mardi 28 juin 2016

saint Irénée, Père de l'Eglise . 135-140 + 202-203



évêque de Lyon et martyr 

Irénée naît selon toute probabilité à Smyrne (aujourd'hui Izmir, en Turquie), vers 135-140, où, encore jeune, il alla à l'école de l'Évêque Polycarpe, lui-même disciple de l'Apôtre Jean.

Nous ne savons pas quand il se rendit d'Asie mineure en Gaule, mais son transfert dut coïncider avec les premiers développements de la communauté chrétienne de Lyon : c'est là que, en 177, nous trouvons Irénée au nombre du collège des prêtres. C'est précisément cette année qu'il fut envoyé à Rome, porteur d'une lettre de la communauté de Lyon au Pape Éleuthère. La mission romaine qui permit à Irénée d'échapper à la persécution de Marc-Aurèle, dans laquelle au moins 48 martyrs trouvèrent la mort, parmi lesquels l'Évêque de Lyon lui-même, Pothin, âgé de 90 ans, mort des suites de mauvais traitements en prison.
Ainsi, à son retour, Irénée fut élu Évêque de la ville. Le nouveau Pasteur se consacra entièrement au ministère épiscopal, qui se conclut vers 202-203, peut-être par le martyre.

Pour approfondir, lire la Catéchèse du Pape Benoît XVI :
>>> Saint Irénée de Lyon
[Allemand, Anglais, Croate, Espagnol, Français, Italien, Portugais]

Source principale : vatican.va (« Rév. x gpm »).
SANT IRENEO DI LIONE VESCOVO E MARTIRE /

BENOÎT XVI
AUDIENCE GÉNÉRALE
Mercredi 28 mars 2007

Saint Irénée de Lyon
Chers frères et sœurs!
Dans les catéchèses sur les grandes figures de l'Eglise des premiers siècles, nous arrivons aujourd'hui à l'éminente personnalité de saint Irénée de Lyon. Les informations biographiques à son sujet proviennent de son propre témoignage, qui nous est parvenu à travers Eusèbe, dans le livre V de l'Histoire ecclésiastique. Irénée naquit selon toute probabilité à Smyrne (aujourd'hui Izmir, en Turquie), vers 135-140, où, encore jeune, il alla à l'école de l'Evêque Polycarpe, lui-même disciple de l'Apôtre Jean. Nous ne savons pas quand il se rendit d'Asie mineure en Gaule, mais son transfert dut coïncider avec les premiers développements de la communauté chrétienne de Lyon:  c'est là que, en 177, nous trouvons Irénée au nombre du collège des prêtres. C'est précisément cette année qu'il fut envoyé à Rome, porteur d'une lettre de la communauté de Lyon au Pape Eleuthère. La mission romaine qui permit à Irénée d'échapper à la persécution de Marc-Aurèle, dans laquelle au moins 48 martyrs trouvèrent la mort, parmi lesquels l'Evêque de Lyon lui-même, Pothin, âgé de 90 ans, mort des suites de mauvais traitements en prison. Ainsi, à son retour, Irénée fut élu Evêque de la ville. Le nouveau Pasteur se consacra entièrement au ministère épiscopal, qui se conclut vers 202-203, peut-être par le martyre.
Irénée est avant tout un homme de foi et un Pasteur. Du bon Pasteur, il possède le sens de la mesure, la richesse de la doctrine, l'ardeur missionnaire. En tant qu'écrivain, il poursuit un double objectif:  défendre la véritable doctrine des attaques des hérétiques, et exposer avec clarté les vérités de la foi. Les deux œuvres qui nous sont parvenues de lui correspondent exactement à ces objectifs:  les cinq livres Contre les hérésies, et l'Exposition de la prédication apostolique (que l'on peut également appeler le plus ancien "catéchisme de la doctrine chrétienne"). En définitive, Irénée est le champion de la lutte contre les hérésies. L'Eglise du II siècle était menacée par ce que l'on appelle la gnose, une doctrine qui affirmait que la foi enseignée dans l'Eglise ne serait qu'un symbolisme destiné aux personnes simples, qui ne sont pas en mesure de comprendre les choses difficiles; au contraire, les initiés, les intellectuels, - on les appelait les gnostiques - auraient compris ce qui se cache derrière ces symboles, et auraient formé un christianisme élitiste, intellectuel. Bien sûr, ce christianisme intellectuel se fragmentait toujours plus en divers courants de pensées souvent étranges et extravagants, mais qui attiraient de nombreuses personnes. Un élément commun de ces divers courants était le dualisme, c'est-à-dire que l'on niait la foi dans l'unique Dieu, Père de tous, Créateur et Sauveur de l'homme et du monde. Pour expliquer le mal dans le monde, ils affirmaient l'existence, auprès de Dieu bon, d'un principe négatif. Ce principe négatif aurait produit les choses matérielles, la matière.
En s'enracinant solidement dans la doctrine biblique de la création, Irénée réfute le dualisme et le pessimisme gnostique qui sous-évaluaient les réalités corporelles. Il revendiquait fermement la sainteté originelle de la matière, du corps, de la chair, ainsi que de l'esprit. Mais son œuvre va bien au-delà du rejet de l'hérésie:  on peut dire, en effet, qu'il se présente comme le premier grand théologien de l'Eglise, qui a créé la théologie systématique; lui-même parle du système de la théologie, c'est-à-dire de la cohérence interne de toute la foi. Au centre de sa doctrine réside la question de la "règle de la foi" et de sa transmission. Pour Irénée, la "règle de la foi" coïncide en pratique avec le Credo des Apôtres et nous donne la clé pour interpréter l'Evangile, pour interpréter le Credo à la lumière de l'Evangile. Le symbole apostolique, qui est une sorte de synthèse de l'Evangile, nous aide à comprendre ce qu'il veut dire, et la façon dont nous devons lire l'Evangile lui-même.
En effet, l'Evangile prêché par Irénée est celui qu'il a reçu de Polycarpe, Evêque de Smyrne, et l'Evangile de Polycarpe remonte à l'Apôtre Jean, dont Polycarpe était le disciple. Et ainsi, le véritable enseignement n'est pas celui inventé par les intellectuels au-delà de la foi simple de l'Eglise. Le véritable Evangile est celui enseigné par les Evêques qui l'ont reçu des Apôtres à travers une chaîne ininterrompue. Ceux-ci n'ont rien enseigné d'autre que précisément cette foi simple, qui est également la véritable profondeur de la révélation de Dieu. Ainsi - nous dit Irénée - il n'existe pas de doctrine secrète derrière le Credo commun de l'Eglise. Il n'existe pas de christianisme supérieur pour les intellectuels. La foi publiquement confessée par l'Eglise est la foi commune de tous. Seule cette foi est apostolique, elle vient des Apôtres, c'est-à-dire  de  Jésus  et  de Dieu. En adhérant à cette foi transmise publiquement par les Apôtres à leurs successeurs, les chrétiens doivent observer ce que les Evêques disent, ils doivent suivre en particulier l'enseignement de l'Eglise de Rome, prééminente et très ancienne. Cette Eglise, en raison de son origine antique, possède un caractère apostolique suprême; en effet, elle tire son origine des piliers du Collège apostolique, Pierre et Paul. Toutes les Eglises doivent être en accord avec l'Eglise de Rome, en reconnaissant en elle la mesure de la véritable tradition apostolique, de l'unique foi commune de l'Eglise. A travers ces arguments, ici brièvement résumés, Irénée réfute à leur racine même les prétentions de ces gnostiques, de ces intellectuels:  avant tout, ils ne possèdent pas une vérité qui serait supérieure à celle de la foi commune, car ce qu'ils disent n'est pas d'origine apostolique, mais est inventé par eux; en second lieu, la vérité et le salut ne sont pas le privilège et le monopole de quelques personnes, mais tous peuvent y parvenir à travers la prédication des successeurs des Apôtres, et surtout de l'Evêque de Rome. En particulier - toujours en remettant en question le caractère "secret" de la tradition gnostique, et en soulignant ses effets multiples et contradictoires entre eux - Irénée se préoccupe d'illustrer le concept authentique de Tradition apostolique, que nous pouvons résumer en trois points.
a) La Tradition apostolique est "publique", et non pas privée ou secrète. Pour Irénée, il ne fait aucun doute que le contenu de la foi transmise par l'Eglise est celui reçu par les Apôtres et par Jésus, par le Fils de Dieu. Il n'existe pas d'autre enseignement que celui-ci. C'est pourquoi, celui qui veut connaître la véritable doctrine doit uniquement connaître "la Tradition qui vient des Apôtres et la foi annoncée aux hommes":  tradition et foi qui "sont parvenues jusqu'à nous à travers la succession des évêques" (Adv. Haer. 3, 3, 3-4). Ainsi, succession des Evêques, principe personnel et Tradition apostolique, de même que principe doctrinal coïncident.
b) La Tradition apostolique est "unique". En effet, tandis que le gnosticisme est sous-divisé en de multiples sectes, la Tradition de l'Eglise est unique dans ses contenus fondamentaux que - comme nous l'avons vu - Irénée appelle précisément regula fidei ou veritatis:  et parce qu'elle est unique, elle crée ainsi une unité à travers les peuples, à travers les diverses cultures, à travers les différents peuples; il s'agit d'un contenu commun comme la vérité, en dépit de la diversité des langues et des cultures. Il y a une phrase très précieuse de saint Irénée dans le livre Contre les hérésies:  "L'Eglise, bien que disséminée dans le monde entier, préserve avec soin [la foi des Apôtres], comme si elle n'habitait qu'une seule maison; de la même façon, elle croit dans ces vérités, comme si elle n'avait qu'une  seule âme et un même cœur; elle proclame, enseigne et transmet en plein accord ces vérités, comme si elle n'avait qu'une seule bouche. Les langues du monde sont différentes, mais la force de la tradition est unique et la même:  les Eglises fondées dans les Germanies n'ont pas reçu ni ne transmettent de foi différente, pas plus que celles fondées dans les Espagnes, ou encore parmi les Celtes ou dans les régions orientales, ou en Egypte ou en Libye ou dans le centre du monde" (1, 10, 1-2). On voit déjà à cette époque, nous sommes en l'an 200, l'universalité de l'Eglise, sa catholicité et la force unificatrice de la vérité, qui unit ces réalités si différentes, de la Germanie à l'Espagne, à l'Italie, à l'Egypte, à la Libye, dans la vérité commune qui nous a été révélée par le Christ.
c) Enfin, la Tradition apostolique est, comme il le dit dans la langue grecque dans laquelle il a écrit son livre, "pneumatique", c'est-à-dire spirituelle, guidée par l'Esprit Saint:  en grec Esprit se dit pneuma. Il ne s'agit pas, en effet, d'une transmission confiée à l'habileté d'hommes plus ou moins savants, mais à l'Esprit de Dieu, qui garantit la fidélité de la transmission de la foi. Telle est la "vie" de l'Eglise, ce qui rend l'Eglise toujours fraîche et jeune, c'est-à-dire féconde de multiples charismes. Pour Irénée, Eglise et Esprit sont inséparables:  "Cette foi", lisons-nous encore dans le troisième livre Contre les hérésies, "nous l'avons reçue de l'Eglise et nous la conservons:  la foi, par l'œuvre de l'Esprit de Dieu, comme un dépôt précieux conservé dans un vase de valeur rajeunit toujours et fait rajeunir également le vase qui la contient. Là où est l'Eglise se trouve l'Esprit de Dieu; et là où est l'Esprit de Dieu, se trouve l'Eglise et toute grâce" (3, 24, 1).
Comme on le voit, saint Irénée ne se limite pas à définir le concept de Tradition. Sa tradition, la tradition ininterrompue, n'est pas traditionalisme, car cette Tradition est toujours intérieurement vivifiée par l'Esprit Saint, qui la fait à nouveau vivre, qui la fait être interprétée et comprise dans la vitalité de l'Eglise. Selon son enseignement, la foi de l'Eglise doit être transmise de manière à apparaître telle qu'elle doit être, c'est-à-dire "publique", "unique", "pneumatique", "spirituelle". A partir de chacune de ces caractéristiques, on peut conduire un discernement fructueux à propos de l'authentique transmission de la foi dans l'aujourd'hui de l'Eglise. De manière plus générale, dans la doctrine d'Irénée la dignité de l'homme, corps et âme, est solidement ancrée dans la création divine, dans l'image du Christ et dans l'œuvre permanente de sanctification de l'Esprit. Cette doctrine est comme une "voie maîtresse" pour éclaircir avec toutes les personnes de bonne volonté l'objet et les limites du dialogue sur les valeurs, et pour donner un élan toujours nouveau à l'action missionnaire de l'Eglise, à la force de la vérité qui est la source de toutes les véritables valeurs du monde.


wikipédia – en ligne mardi 28 juin 2016

Irénée de Lyon

Irénée de Lyon
Image illustrative de l'article Irénée de Lyon
Saint Irénée de Lyon
Naissance
vers 130
Smyrne
Décès
202  (environ 72 ans)
Lugdunum (Lyon)
Nationalité
romain de langue grecque
Vénéré par
Catholiques et orthodoxes
Fête
Irénée de Lyon (en latin Irenaeus Lugdunensis, en grec ancien Εἰρηναῖος Σμυρναῖος : Eirênaĩos « pacifique » Smyrnaĩos « de Smyrne ») est le deuxième évêque de Lyon au IIe siècle entre 177 et 202. Il est un des Pères de l'Église. Il est le premier occidental à réaliser une œuvre de théologien systématique. Défenseur de la véritable gnose, il s'est illustré par sa dénonciation de l'idéologie dualiste et des sectes pseudo-gnostiques qui la professaient.
Vénéré comme saint, il est fêté le 28 juin dans l'Église catholique et le 23 août dans l'Église orthodoxe.

Sommaire

Biographie

Vitrail représentant saint-Irénée réalisé au XIXe siècle par Lucien Bégule pour l'église Saint-Irénée de Lyon.
Pour l'essentiel, les informations dont on dispose sur la vie d'Irénée proviennent de ses propres œuvres1.
De culture et de langue grecque, Irénée est né à Smyrne en Asie Mineure vers 120 ou 130, de parents grecs et chrétiens. Il témoigne avoir connu saint Polycarpe2, qui lui-même aurait reçu l'imposition des mains de l'apôtre Jean. Saint Jérôme dit qu'Irénée fut aussi le disciple de saint Papias.
Arrivé en Gaule vers 1753, il exerça d'abord la fonction de simple prêtre, et s'associa aux travaux de Pothin, premier évêque de Lyon. Quand Pothin périt victime d’une persécution de Marc Aurèle, en 177, Irénée fut choisi pour le remplacer. Sa vie épiscopale fut alors consacrée à l'instruction des peuples et à la défense de la vérité par la lutte contre les hérésies des gnostiques et des valentiniens.
Irénée est chargé de porter la Lettre sur les martyrs de Lyon, rapportée par Eusèbe de Césarée dans son Histoire ecclésiastique4. Le billet de recommandation, qui accrédite le porteur de la lettre auprès de l'évêque de Rome Éleuthère, présente Irénée comme « presbytre » (c'est-à-dire « ancien ») de l'Église5. Ce terme peut être interprété comme la preuve de son accession à l'épiscopat lyonnais1.
Son épiscopat est marqué par une forte expansion missionnaire. Un grand nombre de diocèses sont fondés par des missionnaires envoyés par Irénée [réf. nécessaire]: c'est le cas de Besançon et Valence, qui doivent à l'évêque de Lyon leurs premiers pasteurs.
Soucieux de l'unité de l'Église, il met en valeur son nom d'homme de paix (Εἰρηναῖος signifie « Paix »). C'est ainsi qu'il intervient auprès de l'évêque de Rome lors de la querelle autour de la date de Pâques. Dans une partie de l'Asie, on célèbre Pâques le 14 Nisan, comme les juifs. Ailleurs, Pâques est fêté le dimanche suivant. Après plusieurs tentatives de résolution au cours du IIe siècle, l'évêque de Rome Victor Ier veut mettre un terme à cette dispute. Vers 190, il se décide à excommunier les évêques d'Asie. Par son intervention, Irénée, qui fête lui-même Pâques le dimanche, lui enjoint de laisser chaque Église libre dans les matières qui ne portent pas sur la Foi. Le conflit ouvert est ainsi évité. Les Églises orientales prendront progressivement et pacifiquement l'usage majoritaire1.
Il dresse la liste de succession des évêques de Rome6.
D'après les témoignages tardifs de saint Jérôme au Ve siècle et de Grégoire de Tours au VIe siècle, il serait mort martyr à Lyon en 202, victime d'un édit de persécution de Septime Sévère. Ses reliques sont conservées depuis le Ve siècle dans l'église Saint-Irénée, auprès d'autres martyrs de Lyon7, malgré le sac de l'église par les protestants du baron des Adrets en 1562.

Écrits

Fragments de papyrus (en) portant une copie du Contre les hérésies datant de 200 environ. Cambridge University Library.
Il est l'auteur d'un important ouvrage, Réfutation de la prétendue gnose au nom menteur, connu généralement sous le nom de Contre les hérésies (Adversus Hæreses). Il s'agit d'un traité contre Valentin d'Égypte et les gnostiques. Dans son traité, il mentionne entre autres l'existence d'un évangile de Judas. Jusqu'à la découverte des manuscrits de Nag Hammadi, Irénée était notre principale source de connaissances sur ce courant de la gnose. Il reste aujourd'hui encore une source indispensable.
Il n'existe de cet ouvrage qu'une traduction latine, une traduction arménienne des livres IV et V, des fragments en syriaque et en grec1.
Irénée est également l'auteur de la Démonstration de la prédication apostolique, que l'on n'a connu longtemps que par Eusèbe de Césarée. En 1904, une version arménienne est retrouvée et publiée en 1907. Cet ouvrage est un résumé de la foi chrétienne8.
Les écrits d'Eusèbe retranscrivent également des fragment de deux lettres : à Florinus et au pape Victor8.
On ne sait rien de fiable sur ses autres écrits8.

Pensée théologique

Irénée est un théologien chrétien, farouche opposant du gnosticisme (auteur des ouvrages auxquels réfère la Clavis Patrum Græcorum, n°1306-1321). Son œuvre théologique n'est pas née d'une volonté de synthèse, mais d'une réaction à la doctrine gnostique. « Comme entrainé par les gnostiques, et en particulier les valentiniens, Irénée aborde à peu près tous les domaines de la révélation »8.
Chez lui, l’autorité des Écritures est absolue : la Bible suffit pour connaître Dieu et son œuvre, toute spéculation supplémentaire est vaine. Il affirme l’unité de la foi de celle de l'Église, et soutient que l’Écriture révèle un plan de Dieu pour le salut des hommes.
Irénée est le premier à parler de la « Tradition » : contre les hérétiques, il défend la tradition de l'Église, qui revendique sa transmission par les apôtres (traditio ab apostolis : « tradition des Apôtres ») et se veut fondée sur la « règle de vérité » qui est la foi en Dieu et en son Fils Jésus-Christ.
Face aux hérétiques, qui s'appuyaient sur une Tradition "secrète" qui leur étaient propre et sélectionnaient les Écritures, saint Irénée insiste sur l'Écriture dans sa globalité et la Tradition de l'Église telle que transmise au grand jour : l'Église est une Tradition (traditio : « transmission »). Il réfute les gnostiques en décrivant avec précision leurs doctrines, en s'appuyant sur les Écritures, en dégageant des critères d'interprétation pour une lecture ecclésiale de la Bible. L'Église fut pour lui la gardienne de la vérité et de la foi des apôtres reçue dans l'Écriture. Les sources d'Irénée de Lyon sont avant tout la « tradition catéchétique » et les Écritures.
Les gnostiques prétendent aussi se rattacher aux Apôtres, mais leur tradition est sans autorité, parce qu'elle ne repose pas sur l'institution et la transmission légitime de l'autorité, au contraire des évêques qui sont héritiers de l'autorité des Apôtres. Ils ont la même autorité pour transmettre que les Apôtres pour enseigner. Ce qui apparaît ici chez Irénée, c’est une théologie de l'institution ecclésiale : la transmission de l'enseignement des Apôtres n'est pas laissée à l'initiative des docteurs privés (laïcs). Les Apôtres eux-mêmes ont constitué les organes par lesquels ils ont voulu que leur enseignement soit transmis. Seuls ces organes institués par les Apôtres ont l'autorité des Apôtres. Ce sont eux seuls qui sont les critères des doctrines et qui garantissent leur conformité avec la révélation. De ceci, Irénée voit une confirmation dans l'unité de l'enseignement des évêques. Autant les écoles gnostiques sont divisées et se contredisent, autant l'enseignement des évêques est un sur toute la surface de la terre9.
La Nouvelle Alliance reprendrait le contenu de l’Ancienne. Irénée cherche par là à éviter le rejet de l’Ancien Testament, Corpus qu'il défend contre les simplifications anti-juives.
Irénée est un millénariste, comme le montre le livre V de Contre les hérésies.
Outre son traité contre les hérésies, Irénée est aussi l'auteur d'un Exposé de la prédication des Apôtres, dont la visée est à la fois apologétique – au sens où Irénée veut défendre la foi chrétienne menacée par les sectes gnostiques – et catéchétique.
Enfin, il est possible qu'il soit l'auteur de la Lettre aux Églises d'Asie et de Phrygie, par les survivants de la persécution de Lyon (177). Nous connaissons ce document par Eusèbe de Césarée qui le transmet in extenso dans son Histoire ecclésiastique.
« Au IIe siècle, à Lyon, saint Irénée dit encore la messe en grec, longtemps resté la langue liturgique10. »
« Loi abrogée ou Loi abrégée »
Irénée commente ici une célèbre expression, la « Parole abrégée », tirée d'une citation du Livre d'Isaïe, (Is 10, 22-23) dans la Bible grecque, reprise par Paul (Rm 9, 27-28).
Les hommes devaient être sauvés, non selon la prolixité de la Loi, mais selon la concision de la foi et de l'amour. Isaïe le dit en ces termes : Il achèvera et abrégera sa parole dans la justice, car Dieu produira une parole concise dans le monde entier (Is 10, 22-23). Et c'est pourquoi l'Apôtre Paul dit : La plénitude de la Loi, c'est l'amour (Rm 13, 10), car celui qui aime Dieu a accompli la Loi. Mais le Seigneur aussi, quand on lui demanda quel était le premier commandement, déclara : Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur et de toute ta force; et le second commandement est semblable à celui-là : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. En ces deux commandements, ajouta-t-il, tiennent toute la Loi et les prophètes (Mt 22, 37-40). Ainsi, par la foi en lui, il a augmenté notre amour pour Dieu et pour le prochain, en nous rendant pieux, justes et bons.
Et ceux qu'il a rachetés, il ne veut pas qu'ils reviennent à la loi de Moïse - car la Loi a reçu du Christ son accomplissement -, mais qu'ils soient sauvés par le moyen de la foi et de l'amour envers le Fils de Dieu dans la nouveauté de la parole. Dieu a ouvert le chemin nouveau de la piété et de la justice, et il a fait jaillir avec abondance les fleuves en répandant l'Esprit saint sur la terre (Jn 7, 37-39), selon qu'il avait promis par les prophètes de répandre cet Esprit, dans les derniers jours, sur la face de la terre (Jl 3, 1-2). C'est dans la nouveauté de l'Esprit qu'est notre vocation, et non dans la vétusté de la lettre11.
« Évacuer la chair ? »
Dieu sera glorifié dans l'ouvrage par lui modelé, lorsqu'il l'aura rendu conforme et semblable à son Fils.
Car, par les mains du Père, c'est-à-dire par le Fils et l'Esprit, c'est l'homme, et non une partie de l'homme, qui devient à l'image et à la ressemblance de Dieu (Gn 1, 26). Or l'âme et l'esprit peuvent être une partie de l'homme, mais nullement l'homme; l'homme parfait, c'est le mélange et l'union de l'âme qui a reçu l'Esprit du Père et qui a été mélangée à la chair modelée selon l'image de Dieu. Et c'est pourquoi les hommes que l'Apôtre Paul nomme spirituels (1 Co 2, 15) sont spirituels par une participation de l'Esprit, mais non par une évacuation de la chair, c'est-à-dire de l'ouvrage modelé, pour ne considérer que ce qui est proprement esprit, une telle chose n'est plus l'homme spirituel, mais l'esprit de l'homme ou l'Esprit de Dieu.
La chair modelée, à elle seule, n'est pas l'homme parfait, elle n'est que le corps de l'homme, donc une partie de l'homme. L'âme, à elle seule, n'est pas davantage l'homme, elle n'est que l'âme de l'homme, donc une partie de l'homme. L'esprit non plus n'est pas l'homme, on lui donne le nom d'esprit, non celui d'homme. C'est le mélange et l'union de toutes ces choses qui constitue l'homme parfait12.

Irénée et les quatre évangiles

Irénée est, en 170, une figure importante de la défense de seulement quatre évangiles. Et seuls quatre évangiles, en effet, seront ultérieurement inscrits dans le canon du Nouveau Testament : les évangiles selon Matthieu, selon Marc et selon Luc, et l'évangile selon Jean. Irénée écrit, dans Contre les hérésies :
« Par ailleurs, il ne peut y avoir ni un plus grand ni un plus petit nombre d'Évangiles (que quatre). En effet, puisqu'il existe quatre régions du monde dans lequel nous sommes et quatre vents principaux, et puisque, d'autre part, l'Église est répandue sur toute la terre et qu'elle a pour colonne et pour soutien l'Évangile et l'Esprit de vie, il est naturel qu'elle ait quatre colonnes qui soufflent de toutes parts l'incorruptibilité et rendent la vie aux hommes. D'où il appert que le Verbe, Artisan de l'univers, qui siège sur les Chérubins et maintient toutes choses, lorsqu'il s'est manifesté aux hommes, nous a donné un Évangile à quadruple forme, encore que maintenu par un unique Esprit. »
— Irénée de Lyon, Contre les hérésies 3, 11, 8
Ainsi Irénée est-il le premier écrivain chrétien connu à avoir fait la liste des quatre évangiles canoniques. Par là, il s'opposait à Marcion qui affirmait que l'évangile selon Luc était le seul et véritable évangile13,14. Irénée fut aussi le premier auteur connu à affirmer que l'évangile selon Jean était écrit par Jean l'apôtre15, et que l'évangile selon Luc était écrit par Luc, le compagnon de Paul16.
Irénée, dans Contre les hérésies III,1, rapporte ainsi la rédaction des Évangiles :
« Matthieu entreprit donc aussi d'écrire son Évangile chez les Hébreux et en leur propre langue, pendant que Pierre et Paul annonçaient l'évangile à Rome et y fondaient l'Église. D'un autre côté, après leur départ, Marc, le disciple et l'interprète de Pierre, nous transmit lui aussi par écrit ce que son maître prêchait, et Luc, le compagnon de Paul, mit dans un livre, l'évangile que celui-ci annonçait. Ensuite Jean, le disciple du Seigneur, qui a reposé sur sa poitrine, publia lui aussi l'Évangile, tandis qu'il habitait à Éphèse en Asie17

Notes

  1. a, b, c et d Di Berardino et Vial 1990, p. 1231.
  2. « Non seulement Polycarpe fut disciple des apôtres et vécut avec beaucoup de gens qui avaient vu le Seigneur, mais c’est encore par des apôtres qu’il fut établi, pour l’Asie, comme évêque de Smyrne. Nous-même l’avons vu dans notre prime jeunesse – car il vécut longtemps et c’est dans une vieillesse avancée que, après avoir rendu un glorieux et très éclatant témoignage, il sortit de cette vie –. Or il enseigne toujours la doctrine qu’il avait apprise des apôtres, doctrine qui est aussi celle que l’Église transmet et qui est la seule vraie. » Contre les hérésies, III, 3, 4.
  3. Pierre HADOT, « IRÉNÉE DE LYON (130 env.-env. 208) », Encyclopædia Universalis [en ligne],‎ consulté le 4 janvier 2016 (lire en ligne [archive]).
  4. Eusèbe de Césarée, Histoire ecclésiastique, V, 2.
  5. Eusèbe de Césarée, Histoire ecclésiastique, V, 4, 1-2.
  6. Cfr. Contre les hérésies, III, 3, 3 : « Donc, après avoir fondé et édifié l'Église, les bienheureux apôtres remirent à Lin la charge de l'épiscopat ; c'est de ce Lin que Paul fait mention dans les épîtres à Timothée [2Tm 4. 21 [archive]]. Anaclet lui succède. Après lui, en troisième lieu à partir des apôtres, l'épiscopat échoit à Clément. […] À ce Clément succède Évariste ; à Évariste, Alexandre ; puis, le sixième à partir des apôtres, Xyste est établi ; après lui, Télesphore, qui rendit glorieusement témoignage ; ensuite Hygin ; ensuite Pie ; après lui, Anicet ; Soter ayant succédé à Anicet, c'est maintenant Éleuthère qui, en douzième lieu à partir des apôtres, détient la fonction de l'épiscopat. ».
  7. Site « Lyon des gones » [archive] : article sur l'église Saint-Irénée.
  8. a, b, c et d Di Berardino et Vial 1990, p. 1232.
  9. Jean Daniélou, L'Église des premiers temps, des origines à la fin du IIIe siècle, Paris, Seuil, coll. « Points Histoire », 1985 (ISBN 2-02-008746-4), p. 121.
  10. Pierre Chaunu et Éric Mension-Rigau, Baptême de Clovis, baptême de la France, De la religion d'État à la laïcité d'État, Paris, Balland, 1996, p. 73.
  11. Démonstration de la prédication apostolique, 87-90, trad. A. Rousseau (Sources Chrétiennes 406), Cerf, Paris, 1995, p. 201-205
  12. Contre les hérésies, V, 6, 1, trad. A. Rousseau, Cerf, Paris, 1984, p. 582-583
  13. Glenn Davis, The Development of the Canon of the New Testament : Irenaeus of Lyons [archive]
  14. Raymond Edward Brown An Introduction to the New Testament [archive], Anchor Bible, 1re édition, 1997 (ISBN 978-0-385-24767-2), p. 14.
  15. Ibid, p. 368.
  16. Ibid, p. 267.
  17. Cité par Eusèbe de Césarée, Histoire ecclésiastique, V,8.

Bibliographie

Ouvrages d'Irénée de Lyon

  • Contre les hérésies (188), trad. Adelin Rousseau et Louis Doutreleau, Cerf, coll. "Sources chrétiennes". Livre I , n°263-264, 2 vol. , 1979 ; Livre II , n°293-294, 2 vol. , 1982 ; Livre III, n°210-211, 2 vol. : 1974 ; Livre IV, n°100, 1965, 1008 p. ; Livre V, n°152-153, 2 vol. , 1969.
  • Démonstrations de la prédication apostolique, trad. Adelin Rousseau, Cerf, coll. "Sources chrétiennes" n°406, 1995.
  • Contre les hérésies. Dénonciation et réfutation de la gnose au nom menteur, trad. Adelin Rousseau, Cerf, coll. "Sagesses chrétiennes", 3° éd. 1991, 752 p.

Ouvrages généraux

  • A. Di Berardino et Fr. Vial, Dictionnaire encyclopédique du christianisme ancien, vol. 1 : A-I, Cerf, 1990 (ISBN 2-204-03017-1)

Études sur Irénée de Lyon

  • Ysabel de Andia, Homo vivens, incorruptibilité et divinisation de l'homme selon Irénée de Lyon, Études augustiniennes, 1986 (ISBN 978-2-851-21068-5).
  • Yves-Marie Blanchard, Aux sources du Canon, le témoignage d'Irénée, avec le concours de l'Institut catholique de Paris, 1993
  • Tremblay, Réal, La manifestation et la vision de Dieu selon saint Irénée de Lyon, Éditeur Aschendorff (Münster), Collection Münsterische Beiträge zur Theologie 1978.
  • Jacques Fantino, La théologie d'Irénée, Paris, Éditions du Cerf, Collection Cogitatio fidei, 1994, 450 pages.
  • Jean Comby et Donna Singles, La gloire de Dieu, c'est l'homme vivant, traduction des textes d'Irénée par Adelin Rousseau, Cerf, Paris, 2007 (ISBN 978-2-204-08478-9)
  • Marie-Laure Chaïeb, Irénée de Lyon : « Contre les hérésies », lu par Marie-Laure Chaïeb, Éditions du Cerf, 2011.
  • Dom Cyril Pasquier, Aux portes de la gloire, Analyse théologique du millénarisme de saint Irénée de Lyon, 2008. 176 p. (ISBN 978-2-8271-1044-5).
  • E. Massaux. Influence de l'Evangile de Saint Mathieu sur la littérature chrétienne avant Saint Irénée.Thèse défendue et éditée en 1950. Réimpression anastatique avec Supplément Bibliographique 1950-1985, Leuven University Press, Leuven-Louvain, 1986, ISBN 90 6186 214 0.
  • F. Vernet, Irénée de Lyon, dans le Dictionnaire de théologie catholique.

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