mardi 22 septembre 2015

maintenant notre marche prend fin devant tes portes, Jérusalem !

Mardi 22 Septembre 2015


                    Prier… l’invasion du cancer, la suffocation ou l’hémorragie interne… la mort, bouche ouverte… éveillé en milieu de nuit, relative grasse matinée… je réalise ce miracle qu’est le fonctionnement des muscles abdominaux, de me redresser sur notre lit, de me mettre sur mes jambes, de tenir, de ne pas tomber, d’avancer… l’autonomie, la perte de l’autonomie, jusqu’à quand ? quand ? … réponse, ce matin : l’humanité du Christ, l’adoption des humains et de l’humain quotidien par Dieu fait homme. Quant à la perte d’autonomie ? la croix, le Christ en croix. Ma mère et mes frères sont ceux qui écoutent la parole de Dieu, et qui la mettent en pratique [1]. Comment notre cher Jean pouvait-il l’entendre ? pas la moindre appétence pour ce qui ne peut se définir ni comme de la lecture : il lit, ni comme du relationnel : il a le contact et le goût de la rencontre. Je n’ai jamais vraiment tenté de… la messe paroissiale : à son sortir, y rencontrer des gens, proposition tardive qui ne l’atteignait pas. Tranquille dans l’histoire de sa vie, d’amours putatifs, d’une fidélité absolue à une épouse très caractérisable et subissant de naissance des épreuves et des limites, surmontées ensemble, le don du respect de cet homme pour autrui… tranquille dans l’exubérance ou l’apparent échec des biographies de ses deux filles, aussi différente d’épisodes et de relationnements qu’il est imaginable. Il acceptait le réel tel que celui-ci lui était donné, une philosophie de la nature et le fatalisme qui allait avec, selon lui. Oui, pas de rencontre possible avec Dieu explicitement, au moins selon ce que je pouvais discerner ou en dire. D’une certaine manière, il était au-delà, sa sainteté certaine, son humanisme ou bien s’en passaient ou bien il en était surnaturellement gratifié au point que c’était natif. Il y aura une bénédiction dans notre église paroissiale, j’irai à Sainte-Anne-d’Auray chercher sa sœur et aussi notre cher Denis, compatriote de Riguini, de Radenac, amitié du cordonnier-savetier avec le facteur de père en fils, véritable héros possible à la Jacques TATI de la fête au village mais je veux témoigner de cette sainteté humaniste, sans référence, entièrement de bonté pour autrui, de curiosité des autres, du goût et du don de la rencontre, « discuter » avec les gens, aucun contenu à dire à d’autres, des paroles sans doute, mais le contact des âmes, la découverte et son permanent renouvellement par ce mouvement d’aller à la rencontre du tout venant, et se savoir, soi-même, un tout-venant. Ami de chaleur, aristocrate de la classe ouvrière d’un siècle et demi en France, le montage des machines qui fabriquèrent la 4 CV Renault, puis Thomson et nos sous-marins, les mains et les avant-bras gonflés par la mort ou le cancer, encore intacts dimanche soir, le visage tout à fait autre. Un homme d’une telle transparence que son visage était âme, celle-ci partie, il n’y a plus rien. Frère de Dieu fait homme, peu importe l’explicite de sa foi. Peu importe… mais la reconstruction du Temple, selon les permissions de Darius, et telle que la raconte Esdras, il y aurait participé par amour du travail, par compétence, par goût de l’œuvre et du bricolage. Enfin, il aurait tout arboré ce que dit peu la Bible pour les grandes constructions. Que de plantes et d’arbrisseaux, il a élevé pour nous les donner. Le moment préféré de Marguerite quand nous devions la confier à quelqu’un ou la mettre en garderie : aller chez Jean, c’étaient la promenade, les champignons, l’observation, un dialogue. Le grand-père ingambe, c’était lui pour elle. Nous tous… maintenant notre marche prend fin devant tes portes, Jérusalem !


[1] - Esdras VI 7 à 20 ; psaume CXXII ; évangile selon saint Luc VIII 19 à 21

Aucun commentaire: