mardi 1 août 2017

Diable



wikipédia à jour au 19 juillet 2017


Représentation du diable selon Dante Alighieri.

Le Diable (en latin : diabolus, du grec διάβολος / diábolos, issu du verbe διαβάλλω / diabállô, signifiant « celui qui divise » ou « qui désunit » ou encore « qui détruit ») est un nom propre général personnifiant l'esprit du mal (aussi appelé Lucifer ou Satan dans la Bible). Le mot peut aussi être un nom commun désignant des personnages mythologiques malfaisants, un ou des diables, avec une minuscule.
Dans le manichéisme, le « mal » est à égalité avec le principe du « bien », l'un et l'autre correspondant à dieu. Dans la tradition judéo-chrétienne, le « mal » et le « bien » ne sont pas égaux : les anges déchus étaient des créatures de Dieu qui n'ont pas été créés mauvais mais ont chu en se voulant les égaux de Dieu et en le rejetant ; eux et leur chef appelé « le Diable » tentent de répandre le mal en agissant auprès des hommes par la tentation. Ce faisant, le Diable a rejeté le bien et il est à l'origine du mal : « Il a été meurtrier dès le commencement, et il ne se tient pas dans la vérité, parce qu'il n'y a pas de vérité en lui. Lorsqu'il profère le mensonge, il parle de son propre fonds ; car il est menteur et le père du mensonge » (Jean chapitre 8 verset 441).
À l'origine du mal, esprit du mal dans le monde, il est représenté sous un aspect qui varie entre l'homme et l'animal réel ou imaginaire (ours2, bouc, dragon, rapace, etc.), le plus souvent aux traits hideux et repoussants.
L'existence d'une entité représentant la personnification du mal sous tous ses aspects et combinant les fonctions de maître de l'inframonde, destructeur du cosmos et responsable des pires aspects de l'humanité semble être apparue avec le monothéisme. L'élaboration de cette figure originale emprunte néanmoins aux religions polythéistes pratiquées au Moyen-Orient et aux influences desquelles les auteurs de la Bible furent soumis.

Sommaire

Personnifications du mal dans les religions polythéistes

  • Il semble que la notion de division de puissance en une force du bien et une du mal soit relativement récente dans l’histoire des croyances. Dans les cultes plus primitifs, le bien et le mal sont tous deux issus de la même déité, puisque celle-ci était considérée comme contenant tout ce qui existe. La même déité était donc à la fois capable de bien et de mal. Un exemple en est donné par la déesse à tête de lionne de l’Égypte antique Sekhmet qui détruisit l’humanité (sur ordre de ) mais était aussi vénérée pour son pouvoir de protection et de guérison. On peut aussi citer Loki, dieu scandinave qui tua vicieusement Balder, mais qui sauva le domaine des dieux Aesirs de la géante Skadi.
  • Dans les religions primitives, chaque clan ou tribu possédait son dieu avec tous ces attributs, cause du bien et du mal qui arrive aux hommes. Le polythéisme est considéré, dans cette argumentation, comme un rapprochement des divers clans, chacun possédant sa propre divinité. L’union du dieu mâle et d’un dieu femelle reflète l’union réussie et égalitaire de deux clans. Lorsqu’au cours du rapprochement de deux clans une divinité en remplace une autre pacifiquement, elle est alors décrite comme ayant été engendrée par l’ancien dieu : elle est le fils ou la fille de ce dieu alors déchu et dont le culte devient secondaire.
    Enfin, et c’est là que l’origine du principe du mal personnifié pourrait résider, lorsqu'un clan est belliqueusement conquis, la déité du clan se voit attribuer tous les principes mauvais et était considérée par les conquérants comme la source de tout le mal et, par conséquent, devenait source de peur et de crainte. Un exemple de cette théorie est donné par l’évolution du culte de Seth (Setekh) dans l’Égypte antique au profit de celui d’Horus, voir paragraphe ci-dessous consacré à l'Égypte.
  • La plupart des religions précédant le christianisme intègrent un ou plusieurs dieux incarnant le mal, qui par certains aspects rappellent le Diable des religions monothéistes. Contrairement à la vision chrétienne cependant, ces divinités ont généralement un double visage et parallèlement à leur dimension malveillante, sont l'objet d'un culte pour leurs aspects positifs. Elles ne sont en outre fréquemment la cause que d'une des facettes du mal et de ses manifestations.

Mésopotamie

La religion mésopotamienne est l'une des premières à représenter l'univers comme le champ de bataille de l'affrontement cosmique entre le bien et le mal. L'épopée de Gilgamesh, le plus ancien texte connu, marque déjà la première apparition d'un personnage diabolique dans la figure de Huwawa. Ce géant monstrueux garde la forêt de cèdres dans laquelle Gilgamesh veut couper le bois qui manque à son peuple. Gilgamesh occit le monstre mais n'en retire aucune gloire et se voit au contraire puni par Enlil, seigneur du ciel et roi des dieux. Huwawa au-delà de ses aspects terrifiants (« son rugissement est comme celui d'une tempête, sa bouche est le feu et son souffle est la mort ») représente en effet une force naturelle au caractère sacré.

Perse

Zarathoustra bouleverse la religion perse (le mazdéisme) en remplaçant les dieux existants par deux entités, l'une bénéfique, Ahura Mazda, dieu de la lumière apportant l'ordre, l'autre Ahriman ou Angra Mainyu, présidant aux forces destructrices. Cependant, Ahriman est subordonné à Ahura Mazda. Cette interprétation donne au dieu bienveillant le rôle de juge ultime qui laisse les démons tenter l'humanité et n'intervient qu'en dernier recours pour empêcher la victoire du mal.

Égypte

Anubis, le seigneur de la nécropole
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Les Égyptiens n'avaient pas à proprement parler de Diable dans leur panthéon. Le mal pourrait être associé à Seth qui découpa son frère Osiris. Pour ce qui est de l'au-delà ; la tradition voulait que la déesse Maath pèse le cœur des morts à l'aide de la plume de la vérité. Si l'homme avait des choses à se reprocher alors le cœur était plus lourd que la plume et le condamné finissait avalé par une hideuse créature mélangeant hippopotame, lion, serpent et se retrouvait alors selon leurs croyance dans le néant. Anubis, souvent considéré a tort comme le diable égyptien n'avait d'autre rôle que de guider les morts et de veiller sur la nécropole où étaient admis les gens jugés dignes d'y rester. Pour les peuples de Basse Égypte, Seth était un dieu bienveillant, rôle occupé par Horus (et Osiris) en Haute Égypte. Lors de l’unification de la haute et de la basse Égypte, Horus et Seth devinrent, dans un premier temps, frères, et furent vénérés comme un dieu bifide Hâpy, puis, le temps aidant, Seth fut considéré comme inférieur à Horus pour finalement personnifier la source de tout mal, le Satan de l’ancienne Égypte. Seth fut fréquemment représenté comme un serpent noir, un porc noir ou encore par un homme aux cheveux roux (les mots rouges et désert - la basse Égypte où Seth était vénéré est désertique - sont très proches l’un de l’autre en hiéroglyphique égyptien). On trouve un point de vue intéressant sur la confrontation d'Horus et de Seth dans " la magie d'Hénok ", en particulier dans la quatrième partie. Hiramash y avance l'idée que Seth était le dieu de la Volonté, représentant l'époque matriarcale de l'Humanité, tandis qu'Horus était le dieu de l'Amour, représentant l'époque patriarcale qui aurait suivi. Horus aurait, selon cet auteur, évincé Seth pour installer un règne de puissance, prétextant l'Amour pour se détourner de la sexualité et des forces de la Terre ; Seth est alors "requalifié en Diable" par Horus le vainqueur, et par conséquent tout ce qui est féminin sera désormais considéré comme au mieux inférieur, au pire diabolique. Toujours selon cette hypothèse, le règne d'Horus marquerait le début des grandes institutions, des États et des polices dans le monde entier.

Canaan

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Grèce

Haut-relief de Pan, connu comme « satyre della Valle », près du théâtre de Pompée.
  • Si la distinction entre le bien et le mal est parfois diffuse, de nombreuses déités présentant deux facettes, l'une bienveillante et l'autre malveillante, Hésiode affirme néanmoins que les mauvaises actions sont punies par les dieux qui confient aux Érinyes la tâche de tourmenter ceux qui vont contre les lois du cosmos. C'est avec Platon qu'apparaît une distinction plus claire entre l'aspiration au monde des idées et la tentation de céder aux besoins matériels (une opposition inspirée notamment par le combat de Zeus et Dionysos contre les Titans).
  • Si la Grèce antique est le berceau de la philosophie, les philosophes grecs ont cependant eu une faible influence sur la vision anthropomorphique que leurs contemporains, dans toutes les strates de la société, avaient des dieux et expliquaient encore par des travers très humains les vicissitudes de leur existence.
  • La mythologie grecque a marqué la représentation du démon dans le christianisme médiéval, en particulier à travers Hermès (le messager des dieux est en effet également le dieu des voleurs et celui qui mène les morts dans l'infra-monde) mais surtout son fils, Pan. Celui-ci transmettra en effet au diable cinq de ses traits de caractère les plus reconnaissables : les sabots, les cornes, le bouc, les pattes velues et l'odeur pestilentielle. Satan héritera en outre de sa dimension de personnification de l'érotisme.[réf. nécessaire] En particulier, sous l'influence d'Augustin d'Hippone et d'autres Pères de l'Église qui voient dans la recherche effrénée de l'érotisme un obstacle à la vie de l'âme, les artistes se tourneront vers Pan comme source d'inspiration pour la représentation d'un démon qui en faisant paraître les séductions terrestres comme des absolus, détourne de la vie spirituelle.

Le Diable dans les religions abrahamiques

D'un point de vue théologique, le diable est considéré comme un ange révolté contre Dieu, déchu et précipité en enfer (sur terre), qui pousse les humains à faire le mal. Si certaines traditions considèrent que le mal vient aussi de Dieu, et que le diable n'est qu'un de ses aspects ou de ses agents, la plupart lui donnent une dimension autonome. Dans ce cas, selon certains, Dieu laisse dans une certaine mesure le champ libre au diable, tout en conservant la possibilité de le réenchaîner, alors que pour les Manichéens la lutte entre ces deux forces ne peut être arbitrée que par l'Homme.

Judaïsme

Le judaïsme est monothéiste. Dieu est adoré pour sa bonté et redouté pour sa colère ; il est unique, transcendant, omnipotent et éternel : « Je forme la lumière et je crée les ténèbres, je fais le bonheur et je crée le malheur : c'est moi, le Seigneur, qui fais tout cela3. » Le concept de Diable est associé dans la Bible à trois figures : le Serpent de la Genèse, l'ange déchu évoqué par les Psaumes, Isaïe et Ézéchiel ; le Satan évoqué par le Livre de Job et le Premier livre des chroniques.

Serpent

Dans la Genèse, un serpent, doué de parole et résidant dans le jardin d'Éden, séduit la première femme, Ève, l'incitant à manger du Fruit défendu de l'Arbre de la connaissance du bien et du mal, ce qui entraînera l'expulsion du jardin d’Éden, et vaudra au Serpent d'être maudit, de marcher sur le ventre (il n'était donc pas apode), et de manger de la poussière tous les jours de sa vie. De plus, sa postérité et celle de la femme se livreront une guerre constante, on lui écrasera la tête, il leur blessera le talon (Gen. 3:14-15).
Le Nahash n'est pas nommé ni identifié à Satan dans le Livre de la Genèse, ni à une divinité comme dans les autres systèmes de croyance, quoiqu'il apparaisse comme un des rares animaux du Pentateuque à pouvoir parlerN 1. Le mot que la Bible emploie pour « rusé » (עַרְם / 'eirom) est très proche de l'adjectif « nu » (עָרוּם / 'aroum).

Anges déchus

  • Le Psaume 82, préfigurant la descente aux enfers de Satan, indique : « Dieu s'est dressé dans l'assemblée divine, au milieu des dieux, il juge : [...] Je le déclare, vous êtes des dieux, vous êtes tous des fils du Très-Haut, pourtant vous mourrez comme les hommes, vous tomberez tout comme les princes. »
  • Le Livre d'Isaïe contient un passage qui a été interprété comme une mention de la chute de l'ange rebelle : « Te voilà tombé du ciel, Astre brillant, fils de l'aurore ! Tu es abattu à terre, Toi, le vainqueur des nations ! Tu disais en ton cœur : Je monterai au ciel, J'élèverai mon trône au-dessus des étoiles de Dieu ; Je m'assiérai sur la montagne de l'assemblée, A l'extrémité du septentrion ; Je monterai sur le sommet des nues, Je serai semblable au Très Haut. Mais tu as été précipité dans le séjour des morts, dans les profondeurs de la fosse4. » La raison de la chute semble résider dans un orgueil et une volonté de s'égaler à Dieu et cette opinion a prévalu dans la tradition chrétienne. Ce passage du livre d'Isaïe pourrait faire référence au roi déchu de Babylone, ce que semble clairement confirmer la suite (Isaïe 14, 4).
  • Le Livre d'Ezéchiel fait également référence à un ange déchu, un « chérubin protecteur » : « Je t'avais installé, et tu y étais, sur la sainte montagne de Dieu [...] et ce jusqu'à ce qu'on trouve de l'injustice en toi5. »
  • Par la suite, cette autonomie sera reprise et développée mais hors du canon biblique, dans la littérature apocryphe et les croyances populaires. Ainsi, le Livre d'Hénoch en particulier décrit la corruption des anges gardiens, séduits par les « filles de la terre ». Cette version présente dans le texte éthiopien, cohabite avec celle d'un autre texte plus récent appelé le livre d'Hénoch slave, qui présente l'ambition de défier Dieu en se plaçant sur un pied d'égalité comme l'origine de la chute de Lucifer. Cette littérature établit donc un lien entre le démon et la sexualité, ainsi qu'avec les femmes qui sera largement repris et amplifié au Moyen Âge, bien que ces passages ne soient pas inclus dans le canon de l'Ancien Testament juif ou chrétien.

Satan

  • Après l'exil et la réduction en esclavage à Babylone au VIe siècle av. J.-C., les Juifs s'interrogent sur leur statut de peuple élu. L'incompréhension des Juifs qui peinent à accepter leurs propres péchés comme seule justification des fléaux qui s'abattent sur eux amène à des développements théologiques dont on retrouve la trace principalement dans le Livre de Job. Ce passage marque en effet la première apparition explicite de Satan. Littéralement « adversaire » ou quelqu'un qui s'oppose, le personnage apparaît plusieurs fois dans l'Ancien Testament et peut-être traduit de différentes manières en fonction du contexte ; le Livre de Job est néanmoins la première apparition nominative, explicite (on ne parle plus de "serpent" par exemple) de celui-ci. Il y apparaît comme un tourmenteur de l'humanité, personnifiée pour l'occasion par Job, un tourmenteur que Dieu ne laisse agir que dans les limites de ce que l'humanité peut supporter et pour rendre volontaire son choix de Dieu. En effet, Satan, soutient à Yahvé que la fidélité de Job n'est que le résultat des bontés qui lui ont été accordées et que si sa foi était mise à l'épreuve, sa loyauté ne durerait pas. Satan se voit donc accorder par Dieu la liberté de faire le mal dans le seul but de tester la sincérité de la foi de Job. Alors le Seigneur dit à l'Adversaire : « Soit! Il est en ton pouvoir ; respecte seulement sa vie6 ». Cependant, malgré toutes les épreuves, Job ne renie pas son dieu : « Sorti nu du ventre de ma mère, nu j'y retournerai. Le Seigneur a donné, le Seigneur a ôté : Que le nom du Seigneur soit béni7. » L'essentiel du texte du Livre de Job est constitué par le dialogue avec ses quatre amis au cours duquel Job exprime la détresse de l'humanité face à une adversité qu'elle ne parvient pas à s'expliquer. Ce texte est fondamental dans la compréhension du personnage de Satan dans la tradition judéo-chrétienne. Il y est nominativement mis en scène et s'il n'a pas le statut d'égal de Dieu, il a son autonomie.
  • Dans le premier livre des Chroniques8, le mot śāṭān apparaît à la forme indéfinie et c'est le seul endroit dans la Bible hébraïque où cette forme désigne peut-être un nom propre (« Satan ») et pas un nom commun (« un satan »). Ce passage indique que c'est Satan qui a incité David à recenser le peuple. Dans le passage parallèle du premier livre de Samuel9, c'est pourtant Yahweh qui est à l'origine de ce recensement. Différentes explications ont été proposées pour expliquer ce transfert de responsabilité de Yahweh à Satan. Lorsque l'auteur des Chroniques retravaille le livre de Samuel, il a pu vouloir exonérer Yahweh d'un acte manifestement condamnable. Une autre explication y voit une réflexion sur l'origine du mal dans la littérature biblique tardive. La littérature ancienne, dont Samuel, ne connaît qu'une seule cause dans l'histoire humaine : Yahweh. Le Chroniste semble proposer un nouveau développement en introduisant une cause secondaire, Satan.

Christianisme

Article détaillé : Démons dans le christianisme.
illustration du Codex Gigas (XIIIe siècle), lui valant le surnom de « bible du démon ».
Saint Augustin et le diable, Michael Pacher (env. 1471).
Vitrail de la Sainte Chapelle.
Tête de diable sculptée (abbaye de Sénanque).

Nouveau Testament

  • Les évangiles synoptiques font une place prédominante à l'affrontement entre Jésus et le démon. Des premières confrontations dans le désert jusqu'à la bataille finale sur le mont Calvaire, ils se présentent comme le récit d'une bataille entre le bien et le mal. Jésus mène bataille pour le bien en exorcisant le démon, illustrant ainsi une représentation du monde terrestre aux mains de forces démoniaques responsables de tout le mal. C'est probablement dans Jean que ce dualisme est le plus marqué : « Vous avez pour père le diable, et vous voulez accomplir les désirs de votre père. Il a été meurtrier dès le commencement, et il ne se tient pas dans la vérité, parce qu’il n’y a pas de vérité en lui. Lorsqu’il profère le mensonge, il parle de son propre fonds ; car il est menteur et le père du mensonge10. » Les propos de Jésus faisant régulièrement état du libre arbitre de l'homme qui doit prouver sa vertu en choisissant de renoncer au péché auquel le diable incite pour gagner sa place au paradis.
  • À l'époque de la rédaction du Nouveau Testament, le canon de la Bible n'est pas fixé et la littérature apocryphe juive est largement répandue, Il n'est donc pas étonnant que l'on retrouve une influence de celle-ci dans les Évangiles.[réf. nécessaire] Certains prétendent noter une convergence entre la vision du bien et du mal des Évangiles et la pensée de Platon : la distinction entre le corps (associé à la tentation, au péché et donc au démon) et l'esprit (l'âme, à l'origine de la vertu salvatrice) constitue l'une des caractéristiques distinctives les plus marquantes de la vision du bien et du mal dans les Évangiles. Les apôtres semblent en outre convaincus de l'imminence de l'avènement du Royaume de Dieu et placent donc un accent particulier sur la purification de l'âme dans cette perspective. En particulier pour Paul, Satan apparaît dans ce contexte comme l'adversaire de l'humanité au sens de l'Ancien Testament, une approche que l'on retrouve surtout dans ses épîtres : « Pour nous, frères, après avoir été quelque temps séparés de vous, de corps mais non de cœur, nous avons eu d’autant plus ardemment le vif désir de vous voir. Aussi voulions-nous aller vers vous, du moins moi Paul, une et même deux fois ; mais Satan nous en a empêchés11. »
  • Le livre de l'Apocalypse, attribué à l'évangéliste Jean, expose la vision la plus saisissante du diable, et on y trouve l'unique récit d'un affrontement cosmique de la Bible (chapitre 12). Le démon y prend l'aspect du monstre le plus effrayant : « un autre signe parut encore dans le ciel ; et voici, c'était un grand dragon rouge, ayant sept têtes et dix cornes, et sur ses têtes sept diadèmes. Sa queue entraînait le tiers des étoiles du ciel, et les jetait sur la terre. » Il y est également fait mention du nombre de la Bête qui vaut 66612. Ce passage est généralement interprété comme faisant allusion au Diable, il existe toutefois d'autres interprétations.

Tentateur des hommes

  • Héritier du Judaïsme, le Christianisme reprend l'idée du Diable personne et non notion ; une personne qui agit, et non seulement sur le plan moral par la tentation des fidèles, mais qui agit dans le monde et le séduit pour le séduire et l'amener contre les fidèles de Dieu : les Égyptiens contre Israël, l'Empire romain contre les premiers Chrétiens. La Vérité ne pouvant que séduire dans la pensée chrétienne, les persécutions ne peuvent s'expliquer que par l'action du démon, venir de ses mensonges. L'Empire romain, premier persécuteur est donc naturellement le premier à se voir qualifier de légion du démon.
  • Cette vision se généralise progressivement pour s'étendre à toutes les divisions qui apparaissent au sein même de l'Église : le diable, le diviseur, est considéré comme à l'origine des disputes et des hérésies. Alors que le canon de la Bible n'est pas encore fixé et que les apôtres et leurs successeurs débattent encore de la nature de l'enseignement du Christ, l'accusation d'hérésie est fréquente et sous-entend une inspiration démoniaque ; les errements des autres chrétiens ne pouvant s'expliquer que par l'intervention du « prince des menteurs ». Considérer le Diable comme le responsable des divisions entre Chrétiens, comme l'inspirateur des croyances hérétiques et des rites qui en découlent amène peu à peu à accuser les gnostiques, puis les bogomils et les cathares de pratiquer des rites volontairement sataniques.
  • Cependant, le Christianisme considère que si le diable est souvent à l'œuvre, il ne l'est que par le biais des hommes qui demeurent responsables de leurs actes : le premier concile de Braga dans son canon 8, déclare qu'il ne peut être à l'origine des catastrophes naturelles. Le Christianisme refuse également de voir en lui le pendant mauvais de Dieu et s'oppose en cela à la vision dualiste, héritée du Zoroastrisme, des gnostiques, bogomils et cathares. Pour ces derniers le diable occupe une position clef puisqu'il est considéré non seulement comme le maître du monde matériel dans lequel l'humanité se débat (Dieu étant le maître du monde spirituel) mais comme son créateur, alors que pour le judéo-christianisme, Dieu est créateur du ciel et de la terre : les choses matérielles sont donc bonnes par nature, seul leur usage peut être mauvais.

Chef des anges déchus

  • Selon l'enseignement du catéchisme de l'Église catholique romaine, les anges furent tous créés par Dieu pour être bons mais certains devinrent mauvais et se retournèrent contre leur créateur13. Après s'être rebellé contre Dieu par orgueil, l'ange déchu mentionné par Isaïe14 et Ézéchiel15, fut assimilé au Diable, identifié également au Serpent de la Genèse et au Satan du Livre de Job16. Satan, est le roi des « démons » qui sont les anciens anges qui, avec lui, se sont révoltés et ont chuté, devenant les ennemis de l'humanité et de Dieu.
  • Les anges n'ayant pas besoin de la foi puisqu'ils ont déjà la connaissance de toutes les choses célestes, leur rébellion contre Dieu constitue un acte impardonnable17.

Inspirateur des autres religions

  • Alors que la chrétienté cherche à s'étendre au-delà des frontières de l'ancien Empire romain et est confrontée à de nombreuses et diverses croyances païennes, les divinités locales sont assimilées au diable : il faut attendre Vatican II pour voir considérer les autres religions comme la marque d'une recherche de la Vérité digne de respect, même lorsqu'elles portent atteinte à la dignité de l'homme, cette atteinte étant due à l'ignorance plus qu'à un choix délibéré.
  • Quand l'extension de Islam prend de l'ampleur et s'étend jusqu'en Europe, la menace est vue comme inspirée du démon. Les préparatifs de ces expéditions donnent lieu par ailleurs à des persécutions populaires contre les Juifs (diabolisés par la vindicte populaire car ils refusent de payer l'impôt levé spécialement pour la Croisade) ce qui suscite les protestations du Pape18.

Représentations

Les symboles associés au Diable.
Une vision de l'enfer, avec un diable (diablesse ?) écrasant les damnés (bas-relief du portail du Jugement Dernier de la cathédrale Notre-Dame de Paris).

  • Parler du diable est une chose familière et commune aux Chrétiens. Sa nature et ses pouvoirs sont définis peu à peu et si les théologiens débattent de ces questions sur le plan spirituel, la masse des croyants conserve une vision très imagée du démon. Le Malin est généralement représenté comme une figure humaine dégénérée plus que comme un monstre surnaturel. Sur le plan profane, les contes populaires qui le mettent en scène font de lui un adversaire sans grand pouvoir et aisément trompé. Ses représentations sont d'ailleurs quasi inexistantes avant le VIe siècle (sa première représentation connue figure dans une église de Ravenne, sous les traits d'un beau jeune homme, un ange bleu assis à la droite de Dieu19).
  • À partir du Haut Moyen Âge, l’iconographie chrétienne représente le diable comme un être anthropomorphe effrayant, velu, avec des cornes, des griffes et les caractéristiques du bouc (cornes, pieds et queue fourchue), représentations qui proviendraient du folklore de l'incube20, du dieu romain Pan ou encore des satyres19. Cette iconographie ne devient vraiment courante et accessible qu'avec les églises romanes dont la statuaire et les vitraux donnent corps au démon décrit dans les Historiæ du moine Raoul Glaber qui est le premier, au début du XIe siècle, à décrire le diable issu d'un de ses songes comme un être de petite taille, la peau ridée, un visage difforme, le crâne allongé avec un museau de chien et des oreilles hérissées, une barbe de bouc, des griffes, les cheveux sales et raides, les dents d’un chien, une bosse sur le dos, les fesses pendantes, les vêtements malpropres21.
  • Le diable sort de la sphère des théologiens et des monastères au XIIe siècle, les croyances populaires opérant un syncrétisme entre des forces surnaturelles païennes et des éléments chrétiens de base, aussi le diable prend-il des apparences innombrables22.
  • La représentation du diable de plus en plus gros et bestial à partir du XIIe siècle traduit la volonté des Églises catholique et protestante d’éduquer la population par la peur (notion de l’ordre et intervention du démon lorsque les lois sont transgressées), par le biais de la littérature notamment (telle la démonologie qui se développe au XVe siècle ou la littérature des livres du diable (de) en Allemagne à partir des années 1545), mais, malgré la diffusion des ouvrages, cette pédagogie touche peu les masses populaires. Cette religion de la peur ne devient efficace qu'à partir du XVIe siècle et atteint son apogée au XVIIe siècle, comme en attestent l'œuvre sur les homélies dominicales de l'évêque Jean-Pierre Camus23, les histoires des almanachs ou les faits divers relatés dans les « canards sanglants »24. La multiplicité des représentations folkloriques du diable fait que la pédagogie de la peur décline à partir du siècle des Lumières qui voit les philosophes combattre l'Obscurantisme religieux25.
  • Par la suite, la représentation du Diable s'humanise, suscitant l'empathie des artistes qui le représentent, voyant en lui la face sombre des pulsions de l'Homme19.
  • À partir du XIXe siècle, apparaissent les symboles les plus courants associés au Diable :
  1. Les croix renversées ;
  2. Le pentagramme (voir ci-dessus Dans la chrétienté) ;
  3. Le serpent et les bêtes à cornes (bouc, etc.) ;
  4. Le triangle noir, symbole de la haine.

Évolution de la perception de la nature du diable

En 2017, à la question de savoir si le mal est un processus de la psychologie humaine ou provient d'une entité supérieure, le supérieur général des Jésuites Arturo Sosa déclara27,28 :
« De mon point de vue, le mal fait partie du mystère de la liberté. Si l'être humain est libre, vous pouvez choisir entre le bien et le mal. (...) Nous avons des chiffres symboliques, comme le diable, pour exprimer le mal. »
Cette position personnelle ne représente toutefois pas un changement dans le dogme de l'église et n'est pas partagée par le pape François.

Islam

Dans la religion musulmane, le diable est appelé « Šayṭān » (arabe : شيطان) dont le nom propre est Iblis. Lorsqu'Allah (Dieu) créa le premier homme nommé « Adam », Il demanda à tous les anges de se prosterner devant lui, mais Iblis (qui est un jinn et non pas un ange)29 refusa30, prétendant que lui qui a été créé de feu ne se prosternerait pas devant un être créé d'argile31. Il s'est donc enflé d'orgueil et c'est ainsi de par son arrogance et le refus d'obéir à Dieu qu'il fut maudit. Iblis, dans son orgueil demanda alors à Dieu par défiance de lui accorder un délai (le laisser vivre jusqu'à la fin du monde) pour égarer les hommes (qu'il hait) du droit chemin. Allah lui accorda ce délai32. Adam et sa femme furent placés au paradis ; Allah leur accorda de jouir de tout ce qui s'y trouvait, seul un arbre leur était défendu. Iblis les induisit en erreur, en leur faisant croire qu'Allah leur interdisait l'arbre en question car manger de celui-ci les transformerait en anges (créatures de lumière). Le couple céda à la tentation et Allah les fit descendre sur Terre33. Dans la religion islamique, exactement comme dans le christianisme et le judaïsme, la responsabilité de la chute n'est pas attribuée à Ève seule. Il est simplement dit que le Démon les tenta34. Quand le mot « satan » est utilisé comme nom propre, il s'agit du chef des démons, Iblis. Iblis fait partie des jinns, créatures de feu qui ont, comme les hommes en islam, le libre-arbitre. Alors que les anges sont des créatures de l'ordre de la lumière, les djinns seraient des créatures de l'ordre du feu antérieures à la création d'Adam.
« Sourate XV-27 : Quant aux Djinns,
nous les avions créés, auparavant,
d'un feu d'une chaleur ardente. »
Iblis s'est enflé d'orgueil et il déteste les humains. Il a des enfants qui sont des démons à son service, ils ne peuvent vivre autant que lui. Iblis et ses acolytes n'ont de cesse d'égarer les hommes depuis la nuit des temps par tous les moyens imaginables ; Iblis circonvient les humains en leur présentant le Mal sous des apparences trompeuses, il les jette dans l'aberration et suscite toutes les formes de mécréances35.

Psychanalyse

Au début du XXe siècle, Sigmund Freud apporte un nouvel éclairage à la figure du diable et tente la première approche scientifique des cas de "possession". En étudiant dans Une névrose démoniaque au XVIIe siècle un cas de supposée possession démoniaque en pleine chasse aux sorcières, il suggère que les accusations portées expriment en fait le refoulement des pulsions sexuelles que la morale de l'époque réprouve particulièrement. Freud explique que "le diable n'est pas autre chose que l'incarnation des pulsions anales érotiques refoulées".
Cette interprétation s'inscrit dans le cadre de la théorie qu'il développe selon laquelle les névroses trouvent leur origine dans des désirs sexuels inassouvis. Selon Freud, le diable représente en fait une figure patriarcale et incarne la peur et la défiance vis-à-vis du père, tandis que Dieu en représente l'affection et l'influence protectrice. Dans ce cadre, la religion est vue comme une création psychique permettant à l'individu d'accepter le monde qui l'entoure ainsi que sa propre condition mortelle. Le démon est intégré à l'individu comme faisant partie de son inconscient, luttant à son insu contre sa propre volonté. Jung conteste cette conception en affirmant la consubstantialité du bien et du mal, aussi indissociables que la lumière et l'ombre. Dieu et le diable ne se réduisent donc pas à des métaphores mais constituent des mythes.

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Aspect et noms

La représentation la plus classique est celle d'un personnage rouge (vert dans l'iconographie plus ancienne) associé aux flammes, avec une tête humaine et des cornes, un trident, des membres inférieurs d'un bouc et une longue queue. On le retrouve également sous plusieurs noms :
On utilise également l'interjection « Diantre ! », euphémisme de diable[réf. souhaitée].

Dans les arts

Notes et références

Notes

  1. L'ânesse de Balaam est également douée de parole.

Références

  1. http://www.lueur.org/bible/bible-en-ligne.php?v=LSG2&li=43&ch=8&ve=44&ch2=&ve2= [archive]
  2. L'Ours. Histoire d'un roi déchu, Michel Pastoureau, Éditions du Seuil, janvier 2007 – (ISBN 978-2-02-021542-8) (Fiche du livre sur Le Monde des Pyrénées [archive]).
  3. Es 45.7
  4. Livre d'Isaïe, 14, 12-15.
  5. Livre d'Ezéchiel, 28, 14.
  6. Job 2.6
  7. Job 1.21
  8. 1 Chroniques 21,1
  9. 2 Samuel 41,1
  10. Jean l'Évangéliste, Jean 8.44
  11. Paul de Tarse, 1 Thessaloniciens 2.17-18.
  12. Livre de l'Apocalypse, chap. XII, verset 11.
  13. (en) The Catechism of the Catholic Church, Numéro 391. Lire en ligne [archive].
  14. Bible, Livre d'Isaïe, 14:12-15.
  15. Bible, Ezéchiel 28:14
  16. J.N. Darby, La Sainte Bible, Livre de Job 1:6, en note de bas de page concernant le nom Satan, on peut voir "litt. : le Satan, c. à d. l'adversaire.".
  17. (en) The Catechism of the Catholic Church, Numéro 393. Lire en ligne [archive].
  18. Johannes Oesterreicher, Racisme, antisémitisme, antichristianisme, Cerf, 1940, p. 61-62 "Nous avons entendu parler de la situation déplorable des Juifs contre lesquels quelques princes spirituels et temporels et d'autres seigneurs puissants en vos pays et évêchés imaginent toutes sortes de prétextes, afin de les attaquer, de les piller et de les dépouiller de leurs biens d'une manière injuste. Quoique l'Écriture Sainte leur dise « Tu ne tueras pas » et leur interdise de toucher pendant la Pâque à quelque chose de mort, on leur impute le crime de communier, ce jour-là, avec le cœur d'un enfant tué, et on fait comme si la loi le leur prescrivait, alors que cet acte serait clairement contraire à la Loi... Se prévalant de cette intervention ainsi que de beaucoup d'autres, on les assaille et on les dépouille de tous leurs biens, sans accusation, sans aveu et sans preuve, contrairement à la justice, on les jette dans les geôles, on les opprime, et on condamne beaucoup d'entre eux à une mort honteuse, de sorte que sous ces princes et seigneurs, ils se trouvent dans une situation pire que leurs ancêtres sous les Pharaons d'Égypte, et qu'ils sont contraints à quitter les villes et les lieux où leurs pères habitaient déjà depuis des temps immémoriaux. Craignant ainsi leur destruction... ils se sont adressés au Saint-Siège... Et Nous ordonnons de rétablir l'état antérieur et de ne plus les importuner à l'avenir d'une façon ou d'une autre."
  19. a, b et c Constance Jamet, « Dessine-moi le Malin », Le Figaro, encart « Culture », vendredi 11 juillet 2014, page 33.
  20. Françoise Gury, « À propos de l'image des incubes latins », Mélanges de l'École française de Rome, vol. 110, no 2,‎ 1998, p. 1006
  21. François Guizot, Collection des mémoires relatifs à l’Histoire de France, J.-L.-J. Brière, 1824, p. 330
  22. (en) Gerald Messadié, A history of the devil, Kodansha Amer Incorporated, 1997, 384 p.
  23. Jean-Pierre Camus, Homélies festives, 1647, p. 535)
  24. Maurice Lever, Canards sanglants, Fayard, 1993 (ISBN 978-2213031255), p. 517
  25. Robert Muchembled, Une histoire du diable, op. cité, p. 150
  26. Robert Muchembled, Une histoire du diable, op. cité, p. 300-307
  27. (es) « El único 'jefe' del Papa » [archive], sur elmundo.es, 31 mai 2017 (consulté le 18 juin 2017)
  28. « La question de l'existence du diable agite l'Église catholique » [archive], sur lefigaro.fr, 11 juin 2017 (consulté le 18 juin 2017)
  29. Louis Gardet, L'Islam - Religion et communauté, Éditions Desclée De Brouwer, 1970, page 89 à 93
  30. Sourates II-34,XX-116, XVII-61, etc.
  31. Sourate VII-12,13
  32. Sourate VII versets 14,15
  33. Sourate II-36
  34. Sourate VII-20
  35. Sourate XV-26 à 40
  36. Guiness book des records

Annexes

Bibliographie

  • Albert Réville (préf. Pierre-Yves Ruff), Histoire du diable : ses origines, sa grandeur et sa décadence, Saint-Martin-de-Bonfossé, Théolib, coll. « "Liber***" », 2013, 139 p., couv. ill. en coul. ; 23 cm (ISBN 978-2-36500-057-4, ISSN 2259-5430, notice BnF no FRBNF43521045)
  • Massimo Centini, Le diable et ses mystères, Paris, De Vecchi, coll. « Mystères », 2012, 259 p., ill., couv. ill. en coul. ; 24 cm (ISBN 978-2-7328-9671-7, notice BnF no FRBNF42635713)
  • Grégoire Holtz (dir.) et Thibaut Maus de Rolley (dir.) (préf. Frank Lestringant), Voyager avec le diable : voyages réels, voyages imaginaires et discours démonologiques, XVe-XVIIe siècle, Paris, Presses de l'Université Paris-Sorbonne, coll. « Imago mundi » (no 14), 2008, 321 p., ill. en noir et en coul., couv. ill. en coul. ; 24 cm (ISBN 978-2-84050-542-6, ISSN 1627-6914, notice BnF no FRBNF41192770, présentation en ligne [archive]), [présentation en ligne [archive]], [présentation en ligne [archive]].
  • Alain Bourreau, Satan hérétique. Histoire de la démonologie (1280-1330), Éditions Odile Jacob, Paris, 2004.
  • Jean-François Lecompte (Éditeur scientifique) et Jean-Michel Nicollet (Illustrateur), Le diable dans tous ses états : anthologie de textes choisis et commentés, Paris, E-dite, 2003, 165 p., ill. en coul., couv. ill. ; 29 cm (ISBN 2-84608-117-4, notice BnF no FRBNF39230761)
  • Jérôme Baschet, « Diable », dans' Jacques Le Goff et Jean-Claude Schmitt (dir.), Dictionnaire raisonné de l’Occident médiéval, Fayard, 1999
  • Robert Muchembled, Une histoire du diable. XIIe - XXe siècles, Le Seuil, Paris, 2000.
  • Robert Muchembled, Diable !, Seuil, Paris, 2002, 220 p., (ISBN 2020557487)
  • « Le diable, de l'ange déchu à l'axe du mal », in revue Historia Thématique, no 98, novembre-décembre 2005.
  • Peter Stanford, The Devil, a Biography, William Heineman Ltd, 1996.
  • (en) Darrell Schweitzer, « The Devil », dans S.T. Joshi (dir.), Icons of Horror and the Supernatural : An Encyclopedia of Our Worst Nightmares, vol. 1, Westport (Connecticut) / Londres, Greenwood Press, 2007, 796 p. (ISBN 978-0-313-33780-2 et 0-313-33781-0), p. 161-185.
  • Roland Villeneuve, Dictionnaire du Diable, Omnibus, Paris, 1998, 1084 p. (ISBN 2258049911)
  • Jeanette Zwingenberger, « De l'Image du diable à celle de la mort », dans Le Diable, Colloque de Cérisy, Paris, 1998, éd. Dervy.
  • Lou Andreas-Salomé, Le diable et sa grand-mère (1922). Traduction, annotation et postface de Pascale Hummel, Paris, Éditions Rue d’Ulm, 2005.
  • Élyse Dupras, Diables et saints : rôle des diables dans les mystères hagiographiques français, Genève, Droz, coll. « Publications romanes et françaises » (no 243), 2006, 464 p. (ISBN 2-600-01057-2 et 978-2-600-01057-3, présentation en ligne [archive]), [présentation en ligne [archive]], [présentation en ligne [archive]], [présentation en ligne [archive]].
  • Gérald Messadié, Histoire générale du diable, Robert Laffont, 1993.
  • Johannes Oesterreicher, Racisme, antisémitisme, antichristianisme, Cerf, 1940
  • Divers auteurs, Satan, Éditions Desclée de Brouwer - L'Ordinaire - 1948, réédition 1978 - (ISBN 2-220-02181-5)
  • Agostino Tommaselli, Spiriti maligni. Chi è il diavolo, qual è il suo potere, come si combatte, ESB, 2011
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5 choses à savoir sur le diable

Le diable existe-t-il ? Les déclarations du patron des jésuites, considérant Satan comme un "symbole", ont agité une partie de la cathosphère mondiale. Il nous a donc semblé judicieux de vous refaire, sur le sujet, le bagage de connaissances minimales.

C’est "le Figaro" du 12 juin qui a attiré notre attention sur le passionnant débat que les récentes déclarations du nouveau supérieur général des jésuites viennent de relancer : le diable existe-t-il ? De toute évidence, le Vénézuélien Arturo Soza, à la tête de la compagnie de Jésus depuis octobre dernier, en doute. Il vient de déclarer dans une interview au journal madrilène "El Mundo" qu’il fallait considérer Satan comme un simple "symbole", une sorte de métaphore du mal qui est en chaque homme et non une créature, comme on l’enseigne pourtant dans le catéchisme universel.
D’où l’émoi dans une partie de la cathosphère mondiale, horrifiée par cette rupture avec une tradition solidement établie et défendue par tous les papes, dont l'actuel pape François. Et la perplexité du chroniqueur, qui avoue ne pas trop savoir comment se positionner dans une controverse qui ne manque pourtant pas d’intérêt. Elle fera évidemment ricaner mécaniquement les esprits forts, ce qui sera juste une preuve de leur faiblesse de vues.
Au lieu de jouer aux voltairiens aux petits pieds, les ricaneurs feraient mieux, en effet, de songer aux questions vertigineuses que suscite l’interrogation aujourd'hui soulevée. Si, comme le pense notre jésuite,  Satan n’existe pas vraiment, c’est donc que le mal est en l’homme et qu’il n’appartient qu’à sa liberté propre ? Alors pourquoi diable (c’est une expression), Dieu lui a-t-il imposé un tel fardeau ? A l’inverse, s’il existe en tant que créature en soi, et si c’est à lui qu’on doit imputer les passions mauvaises, cela ne revient-il pas à décharger l’homme de toute responsabilité ?
Aïe. Nous voici avancé de trois pas sur le chemin de la théologie, et on sent qu’on a déjà perdu les huit lecteurs qui nous restaient. Tâchons donc de redescendre sur le terrain de préoccupations plus concrètes.

Cette question de l’existence symbolique ou réelle du diable deviendra-t-elle le débat de l’été ? Balayera-t-elle les autres questionnements de saison – faut-il ou non mettre un peu de liqueur de pêche dans le Spritz ? quelle mozza pour quelles tomates ? On ne peut pas l’exclure, surtout s’il vous arrive de partager vos barbecues avec des copains catholiques, voire docteurs en théologie (qui sait jamais quels voisinages un camping nous réserve ?). Il nous a donc semblé judicieux de vous refaire, sur le sujet, le bagage de connaissances minimales. Il serait trop bête d’avoir l’air idiot quand on se met à parler du Malin.

1Diable, qui es-tu ?

Toutes les religions du monde comptent leur lot de démons, d’esprits malfaisants, de divinités diverses destinées à nuire. Comment la souche judéo-chrétienne aurait-elle échappé à cela ? Mais aussi comment concilier cette idée avec le principe monothéiste ? Il n’y a qu’un seul Dieu et il est toute bonté. Allez placer le mal là-dedans !
On ne peut même pas passer par la figure de l’opposition absolue entre ce Dieu du ciel, juste et bon, et un Dieu des ténèbres, prince du mal. Cela c’est le dualisme, un principe retenu dans quelques autres religions orientales, comme le manichéisme – un culte promu par Mani, prophète perse du IIIe siècle de l’ère commune –, que le christianisme rejette comme une horreur à proscrire. Au fil des siècles, il en est donc arrivé à la conception suivante : parmi tous les purs esprits créés par Dieu, ces créatures invisibles que l’on appelle les anges, l’une – bientôt suivie par d’autres – s’est rebellée, a eu l’orgueil de défier le Père en osant se prétendre son égal et c’est pour cette raison qu’elle a été déchue et qu’elle passe son temps à vouloir détourner les hommes de la juste parole divine pour les attirer au mal.

2 Diable, quel est ton nom ?

Cette créature, vous l’aurez deviné, s’appelle le diable, du grec diabolos, littéralement "celui qui divise". De même qu’il a plus d’un tour dans le sabot, il a bien plus d’un nom.
Satan est son équivalent en hébreux, même si le mot, à l’origine, désigne plutôt "l’accusateur". Lucifer, c’est-à-dire – en latin – le porteur de lumière, rappelle l’histoire que nous venons de raconter : tel était le nom de l’ange rebelle et bientôt déchu. Il passait pourtant pour être le plus beau parmi les anges. Voyez où mènent les avantages physiques.
Belzébuth, qui retrouva une certaine popularité en France, il y a quelques décennies, grâce à l’immortelle "Salsa du démon" ("oui, oui, oui, je suis Belzébuth, je suis un bouc, je suis en rut…"), dérive lui aussi de l’hébreux.
"Baal", dans toutes les langues sémitiques, signifie "le maître" et Bellzéboul était à l’origine, chez les Phéniciens, le dieu de ce qui vole, le "seigneur des mouches". On peut encore mentionner le "démon", qui, dans son origine grecque, étaient neutre : il désignait le génie, bon ou mauvais, qui accompagne chacun. La tradition chrétienne en a fait celui que la Bible désigne encore sous de nombreuses métaphores, le "serpent" – par allusion à celui qui tenta Eve –, ou encore – l’expression est, à en croire saint Jean, du Christ lui-même – le "prince de ce monde".

3 Diable, qui sont tes serviteurs ?

Ceux qui s’intéressent à la problématique du mal en général auront, pour répondre à la question, l’embarras du choix. On ne sait toujours pas si le diable existe ou pas. D’Attila à Joseph Staline, d’Hitler à Mao ou, plus récemment, de Bachar al-Assad au vrai faux calife al-Baghdadi, on peut en revanche citer de nombreux humains qui ont fait beaucoup pour assurer l’intérim en son absence.
Ceux qui s’intéressent à l’historiographie iront voir non pas du côté des serviteurs du Malin, mais de ses servantes. On pense évidemment aux sorcières. Contrairement à une idée reçue fort tenace, le point ne nous ramène nullement au Moyen-Age. L’obsession pour ces créatures du diable, dont on jurait qu’elles se réunissaient dans les clairières pour célébrer le Prince qu’elles adoraient, mener le sabbat, grimper sur des balais, faire des messes noires, ou, plus frissonnant encore, s’accoupler avec des bêtes, est plus tardive et accompagne une époque qu’on croit naïvement plus civilisée, la Renaissance.
C’est de la fin du XVe siècle au XVIIe que se situe l’époque maudite des "chasses aux sorcières". Pendant deux siècles, se met en place, dans un climat de paranoïa qui fait frémir, cette persécution méthodique de milliers de femmes, livrées par les juges religieux au bûcher parce que sous les tortures les plus démentes, et dans la folie de l’époque, elles avaient avoué absolument tout ce qu’on avait voulu leur faire avouer. C’est sûr, il devait bien y avoir quelque part la main du diable, pour qu’on en arrive à de telles horreurs. Malheureusement pour la mémoire de la sainte Eglise – et de ses consœurs protestantes qui ont pratiqué la même chose –, il paraît clair que Belzébuth s'était glissé dans la tête et dans le cœur de tous les dingos qui, dans leurs habits de pieux juges de la Vraie Foi, prétendaient le combattre.

 

4 Diable, quelles sont tes méthodes ?

Ne les énumérons pas toutes. Avec un rusé pareil, on en aurait jusqu’à la saint Fiacre (30 août). Contentons-nous de rappeler qu’il peut user de deux méthodes principales.
D’abord la tentation, comme il le fit dès le jardin d’Eden et qu’il refit le coup par la suite avec tout le monde, y compris les plus capés. Rappelons que le Christ Jésus lui-même, lors des quarante jours qu’il passa dans le désert, dut résister à la faim, à la soif, à la concupiscence et à tous les filets lancés par la créature perfide pour le détourner du droit chemin. Tous les saints, même les plus grands, connurent pareils tourments, à l’instar de saint Antoine, le père des moines, livrés, dans son désert d’Egypte, à la lutte farouche contre ses appétits. Nombre d’entre eux les décrivirent par le menu.
On note qu’en général, avant de s’attaquer à l’Esprit, le Tentateur vise d’abord la Chair – elle est si faible. Certains de ses serviteurs sont même spécialisés dans le désir sexuel : ainsi les succubes sont-ils les démons femelles envoyés par Satan pour surprendre les hommes dans leur sommeil, tandis que les incubes, démons mâles, se chargent de pénétrer leurs femmes, ou parfois les hommes aussi – le démon est sans préjugé.
Le second moyen d’action du diable est encore plus invasif : c’est la "possession". Il s’introduit dans le corps d’un individu et devient ainsi le maître de la pauvre créature qui n’est plus, dès lors, qu’un possédé.

5 Diable, qui te vaincra ?

Pour libérer le malheureux ou la malheureuse de l’emprise du démon, il faut beaucoup d’énergie, des tas de techniques diverses, des prières en nombre et du personnel compétent. Seul un prêtre, dûment mandaté par son évêque, et agissant en suivant une procédure toujours tenue secrète, peut procéder au rituel de l’exorcisme, c’est-à-dire de l’expulsion de la créature maléfique hors du corps de la victime.A dire vrai, ce que nous venons de décrire s’appelle le "grand exorcisme" et ne se pratique pas si fréquemment, quoiqu’il soit bien moins rare qu’on ne le pense.
Il existe aussi l’exorcisme ordinaire, plus courant : il se pratique ipso facto lors de chaque baptême. Une de ses fonctions est de protéger le nouveau chrétien des nuisances du prince des ténèbres. Charge ensuite au baptisé de faire un peu de boulot chaque jour pour entretenir la chose : prières à volonté, modération des désirs divers, recherche du droit chemin et tout le toutim. Ceux qui n’ont pas le courage de s’astreindre à l’exercice et trouvent la lutte fastidieuse peuvent prendre leur malin en patience. Il leur faudra attendre un moment. Les textes saints affirment que Satan sera enfin définitivement vaincu lors de la Parousie, c’est-à-dire au moment où le Christ reviendra sur terre. Selon divers avis, ce n’est pas demain la veille.
François Reynaert

François Reynaert

Journaliste


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