurai ou être magistrat, en tout cas du siège car j’ai tendance à penser que pour les crimes ou les lavcunes, mortels, véniels, la société est encore plus responsable que l’individu. Ambiance du café Bourbon et des alentours de l’Assemblée nationale : type de fille (attachée parlementaire en titre ou officieuse, des pantalons mous, à la baba cool, produisant un derrière de tendresse quasi-maternelle, fonction du sein, alors que l’allure « de face » se veut décidée et efficace. Types des jeunes adolescents prolongés, chaussures pointues comme les armures des XIVème et Xvème siècles, pointures 555 ou 60… le costume de mise et évidemment des pensées analogues, d’attaché, eux aussi, devenir député, puis ministre… Je les ai salués, ayant quitté Olivier, de leur futur titre. C’est un parcours sans humour. L’étal de livres politique dans la « boutique de l’Assemblée » le confirme. Connu ou inconnu (de moi) mais forcément célèbre dans leur circonscrption et s’auto-éditant, l’élu n’est plus qu’un communicant qui croit augmenter sa séduction en affichant son portrait. Sauf les mémoires de MERMAZ et le compte-rendu d’un colloque du BEREGOVOY, aucun de ces essais (WOERTH a le culot de publier) n’est nécessaire. Avec Guillaume P., la posycho-sociologie du parlementaire, des réflexions ensemble sur l’état de notre pays. Une diététique, tartare et eau plate.
Prier…  fonctionnement de l’Eglise originelle : on décida que Paul et Barnabé, avec quelques autres frères, monteraient à Jérusalem auprès des Apôtres et des Anciens pour discuter de cette question… les Apôtres et les Anciens se réunirent pour examiner cette affaire [3].  Ce n’est pas qualifiable, démocratie ? consensus ? prière éclairée ? mais ce n’est pas la motion d’un seul, cf. la définition pratique de l’infaillibilité pontificale donnée par le pape François aux revues jésuites en Août 2013. Le financement… l’Eglise d’Antioche facilita leur voyage.  Texte d’un Père de l’Eglise, la lettre à Diognète. Je la trouve étonnamment en phase et confirmation avec ce que je ressentais et ai noté ce matin : dans le train.
Je suis de plus en plus convaincu que nous ne sommes pas notre corps, notre page ni même ni nos circonstances de vie personnelle et collective. Nous sommes beaucoup plus, même si nous sommes déterminés – épreuve ? chance ? – par notre chair. Manière pas aisément discernable. Depuis des années, j’y vois davantage un principe de responsabilité de soi sur soi, un champ à cultiver, un outil à maîtriser que la discussion sur notre liberté tant les limites de notre mode d’existence et d’expression actuel sont évidentes et d’expérience générale.
La parabole de la vigne et des sarments rend compte aussi bien de cette interrogation sur ce qui n’est pas un dédoublement mais sur ce qui nous permet d’aller au mystère de notre identité, à la responsabilité que nous avons du salut de notre âme, exactement comme les miraculés des évangiles ont participé à leur propre guérison, du fait de leur foi…que de la question des convertis des premiers temps : le judaïsme est-il un point de passage ? pour le chrétien. Réponse : pas forcément. Le déterminant, c’est le rapport au Christ. Celui qui demeure en moi et en qui je demeure (toujours la réciprocité pour la pleine efficacité de notre vie, de notre salut spirituels, réciprocité qui est participation de Dieu à notre nature et de nous à la nature divine), celui-là porte beaucoup de fruit, car en dehors de moi vous ne pouvez rien faire.


[1] - Ce qui est clair, c’est que des romans tels que Isaïe, réjouis-toi, Ivre du vin perdu l’ont marqué dans son adolescence, l’oint aidé à se connaître soi-même et, ce qui est plus important, à oser devenir celui qu’il est ; mais, moi aussi, adolescent, j’ai lu des livres où je me suis reconnu et qui m’ont aidé à accoucher de moi-même – op.cit, p. 30

[2] - op. cit. p. 31
[3] - Actes des Apôtres XV 1 à 6 ; psaume CXXII ; évangile selon saint Jean XV  1 à 8

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