jeudi 17 septembre 2015

elle avait apporté un flacon d'albâtre contenant un parfum - textes du jour

Jeudi 17 Septembre 2015

Quelle leçon ! recherchant un nom, une adresse, une date pour résoudre mon affaire de bateau échoué sur le domaine public maritime, plusieurs fois repassé en vain mon répertoire d’adresses manuscrit, puis diverses chronologies… ce que j’ai noté sur le moment de chaque événement et incident ne correspond que très peu à la mémoire que j’ai de ces vingt dernières années. Il y a vraiment deux lectures : sur le champ ou sur le coup, et puis la rumination. De laquelle sommes-nous le produit pour le présent et pour la suite ? Et puis des fichiers de correspondances anciennes montrant des égards envers qui me manque aujourd’hui et que j’avais redoublés même après qu’il ait commencé de me blesser… Chronologies factuelles en finances, en sentiments, en rencontres, en relations avec des mentors que je croyais linéaires, d’amour que je croyais avoir été totalement interrompues, rompues… Je reçois au moins cela à défaut des noms et adresses recherchés.
Camarade d’enfance et de collège (jésuite), il me courielle souvent : cet envoi du matin et ce qui peut se qualifier son agnosticisme ou plus précisément sa certitude que le christianisme est un synchrétisme des religions d’orient antérieures ou contemporaines, et qu’aujourd’hui ou hier, la bondieuserie (les capucinades que des compagnons d’armes de BONAPARTE jugeaient triomphantes à l’entrée dans Notre Dame de Paris pour le couronnement impérial), discussion ? non, échange d’observations très structurées et passionnantes que je reçois de lui, ainsi encore hier soir [1]et auxquelles je me suis donné de répondre très largement, mais sans doute cela sera-t-il mon projet de livre depuis quelques années : psychologie de ma foi, en quoi la foi que j’ai reçue de naissance et qui se maintient, me fait-elle tenir et donne à ma psychologie et donc à ma façon de recevoir les événements, les coups et le bonheur, un trait particulier, plus que personnel puisque me venant d’un Autre mais qui me recrée, me façonne et m’appelle ainsi pour ma plus grande liberté-libération. Je lui réponds ce matin : comment tiens-tu ? – Notre fille, hier, moments de cafard profond et très durement exprimés : je donnerai tout l’or du monde pour qu’on me fasse une piqûre. Le malheur de vivre.. et puis des regains pour des causes ou rencontres fortuites, ainsi à l’animalerie pour les fournitures de son aquarium. Les scènes pour les devoirs à faire tandis qu’elle est revenue chez nous pour l’après-midi, la soirée, la nuit. Et moi, ce matin, la déposer au collège après notre demi-heure de conversation, la nuit encore là, la voiture, j’ai le cœur fendu, je souffre de cette séparation et je sais que chaque année elle sera plus grande, au moins physiquement. – Réponse l’amour. Réponses aussi que j’esquisse depuis quelques semaines ou mois, une autre « catégorie de saints » à caractériser et magnifier par l’Eglise, et donc à préciser pour l’humanité entière : ces hommes et ces femmes aux vertus et au rayonnement remarquables, quoiqu’apparemment sans référence à Dieu, ou au Dieu annoncé par les Ecritures. Cela vaudrait aussi pour les saints ou les personnages de religions ou de grandes morales autres que la nôtre. Ce n’est pas la référence des hommes, ni mêmes celles de des saints non chrétiens se donnent, qui importent mais ce qui est fait d’eux-mêmes – par Dieu, je le crois – selon l’humanité ce que reconnaissent la plupart de leurs contemporains puis la postérité, qui élague et qui consacre. L’amour réponse à mon ami et réponse à ma détresse. Cela ne clôt rien mais fait passer à la dimension autre, qui est sans doute la vraie.
Justement, Marie-Madeleine [2]. J’ai quelque chose à te dire… Lequel des deux l’aimera davantage ? – Je suppose que c'est celui à qui on a fait grâce de la plus grande dette … Si cet homme était prophète, il saurait qui est cette femme qui le touche. Le dialogue avec ladite pécheresse, Jésus ne le donnera à Marie-Madeleine que brièvement et même sèchement – Noli me tangere que devant Son propre tombeau ouvert pour la Résurrection. Il est dans le moment de ce repas et de cette scène intense : elle se mit à mouiller de ses larmes les pieds de Jésus, regret de ses propres fautes ? coup de foudre pour le Seigneur ? vision prémonitoire de la Passion et des tortures, de la mort que va subir le Christ qu’elle reconnaît d’instinct et pleure sans espérance, violemment ? Et c’est à son hôte, médiocre critique et zéro spirituel que Jésus s’adresse. Mais Marie-Madeleine, si elle L’aime Lui le Seigneur et Rédempteur, ce n’est pas parce qu’Il va lui remettre tout péché, mais simplement parce qu’Il est là et qu’elle sait qu’Il mourra affreusement, et qu’elle n’est digne ni de lui ni de Son sacrifice. Paul essaie de montrer à son fils spirituel comment en être digne : sois pour les croyants (Timothée a charge d’âmes et de communauté ecclésiale) un modèle par ta parole et ta conduite, par ta charité, ta foi et ta pureté…



[1] - Mon cher Bertrand,
 De temps en temps, j'ouvre les pièces jointes que tu nous envoies si gentiment. Comme toi, je suis convaincu que nous avons besoin d'exemple, et que chacun d'entre nous a son panthéon personnel. Pour moi, ce serait Jacques Lusseyran, Paris de Bollardière, Nelson Mandela, Germaine Tillion, Marie Curie, Savorgnan de Brazza, Mgr Camara, Martin Luther King, Dietrich Bonhoeffer, Sophie Scholl, Abdelkader, sœur Emmanuelle, l'abbé Grégoire …
les trois exemples que tu nous donnes sont intéressants en ce qui concerne la névrose chrétienne. Les invocations au père Pio sont d'une bondieuserie inimitable, à la limite de la parodie, et relèvent d'une spiritualité masochiste et doloriste. De Saint Corneille et Saint-Cyprien je ne dirai pas grand-chose, si ce n'est qu'effectivement on n'en sait pas grand-chose, et qu'une fois de plus ce sont des clercs qui sont honorés.
L'exemple le plus déprimant est celui de cette brave Sainte edith de Wilton, qui magnifie la virginité, la haine de la chair, la religiosité… tout ce qui a fait des générations de chrétiens et de chrétiennes mal baisés, et qui se retrouve encore chez nombre des partisans de la manif pour tous. Les ravages que cette vision du divin ont faits dans des générations et des générations sont considérables.
Je sais bien qu'il est impossible de faire le ménage parmi les saints, mais aucun de ceux-là ne m'enthousiasme, bien au contraire : ils auraient plutôt tendance à me faire fuir.
 Ce qui est assez amusant, c'est que par moments tu as une pensée tout à fait contemporaine, qui semble avoir réalisé combien le catholicisme était l'héritier des grandes religions mythologiques et en avait repris nombre de travers, et, à d'autres moments, tu te coules dans une religion ultra classique dans le genre XIXe siècle et XXe siècle commençant. C'est assez amusant à suivre.
Amicalement

[2] - 1ère lettre de Paul à Timothée IV 12 à 16 ; psaume CXIévangile selon saint Luc VII 36 à 50

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