Vendredi 26 Juin 2015
Eveillé depuis une heure, saisi de
tristesse, notre
chien, son dernier regard, de profil, après la piqûre léthale.
Notre chien, sa
mort, sa non-présence. Ma vie entière signifiée par cette
non-présence, peuple
des présences non-présentes. L’ensemble des nœuds coulants
nous étranglant à
proportion du poids de nos vies, et en même temps notre
évanescence. Profession
explicite de notre amour hier matin, puis tout hier soir. Ni
un soutien ni une
joie, la vérité, la condition humaine. – La difficulté
inattendue et qui m’obsède :
le prix de mon frère en moi et la crispation depuis hier soir.
Souffrance tous
azimuts. Préparation de l’autel de cette prière tandis que
l’aube a fait place
au jour : les biographies de saints, ma tristesse, mon
chagrin, à plat. Je
ne m’en sors qu’en les offrant. Prier simplement, nu, sur la
roue et son
supplice.
D’elle aussi, je
te donnerai
un fils ; oui, je la bénirai, elle sera à l’origine de nations,
d’elle
proviendront les rois de plusieurs peuples. La
considération divine pour le couple, la joie et le bonheur
l’accomplissement de
l’un par l’autre, la sanction de l’univers et son
applaudissement. Abraham ne
peut y croire, et Ismaël lui suffit. A-t-on assez travaillé
ces deux naissances
et ce qu’elles signifient pour la communion
Islam-christianisme et donc l’ensemble
des religions dites « révélées » (nos classements qui tuent
tout et n’aident
ni à penser ni à vivre), Ta femme Sara va t’enfanter un
fils, tu lui
donneras le nom d’Isaac… au sujet d’Ismaël, je t’ai bien
entendu… L’alliance, une
ascension anticipant dans l’intimité,
celles des prophètes puis du Christ Jésus. Lorsque Dieu
eut fini de parler
avec Abraham, il s’éleva loin de lui [1].
Le psaume, la bénédiction
divine :
ta femme sera dans ta maison comme une vigne généreuse, et tes
fils, autour de
la table, comme des plants d’olivier. Mais
le travail est mentionné avant : Tu te nourriras du
travail de tes
mains… et l’alliance avec
le seul Isaac,
même si la postérité d’Ismaël est superbe : je te bénis,
je le ferai
fructifier à l’infini ; il engendrera douze princes et je ferai
de lui une
grande nation. Quant à mon alliance, c’est avec Isaac que je
l’établirai. L’évangile
proposé aujourd’hui, extrait
lapidaire : Seigneur, si tu le veux, tu peux me purifier.
– Je le
veux, sois purifié. Seigneur,
je n’ai à t’offrir
que le poids de ma vie telle que je la regarde à travers le
voile intense du
chagrin, de la présence disparue. Plus tard, notre chien aimé
rejoindra en moi
l’ensemble de celles et ceux, humains et animaux, que j’ai
aimés et qui m’ont
aimé. Plus que de mes limites qu’accentue et révèle
sereinement, factuellement
mon vieillissement, c’est la totalité de moi en chagrin, en
victime de la
nature, de la biologie qui souffrent. Je n’ai aucune réponse
qu’étalé, couché,
prosterné devant Toi, devant Vous, Seigneur. Et puis tout ce
que j’ai manqué
dans ma vie…
Hier, cette soudaine prise de
conscience : la
coincidence de ce que me rapporte ma chère femme, un propos de
FH interrogé sur
les migrants et répondant avec… que la cause essentiel en est
le changement
climatique. Ce choix depuis six mois, après l’année des
commémorations, d’une
couronne pour l’Histoire… la conférence de Paris, le sommet de
l’écologie, la
climatologie et l’humanité… et ma découverte de ce Goncourt de
2004 ( ?) Laurent
GAUDE (accent aigu), Eldorado,
Le soleil des Scorta,
une œuvre,
un itinéraire que m’a présenté d’emblée pour son programme de
français au bac. mon
« tapir ». Hier, trois extraits d’Eldorado, passionnés, habiles et bien
écrits. Un extrait de
video, l’explication de son travail : écrire sur ce qu’il n’a
ni vécu ni
observé. Et je le reçois d’un dyslexique, avec lequel je
travaille depuis
plusieurs mois, découvrant lentement à tâtons et par lui aussi
bien les
formules actuelles de l’enseignement en France, que les
programmes, leur esprit,
leur ambition, les lacunes et impasses, et par contraste ce
qu’ils étaient de
mon temps. Enième dispersion que ce travail, cet apprentissage
puisqu’enseigner
forme encore plus l’enseignant que l’enseigné. Dyslexie déjà
rencontrée dans
une autre famille, elle-même déjà éprouvée autrement : ici, le
divorce des
parents. Cette bataille d’esprit, dans un esprit et mes
tentatives de
comprendre et aider. Et l’ensemble de la parabole, notre pays,
nos situations
et du coup ce à quoi je m’emploie. Ce qui m’emploie et que je
comprends mieux
sinon totalement. Le héros de GAUDE, lassé d’être garde-côte
contre les
immigrants tentant l’Europe à travers la Méditerranée ou
directement à Melilla
et à Ceuta (nombreux documentaires dont j’ai vu certain),
devient lui-même un
nomade et à défaut d’espérer l’Eldorado dont il est, il en
valide le désir chez
d’autres, chez les demandeurs.
Je réalise alors le point où nous
sommes arrivés chez
nous en n’ayant espéré et travaillé depuis des décennies que
selon des schémas
figés, la pratique politique et le recel de nos institutions
et de nos
fonctionnements sociaux, de plus en plus dévoyés, par
quelque-uns. Alors… Eveiller
un désir, c’est changer la donne politique. Pas seulement
l’indignation ou la
révolte, mais l’utopie, la terre promise. FH reconnaissance à
… il a montré –
lui et nous à notre corps défendant mais au paroxysme - que
l’alternance
formelle n’est pas une solution, car elle est une perpétuation
du même jeu de rôles,
des mêmes textes et dogmes, des mêmes contraintes, même si les
visages apparemment
changent. Notre démocratie formelle est factice, elle n’est
féconde de rien, le
système de choix des chefs a périclité. Ni l’art ni la manière
ni la conscience
ni la moralité chez ceux arrivés à l’estrade. FH – à notre
corps défendant – nous
a fait comprendre que notre problème est notre mauvais
gouvernement, nos mauvais
gouvernements, nos mauvaises manières d’être gouvernés. Il nous pousse à comprendre
que faute de
dirigeants et tandis qu’a été bradé notre patrimoine et
détruit l’outil du bien
commun (l’Etat), il faut un autre acteur, nous, le peuple.
Comment celui-ci
surgit-il ? les situations réclamant la solidarité n’ont pas
abouti, les
menaces sur l’avenir de chacun, retraite et emploi, non plus.
Mais le désir et
l’imagination ? peuvent devenir l’exigence. L’ayant vu mais ne
le
comprenant que maintenant, y aider.
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