jeudi 31 mars 2016

saint Jean Climaque . 575 + après 650



Anachorète, higoumène et
Grand écrivain de l’Église d’Orient



J
ean naît vers 575. Sa vie se déroula donc pendant les années où Byzance, capitale de l'empire romain d'Orient, connut la plus grande crise de son histoire. A l'improviste, le cadre géographique de l'empire se transforma et le torrent des invasions barbares fit s'effondrer toutes ses structures. Seule tint bon la structure de l'Église, qui continua pendant ces temps difficiles à exercer son action missionnaire, humaine et socio-culturelle, en particulier à travers le réseau des monastères, dans lesquels œuvraient de grandes personnalités religieuses, comme celle, précisément, de Jean Climaque.

Jean vécut et raconta ses expériences spirituelles dans les montagnes du Sinaï, où Moïse rencontra Dieu et Elie en entendit la voix. On conserve des informations le concernant dans une brève Vita (pg 88, 596-608), écrite par le moine Daniel de Raito : à seize ans, Jean, devenu moine sur le mont Sinaï, y devint le disciple de l'abbé Martirio, un « ancien » ; c'est-à-dire un « sage ». Vers vingt ans, il choisit de vivre en ermite dans une grotte au pied de la montagne, dans un lieu appelé Tola, à huit kilomètres du monastère de Sainte-Catherine. Mais la solitude ne l'empêcha pas de rencontrer des personnes souhaitant avoir une direction spirituelle, ainsi que de se rendre en visite dans plusieurs monastères à Alexandrie. En effet, sa retraite d'ermite, loin d'être une fuite du monde et de la réalité humaine, déboucha sur un amour ardent pour les autres (Vita 5) et pour Dieu (Vita 7).

Après quarante ans de vie érémitique vécue dans l'amour pour Dieu et pour son prochain, des années pendant lesquelles il pleura, il pria, il lutta contre les démons, il fut nommé higoumène du grand monastère du mont Sinaï et revint ainsi à la vie cénobitique, dans un monastère. Mais, quelques années avant sa mort, nostalgique de sa vie d'ermite, il laissa à son frère, moine dans le même monastère, la conduite de la communauté.
Il meurt après 650.
On possède de lui deux œuvres ascétiques « l'Échelle de perfection », d'où son surnom de Climaque, et le « Livre au Pasteur ».

Pour approfondir, lire la Catéchèse du Pape Benoît XVI :


Source principale : vatican.va (« Rév. x gpm »).

SAN GIOVANNI CLIMACO ABATE /

BENOÎT XVI
AUDIENCE GÉNÉRALE
Mercredi 11 février 2009

Jean Climaque
Chers frères et sœurs,
Après vingt catéchèses consacrées à l'Apôtre Paul, je voudrais reprendre aujourd'hui la présentation des grands Ecrivains de l'Eglise d'Orient et d'Occident de l'époque médiévale. Et je propose la figure de Jean, dit Climaque, translittération latine du terme grec klímakos, qui signifie de l'échelle (klímax). Il s'agit du titre de son œuvre principale, dans laquelle il décrit l'ascension de la vie humaine vers Dieu. Il naquit vers 575. Sa vie se déroula donc pendant les années où Byzance, capitale de l'empire romain d'Orient, connut la plus grande crise de son histoire. A l'improviste, le cadre géographique de l'empire se transforma et le torrent des invasions barbares fit s'effondrer toutes ses structures. Seule tint bon la structure de l'Eglise, qui continua pendant ces temps difficiles à exercer son action missionnaire, humaine et socio-culturelle, en particulier à travers le réseau des monastères, dans lesquels œuvraient de grandes personnalités religieuses, comme celle, précisément, de Jean Climaque.
Jean vécut et raconta ses expériences spirituelles dans les montagnes du Sinaï, où Moïse rencontra Dieu et Elie en entendit la voix. On conserve des informations le concernant dans une brève Vita (pg 88, 596-608), écrite par le moine Daniel de Raito:  à seize ans, Jean, devenu moine sur le mont Sinaï, y devint le disciple de l'abbé Martirio, un "ancien"; c'est-à-dire un "sage". Vers vingt ans, il choisit de vivre en ermite dans une grotte au pied de la montagne, dans un lieu appelé Tola, à huit kilomètres du monastère de Sainte-Catherine. Mais la solitude ne l'empêcha pas de rencontrer des personnes souhaitant avoir une direction spirituelle, ainsi que de se rendre en visite dans plusieurs monastères à Alexandrie. En effet, sa retraite d'ermite, loin d'être une fuite du monde et de la réalité humaine, déboucha sur un amour ardent pour les autres (Vita 5) et pour Dieu (Vita 7). Après quarante ans de vie érémitique vécue dans l'amour pour Dieu et pour son prochain, des années pendant lesquelles il pleura, il pria, il lutta contre les démons, il fut nommé higoumène du grand monastère du mont Sinaï et revint ainsi à la vie cénobitique, dans un monastère. Mais, quelques années avant sa mort, nostalgique de sa vie d'ermite, il laissa à son frère, moine dans le même monastère, la conduite de la communauté. Il mourut après 650. La vie de Jean se développe entre deux montagnes, le Sinaï et le Thabor, et on peut vraiment dire que de lui rayonna la lumière vue par Moïse sur le Sinaï et contemplée par les trois apôtres sur le Thabor.
Il devint célèbre, comme je l'ai déjà dit, pour l'œuvre intitulée l'Echelle (klímax), qualifiée en Occident comme Echelle du paradis (pg 88, 632-1164). Composée sur la requête insistante du proche higoumène du monastère de Raito au Sinaï, l'Echelle est un traité complet de vie spirituelle, où Jean décrit le chemin du moine depuis le renoncement au monde jusqu'à la perfection de l'amour. C'est un chemin qui - selon ce livre - se développe à travers trente marches, chacune d'elle étant liée à la suivante. Le chemin peut être synthétisé en trois phases successives:  la première s'exprime dans la rupture avec le monde dans le but de retourner à l'état de l'enfance évangélique. L'essentiel n'est donc pas la rupture, mais le lien avec ce que Jésus a dit, c'est-à-dire revenir à la véritable enfance dans un sens spirituel, devenir comme les enfants. Jean commente:  "Une bonne fondation est celle qui est formée par trois bases et par trois colonnes:  innocence, jeûne et chasteté. Que tous les nouveau-nés en Christ (cf. 1 Co 3, 1) commencent par ces choses, en prenant exemple de ceux qui sont nouveau-nés physiquement" (1, 20; 636). Le détachement volontaire des personnes et des lieux chers permet à l'âme d'entrer en communion plus profonde avec Dieu. Ce renoncement débouche sur l'obéissance, qui est une voie vers l'humilité à travers les humiliations - qui ne manqueront jamais - de la part des frères. Jean commente:  "Bienheureux celui qui a mortifié sa propre volonté jusqu'à la fin et qui a confié le soin de sa propre personne à son maître dans le Seigneur:  en effet, il sera placé à la droite du Crucifié!" (4, 37; 704).
La deuxième phase du chemin est constituée par le combat spirituel contre les passions. Chaque marche de l'échelle est liée à une passion principale, qui est définie et diagnostiquée, avec l'indication de la thérapie et avec la proposition de la vertu correspondante. L'ensemble de ces marches constitue sans aucun doute le plus important traité de stratégie spirituelle que nous possédons. La lutte contre les passions revêt cependant un caractère positif - elle ne reste pas une chose négative - grâce à l'image du "feu" de l'Esprit Saint:  "Que tous ceux qui entreprennent cette belle lutte (cf. 1 Tm 6, 12), dure et ardue [...], sachent qu'ils sont venus se jeter dans un feu, si vraiment ils désirent que le feu immatériel habite en eux" (1, 18; 636). Le feu de l'Esprit Saint qui est feu de l'amour et de la vérité. Seule la force de l'Esprit Saint assure la victoire. Mais selon Jean Climaque, il est important de prendre conscience que les passions ne sont pas mauvaises en soi; elles le deviennent en raison du mauvais usage qu'en fait la liberté de l'homme. Si elles sont purifiées, les passions ouvrent à l'homme la voie vers Dieu avec des énergies unifiées par l'ascèse et par la grâce et, "si celles-ci ont reçu du Créateur un ordre et un début..., la limite de la vertu est sans fin" (26/2, 37; 1068).
La dernière phase du chemin est la perfection chrétienne, qui se développe dans les dernières sept marches de l'Echelle. Il s'agit des stades les plus élevés de la vie spirituelle, dont peuvent faire l'expérience les "ésicastes", les solitaires, ceux qui sont arrivés au calme et à la paix intérieure; mais ce sont des stades accessibles également aux cénobites les plus fervents. Des trois premiers - simplicité, humilité et discernement - Jean, dans le sillage des Pères du désert, considère le dernier le plus important, c'est-à-dire la capacité de discerner. Chaque comportement doit être soumis au discernement; en effet, tout dépend des motivations profondes, qu'il faut évaluer. On entre ici dans le vif de la personne et il s'agit de réveiller chez l'ermite, chez le chrétien, la sensibilité spirituelle et le "sens du cœur", dons de Dieu:  "Comme guide et règle en toute chose, après Dieu, nous devons suivre notre conscience" (26/1,5;1013). C'est de cette manière que l'on atteint la tranquillité de l'âme, l'esichía, grâce à laquelle l'âme peut se pencher sur l'abîme des mystères divins.
L'état de calme, de paix intérieure, prépare l'"ésicaste" à la prière, qui chez Jean, est double:  la "prière corporelle" et la "prière du cœur". La première est propre à celui qui doit s'aider de gestes du corps:  tendre les mains, émettre des gémissements, se frapper la poitrine, etc. (15, 26; 900); la deuxième est spontanée, car elle est l'effet du réveil de la sensibilité spirituelle, don de Dieu à ceux qui se consacrent à la prière corporelle. Chez Jean, elle prend le nom de "prière de Jésus" (Iesoû euché), et est constituée par l'invocation du seul nom de Jésus, une invocation continue comme la respiration:  "Que la mémoire de Jésus ne fasse qu'une seule chose avec ta respiration, et alors, tu connaîtras l'utilité de l'esichía", de la paix intérieure (27/2, 26; 1112). A la fin, la prière devient très simple, simplement le nom "Jésus" qui ne fait qu'un avec notre respiration.
Le dernier degré de l'échelle (30), teinté de "la sobre ivresse de l'Esprit", est consacré à la suprême "trinité des vertus":  la foi, l'espérance et surtout la charité. De la charité, Jean parle également comme éros (amour humain), figure de l'union matrimoniale de l'âme avec Dieu. Et il choisit encore l'image du feu pour exprimer l'ardeur, la lumière, la purification de l'amour pour Dieu. La force de l'amour humain peut être redirigée vers Dieu, de même que sur l'olivier sauvage peut être greffé l'olivier franc (cf. Rm 11, 24) (15, 66; 893). Jean est convaincu qu'une intense expérience de cet éros fait progresser l'âme beaucoup plus que le dur combat contre les passions, car sa puissance est grande. Ainsi prévaut le positivisme sur notre chemin. Mais la charité est considérée également en relation étroite avec l'espérance:  "La force de la charité est l'espérance:  grâce à elle, nous attendons la récompense de la charité... L'espérance est la porte de la charité... L'absence d'espérance anéantit la charité:  c'est à elle que sont liés nos efforts, c'est par elle que sont soutenus nos labeurs, et c'est grâce à elle que nous sommes entourés par la miséricorde de Dieu" (30, 16; 1157). La conclusion de l'Echelle contient la synthèse de l'œuvre avec des paroles que l'auteur fait prononcer à Dieu lui-même:  "Que cette échelle t'enseigne la disposition spirituelle des vertus. Je me tiens au sommet de cette échelle, comme le dit mon grand initié (saint Paul):  Maintenant donc demeurent foi, espérance, charité, ces trois choses, mais la plus grande d'entre elles, c'est la charité (1 Co 13, 13)!" (30, 18; 1160).
A ce point, une dernière question s'impose:  l'Echelle, œuvre écrite par un moine ermite qui a vécu il y a mille quatre cents ans, peut-elle encore nous dire quelque chose aujourd'hui? L'itinéraire existentiel d'un homme qui a toujours vécu sur le mont Sinaï à une époque si lointaine peut-il être d'une quelconque actualité pour nous? Dans un premier temps, il semblerait que la réponse doive être "non", car Jean Climaque est trop loin de nous. Mais, si nous observons d'un peu plus près, nous voyons que cette vie monastique n'est qu'un grand symbole de la vie baptismale, de la vie de chrétien. Elle montre, pour ainsi dire, en lettres capitales ce que nous écrivons jour près jour en lettres minuscules. Il s'agit d'un symbole prophétique qui révèle ce qu'est la vie du baptisé, en communion avec le Christ, avec sa mort et sa résurrection. Pour moi, il est particulièrement important que le sommet de l'"échelle", que les derniers degrés soient dans le même temps les vertus fondamentales, initiales, et les plus simples:  la foi, l'espérance et la charité. Il ne s'agit pas de vertus uniquement accessibles à des champions de la morale, mais des dons de Dieu à tous les baptisés:  en elles croît également notre vie. Le début est également la fin, le point de départ est également le point d'arrivée:  tout le chemin va vers une réalisation toujours plus radicale de la foi, de l'espérance et de la charité. Dans ces vertus, est présente toute la montée. La foi est fondamentale, car cette vertu implique que je renonce à mon arrogance, à ma pensée; à la prétention de juger seul, sans m'appuyer sur les autres. Ce chemin vers l'humilité, vers l'enfance spirituelle, est nécessaire:  il faut surmonter l'attitude d'arrogance qui fait dire:  j'en sais plus, à mon époque du xxi siècle, que ce que pouvaient savoir les hommes de l'époque passée. Il faut en revanche s'en remettre uniquement à l'Ecriture Sainte, à la Parole du Seigneur, contempler avec humilité l'horizon de la foi, pour entrer ainsi dans l'étendue immense du monde universel, du monde de Dieu. De cette façon notre âme croît, la sensibilité du cœur vers Dieu croît. Jean Climaque dit à juste titre que seule l'espérance nous rend capables de vivre la charité. L'espérance dans laquelle nous transcendons les choses de tous les jours, nous n'attendons pas le succès de nos jours terrestres, mais nous attendons à la fin la révélation de Dieu lui-même. Ce n'est que dans cet élargissement de notre âme, dans cette auto-transcendance que notre vie devient grande et que nous pouvons supporter les peines et les déceptions de chaque jour, que nous pouvons être bons avec les autres sans attendre de récompense. Ce n'est que si Dieu existe, cette grande espérance à laquelle je tends que je peux, chaque jour, accomplir les petits pas de ma vie et apprendre ainsi la charité. Dans la charité se cache le mystère de la prière, de la connaissance personnelle de Jésus:  une prière simple, qui tend uniquement à toucher le cœur du Maître divin. Et ainsi, on ouvre son cœur, on apprend de Lui la même bonté, le même amour. Utilisons donc cette "montée" de la foi, de l'espérance et de la charité; nous parviendrons ainsi à la vraie vie.
* * *
Je suis heureux de saluer les pèlerins francophones, notamment la délégation des consuls honoraires, accompagnée par Son Éminence le Cardinal Philippe Barbarin, Archevêque de Lyon, la Communauté de l’Arche « l’Olivier » de Rennes qui fête cette année ses vingt ans d’existence, ainsi que tous les jeunes, en particulier ceux des collèges La Rochefoucauld et Fénelon Sainte-Marie de Paris. Bon pèlerinage à tous !

© Copyright 2009 - Libreria Editrice Vaticana
 

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